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La Crimée vote la Russie : et après ?

Publié le 17 mars 2014 par Vindex @BloggActualite

La Crimée vote la Russie : et après ?

-Carte de la Crimée-


Hier soir se jouait un nouvel acte de l’épisode Ukrainien. En effet, la Crimée, région du sud de l’Ukraine, devait se prononcer par Référendum sur sa sécession de l’Ukraine pour rejoindre la Russie. Pourquoi ce référendum a-t-il eu lieu ? Quels sont les intérêts de la Russie en Ukraine ? Les réactions européennes et américaines auront-elles de l’influence ? Quelles seront les conséquences des résultats (sans surprise) de ce vote ?

La Crimée : quelques données pour comprendre son importance dans l’affaire Ukrainienne


Depuis que Viktor Ianoukovitch a été destitué fin février dernier, la situation en Ukraine s’est emballée. En effet, sous l’influence des milieux nationalistes, le nouveau gouvernement a pris des mesures drastiques à l’encontre des Russes d’Ukraine (nombreux à l’est du pays). Cela a provoqué la réaction militaire de la Russie en Crimée. Mais pourquoi la Crimée est-elle autant au cœur du problème ? Quelques éléments sont à rappeler.
-Historiquement, il faut rappeler que la Crimée fut longtemps Russe. En effet, le dernier ralliement de la Crimée à l’Ukraine ne date que de 1954. Cette année là, Nikita Khrouchtchev avait souhaité rattacher la Crimée à la République Soviétique d’Ukraine pour fêter l’anniversaire de l’union de la Russie et de l’Ukraine. Ce rattachement ne correspondait pas vraiment à des volontés nationales mais plutôt au symbole de l’entente Russo-ukrainienne.
-Le fait que la Crimée soit historiquement Russe joue inévitablement sur la composition de cette région. En effet, environ 60 pour cent de la population y est russophone et se sent donc Russe. C’est d’ailleurs pour cela qu’en 1992, la Crimée avait obtenu un statut d’autonomie lors de la constitution de la République d’Ukraine. Un statut qui a semble t-il été grignoté pour minimiser l’autonomie de cette région.
-Enfin et surtout, il ne faut pas oublier que la Crimée est une région stratégique pour la Russie. En effet, située au bord de la mer Noire, elle est une région économique plutôt importante, notamment pour son industrie et son tourisme. Mais plus important encore, elle contient des ports et bases militaires russes qui permettent un contrôle géopolitique de cette région où se trouve la Turquie (alliée des Etats-Unis) et les pays du Caucase (où des conflits latents impliquent la Russie, notamment en Géorgie). Aussi elle est une région importante pour le contrôle des gazoducs et oléoducs menant vers le sud. Si la Russie est intervenu et a influencé pour la tenue d’un référendum, c’est qu’elle sent que l’Ukraine bascule de plus en plus du côté américain et que les traités qui permettaient la présence militaire russe en Crimée ne sont plus effectifs.

Le déroulement du référendum


Décidé la semaine dernière, le référendum a donc eu lieu hier, accompagné d’une certaine tension même si l’issue du vote ne faisait aucun doute. Malgré l’appel au boycott des Ukrainiens et des Tatars (une minorité musulmane), la participation fut tout de même de plus de 70 pour cent. En parallèle, meetings politiques et festivités eurent lieu pour fêter la victoire en fin de journée alors même que les résultats n’étaient pas officiels. Il ne semble pas qu’il y ait d’affrontements ou de fraudes électorales, il est à noter que le gouvernement pro-Russe de Crimée a accusé les Etats-Unis (en particulier l’Université Urbana-Champaign) d’être à l’origine d’une cyber-attaque contre le site du Référendum. Une telle attaque n’aurait rien d’étonnant quand on sait que les Etats-Unis étaient hostiles au référendum. La journée fut d’ailleurs ponctuée par les réactions en série des pays occidentaux qui tour à tour ont rappelé qu’ils ne reconnaîtraient pas le résultat du vote, l’Union Européenne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis en particulier. Dès 19h, les premières estimations parlaient de 93 pour cent pour le OUI. Au final, le score est encore plus écrasant : 96,6 pour cent pour le rattachement à la Russie. Le résultat sans appel (mais très attendu) est donc arrivé. Mais comment la situation va-t-elle évoluer sachant que la Crimée a annoncé son rattachement à la Russie aujourd’hui mais que l’Ukraine (accompagné du camp occidental) ne reconnaît pas ce rattachement ?

Quelles conséquences sur l’épisode ukrainien ?


Le référendum et son résultat cristallisent la situation d’opposition autour de l’Ukraine. Plusieurs questions peuvent être posées : quelles seront les relations entre l’Ukraine et la Crimée ? La reconnaissance de ce changement de frontière sera-t-il facile ? Comment la situation va-t-elle se débloquer ?
L’Union Européenne : des sanctions inefficaces ?
Comme elle l’avait déjà annoncé, l’Union Européenne va sanctionner la Russie pour son attitude en Crimée. Dans la suite logique de sa condamnation du référendum, des réunions ont « peaufiné » ces sanctions aujourd’hui. Cependant, il semble que certains pays de l’Est comme la Bulgarie soient réticents à sanctionner la Russie pour la simple et bonne raison que les contrecoups économiques pourraient les défavoriser. Ceux-ci semblent prendre avec plus de sérieux (peut-être parce qu’ils sont plus proches de la Russie que nous) les possibles répercussions sur les livraisons de gaz… Ces réticences pourraient bien rendre la position de l’UE inconfortable et incohérente. La portée des sanctions pourrait en être affaiblie. Aussi il paraît peu judicieux de sanctionner la Russie si l’on veut négocier avec elle.
Une Crimée Russe dès aujourd’hui ?
Selon Pierre Lorrain, chercheur spécialiste de la Russie, il n’est pas certain que la Crimée puisse instantanément obtenir son rattachement à la Russie. En effet, la reconnaissance internationale prendra du temps et même si certains en Ukraine ont peur d’une guerre avec la Russie, il est loin d’être certain que Vladimir Poutine en vienne à la force pour officialiser le rattachement. En effet, en fin stratège, Poutine ne peut se permettre de bloquer à ce point l’Occident en concrétisant son coup de force. Il se contentera sans doute de rappeler la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Quoiqu’il en soit, en faisant preuve de patience, Poutine aura l’air d’être plus modéré aux yeux des occidentaux et cela sera une stratégie plus payante pour annexer réellement la Crimée dans un avenir plus ou moins proche. Malgré tout, même si hier soir la trêve semblait se profiler, l’Ukraine a décidé aujourd’hui de mobiliser 40 000 réservistes pour répondre à la Russie et la Crimée.  Selon Aymeric Chauprade, le référendum en Crimée sonne comme une nouvelle victoire de la Russie et permet de plus en plus sérieusement d’envisager un monde multipolaire et une Union Européenne plus détachée du joug atlantiste. Il croît en une boucle de Yalta commencée en 1945 à la conférence de Yalta et se terminant hier par le référendum en Crimée. Le spécialiste en géopolitique rajoute que les dirigeants de notre continent doivent en profiter pour se rapprocher de la Russie, sans quoi cette dernière se rapprochera inévitablement de la Chine.  
La négociation pour débloquer la situation
Même si cette journée fut tendue, il en reste que les négociations restent la voie privilégiée. En effet, le fait pour Vladimir Poutine d’avoir eu au téléphone successivement Angela Merkel et Barack Obama pour discuter de la situation le montre. Le contenu de ces entretiens le confirme : les deux présidents ont convenu qu’il fallait trouver des solutions pour stabiliser la situation et Vladimir Poutine a ajouté qu’une mission de l’OSCE allait couvrir l’Ukraine conformément au souhait de la chancelière allemande.   
En conclusion, la Russie a une nouvelle fois avancé ses pions en Ukraine, et sur quelque chose de plus tangible que la force : sur une référendum où le peuple de Crimée a exprimé son avis sans hésitation. Cependant, cette voix est contestée et l’opposition Ukraine se maintient. Il faut toutefois dire que Poutine consolide sa victoire et que les occidentaux, malgré leurs grands principes et leurs premières aides politiques à l’Ukraine ne pourront pas aller plus loin que des sanctions qui seront d’ailleurs sans doute peu efficace. La voix lente mais sûre de la négociation s’imposera probablement à ce nouveau conflit. 
 Sources
Le ParisienAtlanticoSlateLa Voix de la RussieLa Voix de la RussieLe Blog d'Aymeric ChaupradeLe Figaro
Vin DEX

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