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359ème semaine politique: Sarkozy a peur de disparaître

Publié le 22 mars 2014 par Juan
359ème semaine politique: Sarkozy a peur de disparaître

L'actualité prend des airs de roman d'espionnage, de parodie politique, de feuilleton d'anticipation. 

Poutine horrifie quand Sarkozy fait rire. Hollande est en retrait, la Crimée annexée, une campagne municipale négligée.

Ailleurs

Loin, très loin, un avion est toujours porté disparu quelque part dans l'Océan indien. On évoque les extra-terrestres, ou un détournement terroriste. C'est un feuilleton sur mesure pour les accors de l'info, plus passionnant qu'une manifestation d'intermittents ou le décmpte des morts de la rue.
Plus près, la Crimée vient d'être annexée par la Russie. Les Européens signent rapidement un accord de coopération avec l'Ukraine. On attend des élections libres pour le 25 mai. Aucun Européen n'assume des sanctions économiques contre Poutine qui lui seraient coûteuses, notamment en approvisionnement en gaz. C'est le choc des principes contre la réalité.
En Turquie, le premier ministre Erdogan interdit ... Twitter. L'homme, qui accumule les scandales et les casseroles, semble sorti d'un autre temps.
Plus réjouissant, les 28 gouvernements s'accordent sur l'échange automatique d'informations fiscales relatives aux versements effectués par des trusts ou des fondations. C'est une course contre le temps électronique et la mondialisation des fraudes. Un accord définitif sur l'union bancaire a été conclu: quand une banque fera faillite, un fond de résolution, financé par les banques ou par des emprunts sans garantie publique, viendra à sa rescousse. Une gauche dira que ce n'est pas assez.

Sarkozy, en peur

Mais le vrai spectacle est en France. C'est un remake du Parrain, avec Guignol en premier rôle. Voici Nicolas Sarkozy, l'arroseur arrosé, et même trempé.
On se souvient de cette cascade de pressions, d'espionnage et de turpitudes qui avaient frappé des juges trop curieux, des hauts fonctionnaires peu dociles, voire des opposants politiques... quand Nicolas Sarkozy était président.
Deux journalistes en ont fait un ouvrage qui ramenait la France au niveau le plus bas. On se rappelle les lois Loppsi - deux épisodes, le décret anti-cagoule, la loi Perben II (qui assouplit les conditions d'écoutes clandestines), les écoutes électroniques, la rétention de sûreté à vie, le fichier Edvige (sur les militants politiques, associatifs ou syndicaux), le rattachement de la DCRI à la seule autorité du Président - bien combien l'arsenal sécuritaire de ce pays fut renforcé, pour très peu de résultats d'ailleurs.
Le chef d'orchestre de cette rupture-ci s'appelait Nicolas Sarkozy. Il les avait convaincu qu'en matière de lutte contre la délinquance et le crime, toutes les frontières éthiques pouvaient être franchies. On pouvait rêver de tests ADN, ou de détecter les germes de la délinquance dès la maternelle. 
Sarkozy n'avait aucun scrupule à laisser son vizir Guéant appeler les juges, s'immiscer dans les procédures, donner des instructions, muter les récalcitrants. Les récents extraits des écoutes clandestines de Patrick Buisson l'ont encore rappelé.
Ce Nicolas-là s'est donc fendu d'une tribune, vendredi, premier jour du printemps. Comme pour oublier l'hiver qu'il nous avait fait subir. Un texte long, violent, ordurier. L'homme dérape, on sent la rage qui déborde, son inquiétude à ressouder les proches. Il y compare la justice et la police à la Stasi, assimile la France à une dictature. Il accuse Hollande, Taubira et Valls de manipuler les enquêtes.

Stasi ?

Sa tribune dans le Figaro vendredi 21 mars n'avait qu'un but: remobiliser ses supporteurs. il ne s'agit pas de convaincre du fond mais de son retour, que son retour est encore possible puisqu'il a encore la rage. Sarkozy a la trouille que ses plus proches finissent par douter. 
Les magistrats, attaqués, ne répondent pas à la "provocation" (USM, classé à droite). Le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (majoritaire chez les officiers de police) s'indigne ; un journaliste allemand rappelle à Sarkozy ce qu'était la Stasi - écoutes, enlèvements,  tortures, chantage. Bernard Tapie comprend que Sarko ait "pété les plombs".
La Garde des Sceaux répond simplement à l'homme énervé. Oui, "les procédures sont et doivent être les mêmes, que l’on soit puissant ou misérable". 
Bref, les critiques sont nombreuses, ... sauf à  droite. Il y a les gênés qui n'en pensent pas moins mais ne disent rien (Fillon, Apparu, Juppé), les soulagés car l'attention change d'objet (Copé), et le clan (Morano, Hortefeux, Guaino).
Cette excitation ne saurait faire oublier les faits: Sarkozy est sorti de ses gonds à cause d'une nouvelle publication, mardi par Mediapart, d'extraits des écoutes judiciaires. Ces dernières confortent le soupçon de trafic d'influence: oui, Sarkozy espionnait les magistrats qui instruisaient le dossier Bettencourt; un magistrat ami de Herzog, l'avocat de Sarkozy, disposait de documents sur une procédure Bettencourt qui ne le concernait pas; et Sarkozy, comme Brice Hortefeux, a été prévenu à l'avance des perquisitions par une taupe policière.

On vote

Cette excitation a fait oublier les élections municipales. La campagne touche à sa fin. Le premier tour ce dimanche promet peu de surprise: une large abstention, une UMP encore convalescente, un Front national qui surfe sur le dégout et le découragement. Les candidats misent sur le local, les étiquettes politiques sont souvent cachées. Des militants se démènent pour convaincre. Les ténors attirent un peu dans les meetings. Certaines campagnes locales ont été violentes (y compris contre des blogueurs engagés).
Mais le feu n'est pas là. Pour cette première confrontation électorale depuis les élections de 2012, l'attention citoyenne et publique est affaiblie, comme déjà et encore essoufflée.

On gouverne

Cette excitation a fait oublier le reste. Michel Sapin, ministre du Travail, s'obstine sur sa réforme de l'inspection du travail. Une étude de Bercy confirme que le redressement fiscal que la France a subi depuis 2012 a réduit les écarts de revenus: cette redistribution "réduit de 40 % les écarts de niveau de vie entre les 10 % des ménages les plus modestes et les 10 % les plus aisés. " La publication de cette étude, par les Echos, n'est pas anodine. Il s'agit de décourager les velléités de certains d'en faire encore davantage.
Vendredi, tard dans la nuit, les partenaires sociaux ont signé les nouvelles règles d'indemnisation du chômage: les intermittents du spectacle, dont le régime favorable fut un temps menacé par un MEDEF qui ne voyait pas la spécificité précaire de cette activité, ont remporté la manche, leur mobilisation a payé: leur indemnisation maximale sera certes plafonnée (à un peu plus de 5000 euros par mois), mais les caractéristiques de leur régime demeurent. Un système de droits rechargeables dès 150 heures de travail, est créé (suite de l'ANI de 2013); le délai maximal de carence d'indemnité des cadres est porté à 180 jours.
Cette excitation a fait oublier le reste. Hollande est en retrait. Il a parlé d'Europe, vendredi après son Conseil. Il a réagi, un peu, sur l'outrance de l'ancien monarque. Il réfléchit, beaucoup, à un remaniement dont tout le monde se fiche.
Un président, enfin normal, face au chef de clan toujours surexcité, sur fond d'indifférence collective ? 
Ami citoyen, reviens.
Crédit illustration: DoZone Parody


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