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Hallu-ciné (10)

Publié le 24 mars 2014 par Hongkongfoufou

hkff logo Par Hong Kong Fou-Fou

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Parce qu'on ne peut pas aller tous les soirs boire un cocktail au Mocambo, et que les programmes télé risquent de nuire gravement à votre santé, chaque mois (ou presque...), une petite sélection de DVD qui peuvent sauver votre soirée.

Cela faisait bien longtemps que Marty Feldman et ses yeux en balles de ping-pong sous pression n'avaient égayé la première page de Fury Magazine. Sélection mensuelle, tu parles... Dans cette édition, nous allons parler de films français, qui ont en commun de ne probablement pas être passés sur les chaînes publiques depuis l'époque heureuse où les programmes télévisés étaient présentés par une speakrine assise à côté d'un guéridon orné d'un pot de fleurs. Ces cinq films ont également en commun de raconter une histoire de machination criminelle, de tromperie entre proches pas sans reproches, de faire intervenir des protagonistes dont le machiavélisme le dispute au goût du lucre. Le rythme est lent, les dialogues savoureux, la tension s'installe petit à petit jusqu'au rebondissement final. On est bien loin des polars d'aujourd'hui où l'intervalle entre deux fusillades ou deux poursuites est réduit au strict minimum, de peur que le téléspectateur n'use de sa sacro-sainte zapette. Pour les trois premiers films, gage de qualité, Paul Guégauff est impliqué dans le scénario et/ou les dialogues (j'en profite pour vous rappeler qu'Oddjob a chroniqué le bouquin qui lui a été consacré l'année dernière : Dandy, c'est fini).

Je n'ai rien bien sûr contre "Le pacha" ou "Le clan des Siciliens" qui ont régulièrement l'honneur d'une rediffusion mais si on s'intéresse à la filmographie des réalisateurs évoqués ci-dessous, on constate que nombre de leurs oeuvres ne passent jamais, jamais, jamais sur nos chaînes nationales. A quoi ça sert de payer une redevance pour une programmation aussi plate que les écrans qui servent à la regarder ? Je voudrais remercier ici un inconnu qui est devenu le compagnon de mes pauses déjeuner, Taylor Harter. Sa chaîne youtube est un régal pour le cinéphile solitaire (c'est ici : Taylor Harter). Oui, je l'avoue, je suis un asocial. Plutôt que de manger dans la salle commune avec mes collègues de travail et bailler à m'arracher la mâchoire (ce qui gênerait ma mastiquation) en les écoutant discuter des performances de la nouvelle Golf ou du meilleur candidat aux municipales, je préfère jouer les ermites dans mon bureau et m'évader dans un monde qui a un jour été le nôtre, où les hommes mettaient une veste et une cravate pour aller dîner, dîner où ils étaient accompagnés par papa-maman jusqu'à 21 ans.

Qui ? (Léonard Keigel, 1970)

Marina (Romy Schneider) échappe de peu à la mort dans un accident de voiture : son boyfriend Claude, avec lequel elle vient de se disputer, veut lui flanquer la pétoche et roule à fond de train au bord d'une falaise bretonne, au son de la musique composée par Claude Bolling (comme s'en souvienne peut-être les assidus de "Bon tempo pour vos tympans"). Qui fait le malin tombe dans le ravin, Claude y reste (le boyfriend, pas Bolling). Serge, le frère de Claude (le boyfriend, pas Bolling) rejoint le lieu du drame en même temps que la police. Il recueille une Marina un peu déboussolée et la ramène à Paris. Evidemment, on n'introduit pas Romy Schneider chez soi sans que la vie domestique en soit un peu perturbée. Au fil des jours, le beau Serge succombe aux charmes de Marina, tout en se demandant si elle n'aurait pas tué son frère, dont le corps refuse obstinément de refaire surface.

Bien qu'inconditionnel de Maurice Ronet, qui apporte sa classe naturelle au rôle de Serge, je n'avais jamais vu ce film, je ne connaissais pas le réalisateur, mais c'est un pur chef-d'oeuvre. Le regarder, l'autre jour de 12h à 13h30 en mangeant mon jambon-beurre, a sublimé cette modeste préparation, j'avais l'impression de déguster un coq au vin.

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Diaboliquement vôtre (Julien Duvivier, 1967)

Le réalisateur de Pépé le Moko et de Don Camillo signe-là son dernier film, il est même mort juste avant sa sortie en salles, mais on peut dire qu'il a fini en beauté.

Comme dans l'épisode d'Amicalement vôtre "Le lendemain matin" ou le téléfilm "Le complot du silence" avec Louis Jourdan, l'histoire débute par une perte de mémoire. Georges Campo (Alain Delon) se réveille marié à une jolie femme et habitant un magnifique château. Forcément, même s'il ne se souvient de rien, il a envie de faire des efforts, d'autant que son épouse Christiane est interprétée par Senta Berger. Comme son nom l'indique, cette actrice est allemande. Berger, c'est forcément allemand, n'est-ce pas. Je dois vous avouer que je n'aime pas trop les Allemands, avec leur fâcheuse manie de vouloir nous envahir, qu'ils aient un casque sur la tête et des bottes aux pieds, ou qu'ils les remplacent par une casquette Paulaner et des sandalettes avec chaussettes. Mais la Senta Berger de 1967, elle peut m'envahir quand elle veut, mes frontières lui sont ouvertes, je suis subjugué par sa chute de Rhin. Comme moi, le pauvre Campo est frustré : l'amnésique adoucit les moeurs mais son médecin est formel, pas de galipettes avec sa femme, ça pourrait ralentir sa guérison. On se demande dans quelle faculté il a appris la médecine, celui-là. En tout cas, comme le montrent les deux photos ci-dessous, si devant la caméra les relations Georges/Christiane sont plutôt crispées, hors caméra celles entre Alain et Senta sont plus cordiales. Très vite, Geroges Campo nourrit des soupçons et comprend qu'il n'est que le jouet d'une sombre machination dont je ne vous dis rien de plus, sinon vous n'aurez pas envie de voir ce film, ce qui serait vraiment dommage.

La musique est signée François de Roubaix, c'est forcément impeccable.

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Le scandale (Claude Chabrol, 1967)

Ce film nous entraîne dans le milieu pétillant du champagne. Maurice Ronet y incarne Paul Wagner, héritier du nom des champagnes Wagner que Christine Belling (Yvonne Furneaux), épouse de son vieil ami Christopher Belling (Anthony Perkins) et actionnaire majoritaire de la marque, voudrait le convaincre de lui céder, pour qu'elle puisse revendre le tout à de richissimes Américains. Mais Paul Wagner s'en moque, il résume son intérêt pour l'offre d'achat yankee par cette réplique lapidaire : "Ce n'est pas tous les jours qu'on voit le champagne flirter avec le cola". Il préfère coincer la bulle, jouer au tennis ou au Scalextric dans sa garçonnière et, semble-t-il, assassiner des jeunes femmes. Bien sûr, puisque c'est le fil conducteur de cette sélection, les coupables seront les victimes, les premiers seront les derniers. A noter la présence de Stéphane Audran, dans un rôle assez discret mais dans lequel elle est parfaite de froideur. On lui ferait saisir une bouteille de champagne, elle serait frappée dans la seconde qui suit.

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La peau de Torpedo (Jean Delannoy, 1970)

Le film débute avec Stéphane Audran, encore, qui ramène chez elle un petit minet qui mange son ronron au Drugstore, pour tenter d'oublier dans ses bras juvéniles les absences de son antiquaire de mari. Ce qu'elle ignore, c'est que l'antiquaire est en toc, il mène une double vie et s'occupe plutôt d'espionnage. Elle le tue accidentellement (je ne vous gâche pas l'intrigue en écrivant ça puisque ça se voit sur la photo ci-dessous) et se retrouve poursuivie par une puissante organisation internationale, personnifiée par l'inquiétant Klaus Kinski, et par la police, personnifiée, elle, par le plus débonnaire Michel Constantin.

Pour les amateurs de mécanique, on voit dans le film une Matra MS630, ce qui suffit à justifier son visionnage (pour les gens pressés, c'est à 59 mn 45 secondes).

Pour les amateurs de musique, on y entend encore celle de François de Roubaix.

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Si douces... si perverses (Così dolce... così perversa, Umberto Lenzi, 1969)

Comme l'indique le titre original, il s'agit cette fois d'une production italo-française, ce qui me permet de rendre hommage au récemment disparu Riz Ortolani, qui officie ici à la baguette magique. Le réalisateur Umberto Lenzi a une filmographie longue comme un spaghetto, et aussi tordue. Comme beaucoup de ses confrères italiens de l'époque, il a touché un peu à tout, le péplum, le giallo, le western, le film de cannibales bien gore(gonzola ?), le mélange improbable (Maciste contre Zorro. Moi, rien que pour ça, j'ai du respect pour lui. Prendre le risque d'avoir un jour à dire à ses petits-enfants : "Maciste contre Zorro, c'est moi", chapeau).  Jean-Louis Trintignant est Jean Raynaud. Il est marié à Danielle (Erika Blanc, qui pour la petite histoire a été la première interprète d'Emmanuelle, avant Sylvia Kristel) mais comme leur couple bat de l'aile, il est volage, ce qui est logique. Fidèle à son infidélité, il séduit sa nouvelle voisine, Nicole Perrier, qui, si elle est douce, se révèle également perverse, ce que vous avez deviné si vous avez lu le titre du film. Et s'il y a un "s" dans le titre français, c'est que Danielle est pas mal non plus dans le genre. Elle nourrit une relation trouble avec Nicole (voir la blonde et la brune ensemble, saphique les yeux...)

Mais encore une fois, ne dévoilons pas trop le scénario, restons dans le futile et l'agréable et terminons en disant que Jean Raynaud a la joie de parcourir les Champs-Elysées au volant d'une Fiat 125 Vignale Samantha. Je n'ai pas regardé si sa plaque était paire, impaire ou manque et s'il avait le droit de circuler, mais en tout cas, il y a quelque chose à voir.

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