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[Carte Blanche] Les Cahiers Benjamin Péret, par Alain Paire

Par Florence Trocmé


 
Depuis son décès survenu en septembre 1959, Benjamin Péret a souvent subi le sort de l'écrivain « notoirement méconnu » : une situation contre laquelle luttent et se mobilisent, sans relâche depuis plus de cinq décennies, les Amis de Benjamin Péret. Leur association fut fondée en mai 1963. Elle eut successivement pour présidents Robert Lebel, Jean-Louis Bédouin et Claude Courtot. Depuis 2008, à partir de Lyon où il fut enseignant au lycée du Parc de la Tête d'or, Gérard Roche en assume la responsabilité. 
 
Au fil des ans son association s'est révélée remarquablement productive. Elle a tout d'abord assumé l'édition des Œuvres complètes de Péret : trois volumes édités par Eric Losfeld au Terrain vague, quatre tomes disponibles sous la houlette de Bertrand Fillaudeau chez José Corti, un huitième volume en attente. Publié en 1995, le septième volume comportait l'un des derniers écrits de Jean Schuster, un Liminaire dont voici un court extrait : « Il dérange pour une raison élémentaire : Benjamin, c'est la poésie, la poésie absolue, celle qui est à l'écoute du monde vivant, qui réinvente la parole des anciens dieux et invente la langue des oiseaux, qui bénît les noces de Quetzalcóatl et de la boulangère du 125, boulevard Saint-Germain, c'est le combattant de la guerre d'Espagne luttant contre Franco mais aussi contre l'infamie stalinienne - rappelons cette photo de sentinelle en plein soleil, la main droite tenant ferme le fusil, la gauche caressant un chat. Mais c'est aussi le teigneux, le jamais content, l'objecteur de conscience et d'inconscience, le fou qui a toujours raison. Gloire à Benjamin, honneur à ses amis ». 
 
Également à l'actif des Amis de Benjamin Péret, la publication depuis 1995 d'un bulletin Trois cerises et une sardine (25 numéros, de nombreux documents inédits) ainsi que l'ouverture en 2007 d'un site internet en constant accroissement (des actualités, une bio-bibliographie, des florilèges, des articles d'écrivains comme Claude Courtot, Jérôme Duwa, Jean-Michel Goutier, Guy Prévan, Dominique Rabourdin, des vidéos, une Bibliothèque sonore ainsi qu'un précieux index). Sont disponibles Jean Clair et la misère intellectuelle française ainsi que le catalogue de l'exposition Benjamin Péret et les Amériques (Paris, Maison de l'Amérique latine, automne 2009). Dans la collection Archipels du Surréalisme, chez Syllepse, Gérard Roche a postfacé Sans retour, les poèmes de Low Mary ainsi qu'une réédition de Je ne mange pas de ce pain-là. 
 
Depuis septembre 2012 l'Association publie des Cahiers Benjamin Péret. 132 ou 140 pages, des illustrations couleur et noir et blanc, une maquette de qualité, format 18 x 25 cm. On trouve le sommaire du n°1 sur ce lien. Sur cet autre lien, les contributions du second cahier, paru en septembre 2012. 
 
Parmi les pages de ces deux Cahiers on trouvera le souvenir d'une controverse autour du Grand Jeu et d'un article acide de Gabriel Bounoure, ainsi que des extraits inédits des correspondances de Péret avec Pierre Mabille et Daniel Guérin. Un dossier réunit des témoignages et des écrits de ses Compagnons d'armes de la Guerre d'Espagne (Juan Bréa, Mary Low, José Viola). 
 
Dans le deuxième Cahier, un dossier Mexique et un ensemble de textes consacré au poète et plasticien Jean-Louis Bédouin (1929-1996) qui fréquenta quasiment quotidiennement André Breton et Benjamin Péret, depuis leurs retours des États-Unis et du Mexique, jusqu'à leurs morts. À propos de ces grandes amitiés, on trouve un texte de Bédouin qui décrit sa première visite chez André Breton, rue Fontaine : « il me fit d'emblée l'impression, jamais démentie par la suite, d'un homme qui fait bloc. À la fois ramassé sur lui-même comme le tronc d'un grand arbre, et merveilleusement délié dans ses gestes, ses attitudes, sa façon de parler, de sourire, de bourrer sa pipe ou, soudain, de se saisir d'un livre pour vous en lire à haute voix une page. Il tenait à la fois du grand fauve et du bison d'Amérique ... » De son côté Claude Courtot rapporte qu'Anne et Jean-Louis Bédouin habitaient un appartement, 17 rue Gramme dans le XVe arrondissement. Anne possédait une petite chambre dans cet immeuble. « Elle lui loua cette pièce sans grand confort, à partir de 1951. Péret lui payait un modeste loyer. La solution était provisoire, Péret et ses amis cherchèrent longtemps un appartement digne de ce nom. Vainement. Les faibles ressources du poète lui interdisaient toute prétention à une location plus ambitieuse. Si bien qu'il conserva jusqu'à sa mort son humble logis de la rue Gramme ! ». 
 
Comme dans de nombreuses revues associatives dont le creuset relève de la mémoire et de l'amitié, on rencontrera au fil des pages de très utiles notes (par exemple, l'évocation d'une exposition du musée de Brest consacrée au critique d'art Charles Estienne, un hommage de Dominique Rabourdin au lendemain du décès de Michel Boujut, un adieu de Gérard Roche adressé au peintre lyonnais Max Schoendorff) ainsi que d'émouvantes photographies (entre autres, celle qui accompagne un entretien avec Mary Low). 
 
 
Adhésion et abonnement : Association des Amis de Benjamin Péret, 50, rue de La Charité 69002 LYON) 18 euros + 2 euros de port. 
 
[Alain Paire] 
 


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