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" Valse pour Monica " un film de Per Fly

Publié le 03 avril 2014 par Assurbanipal

" Valse pour Monica "

un film de Per Fly.

Suède. 2013

Durée 1h51

Musique de Peter Nordahl

Sorti en France depuis le 19 mars 2014. 

Distribué en France par Chrsyalis Films

Avec Edda Magnason dans le rôle de Monica Zetterlund (1938-2005).

Tous les préjugés ne sont pas faux. Par exemple, celui qui veut que pour être chanteuse de Jazz, il faut affronter ses démons: l'alcool, le tabac, la nuit, les hommes, le racisme. C'est ce que raconte la vie de Monica Zetterlund, légende du Jazz en Suède, trop méconnue en France.

Imaginez une jeune femme, mère célibataire à 17 ans, vivant chez ses parents dans un village suédois " Hagfors " ( " Le seul usage d'une petite ville, c'est que vous la haï ssez et que vous savez que vous devez en partir " disait Andy Warhol), demoiselle du téléphone, à la fin des années 1950, qui veut devenir une star du Jazz et y est arrivée. Pour cela, elle a dû payer ses dettes ( " You must pay your dues "  disent les musiciens américains), sacrifiant sa vie de femme et de mère pour atteindre la gloire et la fortune. 

C'est cette histoire que raconte, en la condensant sur 10 ans, le cinéaste danois Per Fly. Il reconstitue particulièrement bien l'ambiance de l'époque: costumes, voitures, couleurs, villes, villages, individus, tout sonne vrai.

Monica est repérée dans un bar de Stockholm par Leonard Feather, un des plus grands producteurs de l'histoire du Jazz. Il l'invite à New York. Elle laisse sa fille à ses parents et part. Là, elle chante accompagnée par le trio de Tommy Flanagan, un pianiste dont elle a tous les albums. Elle découvre qu'elle a droit à une loge parce qu'elle est Blanche et eux, non, parce que sont des Nègres. Elle répète avec eux dans le débarras puis se fait virer parce qu'une fille si blanche, si blonde, si belle ne se produit pas sur scène avec des Nègres, même à New York, dans un club de Jazz. Déprimée, elle boit seule dans un bar où elle rencontre son idole Ella Fitzgerald. " Ella Fitzgerald, j'ai toujours rêvé de vous rencontrer " . " Si c'est ton seul rêve, je te plains, ma petite ". Ca commence mal. Ca se termine mal aussi. Monica chante devant Ella " Do You know what it means to miss New Orleans? " et Ella l'interrompt tout de suite: " Comment la Nouvelle Orléans peut-elle te manquer? Tu n'y as jamais mis les pieds, ma fille. Quand Billie le chantait, elle le vivait ". 

Rentrée en Suède, découragée, elle part en tournée avec un orchestre, plantant sa fille et ses parents. Là, elle refuse de chanter " Do You know what it means to miss New Orleans ? " parce que cela ne veut plus rien dire pour elle, rencontre un contrebassiste timide, charmant, attentionné (il l'épousera à la fin du film après plusieurs aventures amoureuses malheureuses pour Monica) qui lui fait découvrir un poète suédois. Un soir, lisant le poème " I New York " dans un bar, le rythme du " Take Five " du Dave Brubeck Quartet s'impose et cela devient la chanson qui illustre cet article. Il est possible de chanter le Jazz en suédois comme les Double Six le faisaient en français à la même époque.

Au prix de sa santé, sa dignité parfois (elle fit des spectacles comiques de bas étage pour vivre), de l'éducation de sa fille, Monica Zetterlund poursuivit son rêve et l'atteint. En 1964, Bill Evans l'invita à New York et transforma pour elle sa " Waltz for Debby " en " Monica's Vals " qui donne son titre au film, dans la versionf française. Le film se termine par un happy end, le mariage de Monica, alors que la vraie Monica Zetterlund connut une fin horrible. Devenue handicapée physique, elle mourut brûlée vive dans l'incendie de son appartement auquel elle ne put échapper.

Au delà de la musique, superbe, ce film est un magnifique portrait de femme, d'une femme qui lutte pour son indépendance financière, artistique, amoureuse et pour rester digne, une mère attentionnée malgré des absences dues à ses addictions (alcool, tabac) et à son métier ( sorties la nuit, voyages, tournées). Il est porté par une chanteuse suédoise dont c'est le premier rôle, Edda Magnason. Il est difficile de croire qu'elle joue pour la première fois au cinéma tant elle est Monica Zetterlund, aussi crédible en princesse sophistiquée qu'en alcoolique défoncée, en amoureuse allant d'échec en désillusion qu'en mère de famille, en fille se battant avec son père qui, lui, a raté sa carrière d'artiste qu'en femme convainquant ce même père, que, oui, le monde est plus beau vu d'en haut et que cela vaut la peine de prendre le risque de grimper à l'arbre au risque de tomber.




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