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#LesBisons : une première transmedia pour le quai Branly

Publié le 28 avril 2014 par Aude Mathey @Culturecomblog

Du 21 mars au 18 avril dernier, peut-être avez-vous vu sur Twitter voire dans certains lieux parisiens, si vous y habitez, des mentions ou des films étranges mettant en scène des bisons.

Mon nom est Wacochachi, je suis l’Esprit des Indiens des Plaines #LesBisons

— Wacochachi (@Wacochachi) 21 Mars 2014

Le jour est proche où #LesBisons reviendront traverser vos villes comme ils traversaient nos plaines. — Wacochachi (@Wacochachi) 21 Mars 2014


Pendant une semaine, un personnage au nom étrange (Wacochachi) se met à twitter sur les bisons, les indiens des plaines  et l’arrivée de l’homme blanc qui a conduit au massacre de son peuple.

Le 29 mars, le public peut voir dans différents lieux de Paris des projections vidéos de bisons qui courent dans les plaines :

Image de prévisualisation YouTube

[#buzz] Hugh ! @Wacochachi avait raison… #LesBisons traversent #Paris, la chasse est ouverte ! #PalaisRoyal pic.twitter.com/VB45P8Ba6g — Laurent Albaret (@laurentalbaret) 29 Mars 2014

Deux #Cowboys égarés face à #LesBisons #paris @Wacochachi pic.twitter.com/kJOWV5GDjx — romain bonnin (@romainbonnin) 5 Avril 2014

Wacochachi rebondit également sur l’actualité et les fameux bisons du parc Yellowstone qui fuiraient un super volcan sur le point d’exploser…

Non, #LesBisons de l’apocalypse n’existent pas http://t.co/GYLXx6wcbo #Yellowstone — Wacochachi (@Wacochachi) 4 Avril 2014

A partir de ce moment, on comprend vite qu’il s’agit de quelque chose en rapport avec les Indiens d’Amérique, mais ce n’est qu’au lancement du 7 avril que l’on commence à comprendre ce qu’il se cache sous ce mystérieux personnage.

@Wacochachi sur la palissade en verre du musée @quaibranly pic.twitter.com/XVw3aG11nw — Claire Petit (@Chiara_Klein) 5 Avril 2014

Voici l’origine de mon nom. #LesBisons pic.twitter.com/pOWmYXDYvy — Wacochachi (@Wacochachi) 7 Avril 2014


Il s’agit en effet ni plus ni moins du musée du quai Branly qui s’essayait à sa première expérience transmedia. Pour en savoir plus, nous nous sommes rapprochés de Sébastien Magro, chargé de projets au musée du quai Branly, à l’origine de cette campagne.

Qu’est-ce que le transmedia ?

S’il a fait son apparition en France il y a quelques années seulement, Henry Jenkins, professeur à l’Université de Californie du Sud évoquait déjà le terme en 2002. C’est The Rabbit Hole, le site de l’actualité transmédia qui le cite :

« [Le transmédia est ] un processus par lequel les éléments d’une fiction sont dispersées sur diverses plateformes médiatiques dans le but de créer une expérience de divertissement coordonnée et unifiée. »

En bref, le transmedia sert à travailler autour d’un même sujet mais avec plusieurs voix et contenus adaptés aux supports et non pas déclinés par support comme cela est le cas avec le cross-media. Ainsi, dans le cadre d’une campagne transmedia, plusieurs histoires peuvent se dérouler simultanément ou en décalé sur des supports différents sans pour autant être les mêmes mais en desservant un même thème ou un même objectif : ici un teasing autour d’une exposition.

Pourquoi du transmedia pour faire la promotion d’une exposition ?

Sébastien Magro avait depuis très longtemps envie de tester le transmedia, dans le cadre de la promotion d’une exposition. en effet ce moyen permet, comme dit plus haut, de mettre le contenu au service d’une ou de plusieurs histoires et ce de façon différenciée. Les musées, en tant que lieux de conservation et d’exposition, regorgent de contenus à ne plus savoir qu’en faire. Le transmedia leur permet donc d’associer habilement la promotion autour d’une exposition tout en diffusant des contenus éducatifs pouvant toucher un public qui n’a pas ou peu l’habitude de se rendre au musée, notamment dans le cas présent les jeunes de 15 à 35 ans.

Ce projet-ci, concernant l’exposition « Indiens des plaines », a donc permis d’approcher l’exposition d’une façon décalée grâce aux compétences notamment de Michel Reilhac, directeur du cinéma d’ARTE France, Bruno Masi, auteur et journaliste et Romain Bonnin, designer transmedia.

Le bison, symbole de l’exposition ?

Michel Ciment, le conservateur en charge de l’exposition, souhaitait mettre en avant la continuité des formes artistiques des indiens des plaines avant, pendant et après l’arrivée des Européens. L’animal fétiche, presque totemnique, des bisons a donc été utilisé pour illustrer cette période décisive. En effet, avant l’arrivée des Espagnols, les Indiens des plaines ne chassaient pas ou très peu le bison, car les chevaux n’existaient pas encore en Amérique du Nord, n’étant pas une espèce endémique. C’est donc à partir du XVIème siècle et plus largement au XIXème siècle, que la figure du bison, déjà importante, a commencé à prendre une place prépondérante dans les formes artistiques et la vie de tous les jours des amérindiens.

« Tout est bon dans le bison » #IndiensdesPlaines @LaTribuneDuLard 1 — @Wacochachi 1. pic.twitter.com/yVFZDlqzzS

— Wacochachi (@Wacochachi) 17 Avril 2014


Et cerise sur le gâteau, le bison se taille une pièce de choix – ha ha – dans l’exposition grâce à six belles peaux peintes représentatives de plusieurs mouvements et différentes époques.

Transmedia et jeu en réalité alternée (ARG)

C’est pourquoi Wacochachi, un artiste dont des œuvres sont présentes dans l’exposition, met autant en avant les bisons et en fait d’ailleurs son hashtag #lesbisons. Ces derniers font également l’objet d’une projection vidéo un peu partout à Paris, mais surtout dans des lieux touristiques (Concorde, la Conciergerie, les Champs-Elysées, le palais du Louvre, l’Hôtel de Ville) mais aussi dans des quartiers plus populaires dont la population serait moins encline à se rendre au musée (Jaurès, Quai de Valmy, Canal Saint Martin, Place de la République (Nord-Est de Paris)). Toute la soirée du 29 mars à partir de 20h, vidéos de bisons et de cowboys sont projetées sur les façades des bâtiments, cet événement servant de rabbit hole, selon Sébastien Magro, c’est-à-dire de point d’entrée du dispositif. Pendant les projection étaient diffusées des cartes avec la mention du mot-dièse #lesbisons ainsi que le nom du personnage sur Twitter. Rien de plus. A charge pour la personne intéressée de se rendre sur le réseau social.

L’opération ne s’arrête pas là. Afin de susciter la curiosité et développer l’engagement du public, le musée a voulu développer un jeu en réalité alternée (ou ARG, alternate reality game) , c’est-à-dire un jeu multimédia qui pour but d’entretenir une sorte de flou artistique entre la réalité et le jeu, comme une sorte de chasse au trésor qui permettrait l’utilisation d’outils numériques d’une communauté mobilisable en ligne.

Ce jeu, qui s’est déroulé du 7 au 18 avril (du vernissage jusqu’au Before, événement organisé pour les membres juste avant le début de l’exposition) a consisté en 6 énigmes portées par le personnage, publiées tous les deux jours et relayées par le compte du musée. Bien entendu, puisqu’il s’agissait d’une chasse au trésor, les gagnants recevaient des dotations : 1 week-end pour deux dans une ferme de bisons (miam, miam), un pass de membre du musée pour deux d’un an, des catalogues d’exposition et des billets pour le premier spectacle dans le cadre de l’exposition Tatoueur, tatoué.

Selon Sébastien Magro, les retours suite à cette campagne auraient été très positifs. Le musée aurait même doublé son nombre d’abonnés sur le compte de Wacochachi, ce qui n’est pas rien quand on sait que le musée a fait du teasing pendant une semaine uniquement avec ce compte et quelques photos sur un tumblr.

Cette campagne fait également partie d’un projet ANR avec eCult de trois ans, ce qui donne accès au musée à des travaux conjoints avec les Arts et métiers (CNAM), des laboratoires associés et des techniques d’évaluation.

Quelle suite donner à ce genre de projet ?

Cette idée était en cours de préparation depuis décembre 2013. Pour chaque exposition, le musée produit énormément de contenus qui ne seront pas toujours diffusés, ou alors uniquement sur le lieu de l’exposition. Le transmedia est donc apparu à Sébastien Magro comme un excellent moyen de le partager auprès de son public (les fans du musées – comprendre visiteurs très impliqués – ont été associés à l’opération) et d’autres cibles moins évidentes à toucher. C’est ainsi que le musée a décidé de cibler plutôt le Nord de Paris avec les vidéoprojections, qui sont des quartiers plus populaires mais également beaucoup plus fréquentés le samedi soir afin d’interpeller les gens dans la rue et de susciter des questionnements.

Aux endroits où les vidéos ont été projetées, on pouvait y retrouver des pochoirs afin de résoudre les énigmes la semaine qui suivait, la tête de bison étant en quelque sorte la tête de gondole de la campagne.

Même si le résultat reste en demi-teinte (aucune enquête qualitative après l’opération n’est prévue à l’heure actuelle), le musée souhaite développer cet exercice au moins une fois par an voire pour chaque exposition temporaire avec son dispositif spécifique.

A suivre donc.


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