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Les acouphènes, une pathologie plurielle

Publié le 01 mai 2014 par Cs

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© genialbaron - Fotolia.com

C’est Lille qui a accueilli cette année le colloque de l’Afrépa, les 13 et 14 septembre. La thématique choisie pour cette quatrième édition, « Les multiples facettes de l’acouphène », illustre bien la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire.

Le colloque de l’Afrépa (Association française des équipes pluridisciplinaires en acouphénologie) est le rendez-vous annuel de l’association, ouvert à tous les professionnels qui souhaitent s’informer sur cette pathologie. Au cours des deux journées qui se sont tenues à la faculté de médecine de Lille, l’acouphène a été abordé sous de nombreux aspects et surtout du point de vue des différents acteurs de sa prise en charge.

Acouphènes très récents : une prise en charge spécifique 

Au cours d’une table ronde, trois cas cliniques d’acouphènes récents ont bénéficié de l’éclairage de différents spécialistes. « La physiopathologie de l’acouphène post-surdité brutale est complexe et probablement non homogène, a souligné le Dr Alain Londero, ORL à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. Un bilan étiologique audiométrique (tonal et vocal) et radiologique (IRM) est indispensable avant toute autre prise en charge. L’ORL peut ensuite mettre en place un traitement médicamenteux par corticoïdes et vaso- dilatateurs, qui n’est qu’une urgence relative puisque des études ont montré une efficacité tout aussi bonne après une semaine. Conjointement, il faut favoriser les processus d’habituation. »

Une prise en charge identique est préconisée en cas d’acouphène post-traumatisme sonore, pour lequel il est nécessaire de rechercher une perte auditive. L’audioprothésiste peut adapter l’aide auditive en modifiant l’amplification, mais aussi en y adjoignant un générateur de bruit blanc si nécessaire. « Le générateur de bruit blanc est idéal dans le traitement des acouphènes sans surdité », a souligné le Dr Marie-José Fraysse, ORL à l’hôpital Purpan de Toulouse et présidente de l’Afrépa.

Enfin, pour un acouphène récent survenant sur une hypoacousie ancienne, il est indispensable d’évaluer l’évolution des seuils auditifs (par audiométrie tonale et vocale) avant toute autre prise en charge.

BILAN DE CETTE 4e ÉDITION PAR LE DOCTEUR MARIE-JOSÉ FRAYSSE, PRÉSIDENTE DE L’AFRÉPA

« Nous avons, pour cette 4e édition, accueilli plus de 230 participants, un chiffre encore en progression par rapport à l’an dernier. C’est très satisfaisant, en particulier pour une thématique si spécifique. L’organisation du colloque est confiée chaque année à une équipe membre de l’Afrépa. Cette année, c’est celle du Dr Vincent Loche et du Pr Christophe Vincent qui l’ont gérée intégralement, avec un grand succès."

La formule proposée pour cette édition s’est avérée très propice à l’interaction entre les différents professionnels en charge des acouphènes, qui est un pilier de l’association.

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©Martine Flandre

L’Afrépa a été créée par des professionnels médicaux et paramédicaux désireux de mettre en commun leurs compétences pour une prise en charge plus efficace des patients acouphéniques. La pluridisciplinarité y est essentielle. Des ateliers en live ou vidéo étaient proposés le vendredi après-midi sur des thèmes très variés, permettant de découvrir les multiples facettes de la prise en charge : acouphénométrie, acouphène et sommeil, Tinnitus Retraining Therapy, sophrologie. L’atelier sur le syndrome du choc acoustique s’est intéressé à ce syndrome relativement nouveau qui touche surtout le personnel des centres d’appels téléphoniques. Les six tables rondes qui ont rythmé la journée du samedi ont permis d’aborder chaque sujet, de façon très pratique, et ce du point de vue des différentes spécialités, notamment ORL, audioprothésistes et psychologues. En 2008, neuf équipes étaient adhérentes de l’Afrépa. Aujourd’hui, elles sont trente. Et chaque année, nous recevons de nouvelles demandes d’adhésion. Au vu de cette dynamique, nous avons des raisons d’être optimistes quant au futur de l’association ! »

Dans tous les cas d’acouphènes, il faut éviter de délivrer des messages négatifs au patient, il convient plutôt de rechercher la solution la mieux adaptée. Ainsi, l’éviction du silence est souvent utile (bruit d’eau, musique douce, etc.) surtout pour ceux qui ne supportent pas le bruit blanc. « Mais je déconseille les lecteurs MP3 aux patients acouphéniques avec perte auditive dans les fréquences aiguës, a tenu à préciser Alain Londero. Car le son est comprimé, et élimine notamment ces fréquences. Il vaut alors mieux privilégier les fichiers “WAV” ou l’écoute de CD. »

« Une piste intéressante dans la prise en charge des acouphènes récents est l’utilisation de molécules anti-récepteurs NMDA, en injection transtympanique, a ajouté pour sa part Marie-José Fraysse. La phase 3 des essais cliniques testant ces molécules arrive en Europe, et inclura 600 patients atteints de surdité post-traumatique. Une soixantaine d’équipes sont impliquées, dont une dizaine en France, membres de l’Afrépa pour la plupart. »

Les essais de phase III des anti-NMDA arrivent en Europe.

Les audioprothésistes souhaitent être mieux formés à la problématique

Comment les audioprothésistes prennent-ils en charge les patients acouphéniques en France ? C’est la question à laquelle Axelle Vanmeirhaeghe, récemment diplômée en audioprothèse, a tenté de répondre dans son mémoire de fin d’études, encadré par Philippe Lurquin, audioprothésiste à Bruxelles.

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© Martine Flandre

La jeune femme a présenté les résultats de son enquête, menée par questionnaire auprès de 244 audioprothésistes « toutvenant » et de 69 audioprothésistes plus « experts » (soit des membres de l’Afrépa, soit des participants de l’atelier acouphène de M. Lurquin).

L’enquête révèle notamment que le groupe d’audioprothésistes « toutvenant » n’utilise que rarement les outils de travail, tels que les questionnaires validés, les échelles visuelles analogiques, les générateurs de bruits blancs, etc. Le groupe des « experts » les utilise plus fréquemment, mais pas unanimement. Ces résultats ne sont pas très étonnants, étant donné que cette prise en charge est récente et que les connaissances évoluent rapidement. « Les protocoles de prise en charge et d’évaluation sont au point, mais ils sont peu utilisés », a déploré M. Lurquin. Ce qui, selon lui, souligne la nécessité de former davantage les audioprothésistes sur ce sujet, grâce à la formation continue, mais également dès l’école d’audioprothèse. Un point de vue probablement partagé par les audioprothésistes, puisque l’enquête a montré qu’ils plébiscitaient l’idée d’un DU sur les acouphènes.

L’ORL est le premier intervenant de la prise en charge pluridisciplinaire

L’ORL est le premier interlocuteur du patient acouphénique, et la première consultation est très importante. Il s’agit notamment d’évaluer la séparer du patient, le retentissement psychologique de son acouphène et d’installer une relation de confiance. C’est la première étape du counselling et on doit expliquer au patient pourquoi on l’oriente vers une thérapie sonore, une thérapie comportementale cognitive ou une combinaison des deux. « Dans la prise en charge des patients acouphéniques, l’audioprothésiste a deux outils de travail : la thérapie sonore et le counselling, et les deux aspects doivent cohabiter, a rappellé M. Lurquin. Le counselling réalisé par l’audioprothésiste est informationnel, et il aide le patient à se départir de ses idées fausses. Il ne doit pas être confondu avec le counselling personnel qui, lui, est du ressort du psychologue. » La réponse est donc bien pluridisciplinaire. « Il ne faut pas que les audioprothésistes travaillent de manière isolée, a averti M. Lurquin. Et de conclure : Les audioprothésistes doivent devenir les kinésithérapeutes de l’ouïe et non les bandagistes de l’oreille ».

« La diversité des pratiques souligne la nécessité d’élaborer des recommandations basées sur des preuves scientifiques », a commenté le Pr Bernard Fraysse, chef de service d’ORL du CHU de Toulouse. Pour conclure cette matinée, le Pr René Dauman, ORL au CHU de Bordeaux a insisté sur l’importance de la recherche en acouphénologie : « On ignore encore beaucoup de choses sur l’acouphène. Recherches cliniques et fondamentales sont nécessaires et complémentaires ».

Petra Kirchem, l’une des deux psychologues du centre d’implantation cochléaire de Fribourg, a fait une présentation remarquée lors d’une session spécifique du congrès annuel de la société allemande d’ORL et CCF (Deutsche Gesellschaft für Hals- Nasen - Ohren - Heilkunde, Kopf - und Hals- Chirurgie), consacrée à la qualité de vie. Aux côtés du docteur Burger, elle est en charge de l’accompagnement psychologique des patients implantés par le centre.

Katia Delaval


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