Magazine Cinéma

L'attentat - 8/10

Par Aelezig

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Un film de Ziad Doueiri (2013 - France, Belgique, Liban) avec Ali Suliman, Reymonde Amsellem, Evgenia Dodina, Dvir Benedek, Karim Saleh

Excellent film, et original, sur le conflit Israël / Palestine

L'histoire : Amin, d'origine arabe et musulmane, est parfaitement intégré dans l'état d'Israël, à Tel Aviv, dont il est l'un des plus brillants médecins. Une explosion secoue la ville : un attentat-suicide en plein milieu d'un restaurant. Amin court d'une victime à l'autre et enrage sur ce conflit judéo-arabe qui ne finira donc jamais... Mais le choc est bien plus terrible lorsqu'on lui demande d'identifier les restes du terroriste : il s'agit de son épouse bien-aimée, Siham, qui était soi-disant partie voir son père en Palestine quelques jours. Sa vie bascule, les policiers le harcèlent, le soupçonnant de couvrir les agissements de terroristes ; ses amis israéliens le couvent et le dorlotent, rêvant de l'entendre dire avec eux "Saletés d'Arabes". Mais non, Amin veut comprendre. La double vie de sa femme, et ses motivations. Il part dans les territoires palestiniens, dans leurs familles, il enquête. Il n'est pas le bienvenu, considéré comme un traître, probablement suivi par une meute d'espions israéliens. Amin s'accroche... et tout un pan de son histoire, qu'il avait soigneusement enfouie, pour devenir citoyen d'honneur, se révèle peu à peu, le laissant de plus en plus paumé...

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Mon avis : Un film passionnant qui nous raconte une histoire dans l'Histoire, par le petit bout de la lorgnette. Un attentat, certes, mais pas de massacres historiques, de terroristes démoniaques en treillis et de kalachnikovs à tout-va. Non, juste un homme, une femme, puis leurs amis, leurs familles... On est dans le quotidien du conflit, on voit les gens des deux côtés des frontières : une invisible en Israël, dont la population essentiellement juive comprend néanmoins quelques musulmans dits "intégrés" (mais le sont-ils vraiment ?) ; et une bien établie, Israël / Palestine. J'ai adoré cette façon intimiste de pénétrer dans le coeur de ces familles déchirées, de voir la façon dont ils vivent et ressentent les choses, de cette paranoïa quotidienne, des deux côtés de la frontière, qui empêche tout rapprochement, alors que tous aspirent à vivre en paix, bien dans leurs baskets, bien dans l'air du temps (j'ai aimé le côté très réaliste, très moderne du film... on n'est pas dans la nostalgie et le communautarisme, on est dans un monde qui est bien proche de notre occident)...  

Le film est à la fois très prenant, par l'enquête que mène Amin, soudain perdu entre ses deux cultures, qui tente de comprendre les motivations de sa femme ; et didactique, car ils nous renvoient aux sources de la haine, à la misère des Palestiniens, leurs territoires de seconde zone, leur identité de seconde zone et leur désir de revanche sociale et politique. La découverte de la double vie de Siham, par petites touches, au début incompréhensible et horrifique, commence à prendre sens... Et le parcours d'Amin, réalisant qu'il avait construit sa vie pour acquérir fortune et respect social, en gommant toute sa culture arabe, et que son couple était bien moins transparent qu'il ne le croyait, émeut profondément. On a tout à la fois l'impression de voir un magnifique documentaire et une fiction hautement captivante...

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Le réalisateur, malgré un grand souci d'objectivité, finit par prendre partie : le rejet des amis isréaliens d'Amin lorsqu'ils comprennent qu'il a été "ébranlé" par son enquête, "empoisonné" par l'ennemi, est détestable. Leurs réflexions : "On t'a tout donné !" ou "C'est grâce à nous que tu avais cette carrière..." traduisent un chantage de tous les instants : oublie ta culture, seule la nôtre est acceptable. C'est dur, très dur... Et courageux. Il n'est pas si facile, pas plus hier qu'aujourd'hui, de défendre la cause palestinienne. A noter que le film est adapté du roman éponyme de Yasmina Khadra, célèbre écrivain algérien (également auteur de Ce que le jour doit à la nuit, adapté et mis en scène par Arcady en 2012).

La réplique qui tue : "En fait ton amitié est fausse. Tu te fais bien voir, tu défends le pauvre Palestinien ! Ca fait bien dans les salons..." (Ce ne sont pas exactement les mots, mais c'est l'idée).

L'image qui tue : Un quartier palestinien dévasté par les Israéliens ; sur une pierre, quelqu'un a écrit "Ground Zero"... il n'y a pas qu'à Manhattan qu'on massacre des innocents...

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Très belle interprétation de comédiens que je ne connaissais évidemment pas et que j'ai découverts avec bonheur. Les divers sentiments et les changements qui les animent, entre tolérance, remise en question et absolutisme, selon les individus, se lisent sur les visages, tout en nuances.

Et l'on ressort lessivé... comme le héros : on ne sait plus qui croire ni que faire... on ressent une sorte de malaise. Car rien, aucune explication, aucune revendication, ne peut justifier la mort d'innocents, d'un côté comme de l'autre !

D'une façon générale, professionnelles ou public, les critiques sont enthousiastes.

Il y a décidément de très bonnes choses qui se font du côté du Proche-Orient. J'ai hélas raté le passage de Wadjda sur Canal+ (Arabie Saoudite)... il paraît que c'est formidable.


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