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Interview avec Pascal Charrier – partie 3

Publié le 21 janvier 2014 par Andrecheval

Interview avec Pascal Charrier – partie 3

Pascal Charrier est le créateur et le leader de Kami. Depuis plus de 8 années à présent il est au cœur de l’aventure. C’est aussi le témoin privilégié de l’histoire de ce groupe, des rencontres et étapes qui ont forgé le son et l’identité de la formation. Il s’est prêté au jeu des questions réponses, un long entretien en plusieurs parties.


Interview avec Pascal Charrier - partie 3

Des groupes comme Human Feel ou Big Satan semblent être des infuences majeures du nouveau répertoire. Est-ce volontaire ou avez-vous été inconsciemment influencés par vos écoutes personnelles ?

Chassez le naturel…. Big Satan, Human Feel, il n’y a pas grand chose à ajouter… Je crois que sur ce nouveau repertoire il y a plusieurs choses qui influent. A titre personnel, je ressens moins le besoin de sortir mon héritage Hendrix, Page, Morello. Peut-être est-ce une question de maturité, mais il y a en effet un recentrage vers le jazz contemporain. Le jeu à la batterie de Rafaël Koerner est très influencé par celui de Jim Black et de Tyshawn Sorey, ce qui change du jeu du précédent batteur qui était plus rock. Il y a chez Rafaël et chez Julien Soro une très grande culture des groupes new-yorkais des années 1990-2000 et actuels.

Une filiation avec Kartet et Aka Moon se fait également jour. Deux formations où la complexité rythmique est portée à son summum, sous influence de Steve Coleman

La branche Steve Coleman, je devrais dire la communauté, car je crois qu’il s’agit véritablement d’une communauté… Effectivement je m’en revendique car elle est un des éléments fondateurs de ma musique. Actuellement cela se traduit plutôt en terme de démarche et de recherche de sens. Steve Coleman, Aka Moon, Stéphane Payen ont cherché à intégrer des éléments de musiques traditionnelles au jazz contemporain. C’est une demarche que je mène également et je pense accentuer les influences de différentes musiques de transes (musiques soufis, musiques indonésiennes) liées à des ritualités… Il y a également les recherches de Bo Vanderverf dans Octurn autour des modes de Messiaen qui sont une source d’inspiration. Vis à vis de cet heritage, je crois que ce qui prédomine mes à yeux c’est la notion de famille musicale. Ducret est inévitablement une référence pour des musiciens français qui défendent un jazz résolument contemporain… Ducret n’est pas presque inévitable, il est inévitable ! C’est une pierre d’angle. La difficulté pour nous musiciens de jazz contemporain européens est de tracer des voies qui puissent être aussi personnelles et fortes que la sienne. C’est un très bel enjeu pour la creation.

Quelques mots sur la formation actuelle, comment chacun trouve t-il sa place ? 

La formation actuelle est assez récente, nous avons donné nos premiers concerts à l’automne 2013. Nous sommes en sextet ce qui change pas mal de choses et le repertoire a également évolué depuis le dernier disque. La musique a quelque chose de moins systématique. Ce qui est plus difficile avec ce nouveau projet, c’est qu’il y a plus de liberté à gérer, et donc une nécessité d’écoute et de réactivité plus grande. J’ai écris ce repertoire pour sextet : la place de chacun est déjà pré-déterminée. Pour ma part je peux inclure la guitare dans la section ou en voix lead, ce qui me permet de moins avoir à doubler la basse, puis accompagner un soliste puis jouer un fragment de thème… Le fait d’avoir inclus un instrument harmonique supplémentaire me libère beaucoup d’espace et en crée de nouveaux également.

L’arrivée de Jozef Dumoulin est un vrai coup d’accélérateur pour le groupe.

L’arrivée de Jozef, donne en effet un vrai coup d’accélérateur car sa présence fait avancer la musique au travers des âges et imprègne toute l’écriture de sa couleur. Le son du groupe s’est considérablement ouvert en peu de temps. Jozef, par son experience, a beaucoup plus de recul sur la musique. Sa personnalité apporte du calme, cela rééquilibre, tempère l’ambiance de ce groupe d’énervés…

Quelles sont les lignes directrices fortes de ce nouveau répertoire ?

Nous générerons un nouveau son de groupe où la notion de collectif prime. Je souhaite que nous jouions une musique qui s’étire, dans laquelle l’écriture ne génère pas des événements de manière trop brutale, visible. L’écriture doit se glisser en dedans et générer à l’intérieur de la masse sonore des événements de transitions presque invisibles. Il y a toujours cette idée de perspective et de lignes de fuites. Je souhaite que nous allions encore plus vers une musique de transe, hypnotique. La musique que j’écris rend homage à la Terre, aux êtres humains qui vivent dessus qui la travaillent, l’honorent, en souffrent ou en jouissent… C’est une musique terreuse, organique, émanant d’une sorte de bouillon de culture post-urbain. Sur le plan technique, j’écris encore à partir de séries de notes, des réservoirs qui émanent eux-même des intervalles rythmiques ou des mélodies. C’est très empirique. L’important pour moi étant de conduire une énergie, une narration. Il peut arriver que j’écrive de la musique en imaginant la vie de personnages, et après j’essaye de suivre le fil de leurs aventures… Un album est un aboutissement, mais aussi une étape vers autre chose.

Quelles sont vos pistes pour la suite ?

Je ne crois pas qu’en art il y ait grand chose qui soit un aboutissement. Je crois juste qu’à un moment donné on prend le bâton à un relais et on continue la course. On peut souhaiter faire la tentative de quelque chose, y parvenir parfois, mais même le fait d’y parvenir ne nous en dit pas beaucoup plus sur la suite. Une fois arrivé à un point, celui ci devient immédiatement le nouveau point de depart, c’est sans fin… Donc je n’essaye pas de finir quelque chose, mais de rester sur un chemin qui semble être le mien en faisant attention de m’en écarter le moins possible. La suite… J’ai envie de partir à la rencontre de musiques de transes en Turquie, ainsi qu’à d’autres endroits du bassin méditérranéen, et également en Indonésie. J’aimerai collaborer avec des musiciens de musiques traditionnelles et intégrer certains des codes de leurs musiques dans mon écriture…


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