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Affaire Kerviel : « M. le président, je vous fais une lettre »

Publié le 16 mai 2014 par Blanchemanche
Lettre ouverte au Président de la RépubliqueLettre ouverte de David Koubbi, avocat de Jérôme KervielJeudi, 15 Mai, 2014Affaire Kerviel : « M. le président, je vous fais une lettre »Alors que Jérôme Kerviel, l’ex-trader, risque d’être incarcéré dès son passage à la frontière samedi, son avocat, David Koubbi, interpelle François Hollande sur la responsabilité de la Société générale et lui demande d’intervenir pour « qu’éclate enfin la vérité »… Lire le texte intégral de la lettre de Maître David Koubbi.Monsieur le Président,En janvier 2012, alors que vous vous présentiez au suffrage des Français, vous déclariez : «Mon véritable adversaire, il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera jamais élu et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance ». C’est ce même adversaire que j’ai croisé devant les juges qui ont condamné Jérôme Kerviel.Vous souvenez-vous des faits. Seul coupable parce que seul poursuivi, en première instance comme en appel, Jérôme Kerviel a été condamné à payer 4,9 milliards d’euros à la Société générale, somme correspondante à la perte supposée de cette banque. Sans aucune expertise indépendante démontrant la réalité de cette perte, ce montant a été justifié par une simple feuille de papier, comme l’a récemment dénoncé Madame Éva Joly, ancienne magistrate qui s’est intéressée aux comptes de la banque.Alors que ce dossier ne peut exister, en droit et en fait, qu’à l’unique condition que la Société Générale ait tout ignoré des activités de son trader junior, ce dernier a été condamné sans aucune expertise indépendante relative au degré de connaissance de la banque, pas plus qu’à la réalité même de la perte qu’elle a agitée comme un leurre devant les médias du monde entier.Dans son arrêt du 19 mars 2014, la Cour de cassation a reconnu les défaillances de la Société générale, faisant éclater le volet civil du dossier qui condamnait Jérôme Kerviel à payer 4,9 milliards de dommages, et ordonnant le renvoi devant la Cour d’appel pour statuer sur les responsabilités de la Société Générale. A date donc, les 4,9 milliards d’euros de « perte » n’existent plus. Pourtant Jérôme Kerviel demeure condamné à 5 ans de prison dont 3 années fermes. Car si la Cour reconnaît les défauts de contrôle hiérarchiques de la Société générale dans le volet civil (perte financière), elle ne les apprécie pas de la même manière dans le volet pénal (responsabilité de Jérôme Kerviel) créant ainsi une contradiction de fait. D’une erreur initiale de jugement point le risque d’erreur judiciaire. C’est ce que nous voulons éviter.Alors qu’il chemine de Rome à Paris, Jérôme Kerviel sera incarcéré dès le passage de la frontière. En dépit de ce qui précède et qui est exact dans les faits, la peine serait inique.Le combat que nous menons est double. Tout d’abord, nous dénonçons l’exposition de Jérôme Kerviel comme responsable de l’affaire Société générale, et nous entendons lutter contre les dysfonctionnements du système financier et de ses acteurs, ce qui est le sens de la marche entreprise par Jérôme Kerviel, à la suite de notre rencontre avec Sa Sainteté le Pape François.Dans le même temps, nous avons déposé trois plaintes pénales contre la Société Générale pour :
  • « Faux et usage de faux » : la Société Générale a grossièrement trafiqué ce qu’elle a présenté comme étant les aveux de Jérôme Kerviel.
  • « Escroquerie au jugement » : Elle a volontairement aggravé les pertes qu’elle attribue à Jérôme Kerviel en vendant les portefeuilles de trois autres traders pour parvenir au résultat construit de 4,9 milliards d’euros. Elle A réalisé des opérations fictives de même nature que celles reprochées à son ancien trader, alors qu’elle mentait éhontément à la Brigade financière, déclarant que de telles opérations n’avaient pas cours en ses murs. Pourtant la même « fraude » a eu lieu en 1997, impliquant les mêmes intervenants, et agitant les mêmes signaux d’alertes. Cette banque sans mémoire a oublié le suicide, dix ans plus tard, du trader Luigi Casu, qui s’est fait « prendre » en train de procéder aux mêmes opérations fictives… S’y ajoute que la Société Générale a perçu plus de 2 milliards d’euros d’argent public, directement en lien avec cette affaire et en violation de la Jurisprudence du Conseil d’état en la matière, sous le Ministère de Madame Christine Lagarde.
  • « Subornation de témoin » : Elle a payé, parmi la hiérarchie de son salarié et ses collègues de travail, des témoins ou acteurs majeurs du dossier dit « Kerviel » sept (7) années de salaire fixe. Tous ayant témoigné dans le sens de la Banque.
Ces plaintes sont en cours de « traitement » par la Justice, et leur issue est évidemment susceptible de montrer que la banque n’ignorait rien des agissements de son trader junior.A la condition que la Justice mette enfin un terme à ses égarements à l’invitation de cette banque multirécidiviste.Quelques questions se posent au Premier magistrat de France que vous êtes, Monsieur le Président :
  • Si la banque est bien la victime de Jérôme Kerviel, en quoi était-il nécessaire d’effacer des pièces dédouanant le coupable de ce dont il est accusé, et qui montrait que son employeur non seulement savait, mais qui plus est, l’encourageait dans ses opérations ?
  • Pourquoi payer des témoins au-delà du risque judiciaire sinon pour acheter le silence ?
  • Pourquoi avoir fait croire que Jérôme Kerviel était « membre des services de contrôle » sinon pour fabriquer une thèse à laquelle le marché n’adhère pas un instant ?
  • Pourquoi mentir devant la Brigade financière, les juges d’instruction et les juridictions de jugement saisies ?
  • Pourquoi avoir fait courir le bruit disant que Jérôme Kerviel était en fuite, ce qui n’a jamais été le cas ?
  • Pourquoi avoir prétendu que Jérôme Kerviel avait usurpé des identifiants et des mots de passe informatiques ?
  • Pourquoi ne pas avoir demandé, par commission rogatoire internationale, un état des pièces sauvegardées tant par l’EUREX ; chambre de compensation allemande permettant de savoir qui avait gagné ce que la Société Générale prétend avoir perdu (il est vrai que le sujet des chambres de compensation est devenu judiciairement radioactif depuis l’affaire Clearstream) ; que par le système ZANTAZ à Chicago ?
  • Pourquoi avoir truqué les aveux prétendus de Jérôme Kerviel ?
  • Pourquoi n’a-t-il pas été tenu compte des témoins issus de la Société générale entendus à la demande de la défense ?
  • Est-il utile de dépenser plus de 100 millions d’euros de communication pour réhabiliter une image durement écornée ?
Toutes ces questions montrent comment les acteurs de ce système ont fabriqué un coupable idéal pour masquer leurs propres turpitudes.Il y a bien d’autres questions…En dépit de la communication de la banque, tendant à faire passer pour fantaisiste la réalité telle qu’elle est, de nombreuses personnalités ont pris position pour interroger tel ou tel aspect de cette affaire, ou pour dénoncer telle ou telle anomalie ayant affecté le traitement judicaire du dossier. Parmi ces personnalités se trouvent Monseigneur Jean-Michel di Falco (Président d’honneur du Comité de soutien officiel à Jérôme Kerviel), Roland Agret, Président d’Action Justice, Paul Jorion économiste, Eva Joly ancienne Juge d’instruction, le Père Patrice Gourrier ; des responsables politiques tels que Jean-Luc Mélenchon, Julien Bayou, Alexis Corbières, François Bayrou, les députés Nicolas Dupont Aignan, Thierry Solère, Benoist Apparu, Edouard Philippe, Jérôme Guedj ; les Sénateurs de la République Marie-Noëlle Liennemann, Eric Bocquet ; de nombreux élus locaux, et le maire de Segrate (Italie), Adriano Alessandrini ; les journalistes Martine Orange, Denis Robert, Nicolas Cori, Irène Inchauspé ; et plus de 15.000 anonymes qui tous les jours suivent la marche de Jérôme Kerviel sur les réseaux sociaux.Vous même, Monsieur le Président de la République, en 2010 sembliez avoir tout compris puisque vous déclariez : «Parmi toutes les choses choquantes dans cette affaire, il y en a beaucoup, maintenant on apprend que, finalement, la Société Générale va se faire rembourser. Comment admettre que lorsqu’une banque fait une erreur, ce soit le contribuable qui paie?»Depuis vous présidez le Pays.Nous, citoyens de France, vous demandons, Monsieur le Président de la République (et accessoirement, Madame la Ministre de la Justice ) - quelles que soient les raisons faisant qu’il ne faille pas regarde les comptes de la Société Générale - de faire en sorte que Jérôme Kerviel ne fasse pas un jour de prison, tant que la lumière pleine et entière n’aura pas été faite sur cette affaire, dans sa globalité, impliquant en ceci la mise en place d’une expertise totalement indépendante, permettant de vérifier aussi bien les dires de Jérôme Kerviel que de battre en brèche les foutaises articulées par cette banque.Les citoyens français que nous sommes refusons radicalement l’idée de toute incarcération pour Jérôme Kerviel dans ces circonstances grossières où les petits arrangements entre amis (formés dans ces grandes écoles et ces grands corps de l’Etat) ont prévalu improprement sur les principes fondamentaux qui régissent notre République.Il n’en va pas seulement de la vie d’un homme, il en va de la Justice en France. Celle-ci n’a pas à s’agenouiller pour se faire abuser par une finance déréglée.N’ayez pas peur, Monsieur le Président, de respecter vos engagements de campagne, n’ayez pas peur d’être socialiste puisque vous le dites, n’ayez pas peur de prendre position, n’ayez pas peur de servir la Justice et de favoriser l’extraordinaire entreprise que nous menons au service de la Vérité et contre les abus de la finance qui asservissent nos concitoyens. Nous sommes nombreux à avoir compris que la « crise » est le petit nom donné aux débordements de quelques uns pour préserver leurs privilèges.N’ayez pas peur du bon sens et de la beauté de la Justice qui retrouve toujours son chemin, n’ayez pas peur du bon goût et de l’intelligence de nos concitoyens qui ont tout vu et tout compris.C’est pour cela que vous avez été élu.Lorsque nous écrivons à vos Ministères, ils répondent par lettre type qu’ils n’entendent pas prendre part à une affaire judiciaire en cours. Or, nous dénonçons un dysfonctionnement. Je ne vous demande pas un passe-droit, nous vous demandons le droit.Et si, contre le sens commun, Jérôme Kerviel devait être incarcéré en dépit de ce qui précède et qui est factuellement exact, nous serions nombreux à continuer à ses côtés le combat que nous avons initié.Notre travail, au-delà de la défense des intérêts de Jérôme Kerviel est et sera de faire en sorte que la Société Générale, ses dirigeants et ceux qui l’auront servie dans cette entreprise violant tout à la fois le droit et la réalité aient l’air de ce qu’ils sont.Si, à ma suite, d’autres personnes viennent signer cette tribune que je vous destine, j’entends ici indiquer que j’en assumerais seul les conséquences juridiques, en ma qualité d’avocat de Jérôme Kerviel, pour le cas où la banque -au-delà des effets d’annonces dont elle est coutumière- entendait poursuivre tel ou tel passage dont elle estimerait qu’il porte atteinte à son honneur et sa considération.Pourquoi faut-il emprisonner Jérôme Kerviel, Monsieur le Président ? Pour sauvegarder des intérêts « supérieurs » ou pour masquer d’autres pertes que celles qu’on veut lui imputer ? Nous comptons sur votre engagement pour qu’éclate enfin la vérité et pour libérer cet homme de l’accablement qui l’empêche d’imaginer l’avenir.David Koubbi, Avocat- See more at: http://www.humanite.fr/affaire-kerviel-m-le-president-je-vous-fais-une-lettre-529758#sthash.FKtgsBSe.dpuf

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