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Deux jours, une nuit des freres dardenne │la femme a 1000 euros

Publié le 25 mai 2014 par Acrossthedays @AcrossTheDays

On en parlait comme la future Palme d’Or. Deux jours, une nuit, nouveau film des frères multi-palmés Jean-Pierre et Luc Dardenne, a fait parlé de lui au festival de Cannes. Si bien que les critiques et commentateurs se laissaient facilement imaginer une troisième parle d’or, voire un prix d’interprétation pour Marion Cotillard, actrice principale. Un drame social actuel et brutal dont le désir exagéré de nous pousser à percevoir les forces et les faiblesses de la nature humaine émeut, agace, mais met à nu comme rarement les folies du monde de l’entreprise.

 

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Sandra est ouvrière. Tout juste sortie d’une dépression, elle est supposée réintégrer son travail. Mais l’équipe a continué sans elle, durant ces derniers mois. Le choix s’annonce difficile : c’est à ses collègues de décider entre leur prime annuelle ou son licenciement, ce qu’ils considèrent le plus important. Sandra a deux jours. Un weekend, pour les convaincre un à un de voter pour elle le lundi matin, et protéger son emploi.

C’est une véritable campagne dans laquelle la jeune maman se lance au lendemain de ces jours difficiles. La dernière ligne droite avant une entière guérison. Ou avant la chute, la terrible chute. Car perdre son travail, c’est perdre sa vie, son bonheur, ses amis, son mari aussi peut-être. Perdre tout. Alors ce dernier combat elle décide de le mener en ravalant sa fierté, partant « mendier », pour un peu de reconnaissance. D’un collègue à l’autre elle répète, à la manière d’un politique clamant son discours, ses arguments, sa nécessité de conserver son emploi, qu’elle comprend cette difficile demande. Elle, ou 1000 euros. Dans un monde ouvrier ou l’argent manque, la prime annuelle reste l’espérance de possibilités nouvelles pour les salariés précaires de l’entreprise. Alors les réponses négatives, il y en a, et chacune d’elles impactent Sandra physiquement, l’attirant vers une dépression qui semble renaître de porte fermée à porte fermée. Et pour autant les « oui » de ses collègues deviennent à l’instant où ils sont prononcés un nouvel espoir vif et éphémère, trop rapidement laissé de côté par les refus qui suivent. Et ainsi de suite.

C’est en ce point que le film des frères Dardenne marque son public. Le renouvellement durant ces deux jours des mots, des phrases, prononcés avec toujours autant de retenue et de douleur par Marion Cotillard (moins agacante que d’habitude). Cette non-action qui nous place en tant que spectateur parfois attendri ou énervé par la brutalité de la situation, bloqué dans la vision du personnage principal, incapable de voir autre chose. Cette répétition qui met en exergue les réponses des collègues, chacun des mots sortant de leur bouche donnant un coup de massue supplémentaire sur le crâne fatiguée de cette pauvre femme.

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Brutal. Tout l’est ici. La caméra embarqué ne laisse pas de place à l’esthétique du décor. Peu de costumes, une voiture et des quartiers populaires, voilà ce qui crée l’ambiance du film. La seule chose qui importe, ce sont les mots. Brutaux. Chacun d’eux. Mais tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Et bien que l’on veuille les détester, toutes ces personnes qui préfèrent leur argent, ce serait ignorer les douleurs de la vie de certains, les besoins des autres, la pression sociale, la peur des patrons… On se prend alors d’une profonde compassion envers cette femme qui « comprend » les refus, apeurée par la violence engendrée par le pouvoir de l’argent dans les familles qu’elle rencontre. Les frères Dardenne ont décidé de montrer, sans parti prix, la difficulté présente et constante autour de ces questions d’argent, de l’exprimer, de le remettre en question, d’en estimer sa valeur. Une complexité maîtrisée ici dans le fond et dans la forme, par l’environnement dans lequel Sandra et son mari partent en quête et par les réactions des collègues, bien que parfois à la limite des clichés sur la misère sociale.

Brutal encore, parce qu’un happy-end n’est pas imaginable. Pouvoir revenir et affronter la colère de ceux qui désiraient leur prime, être licencié et devoir retrouver un emploi. Mais le choix final est tout autre, preuve que l’espoir et le bonheur peuvent survivre à l’argent et au système.

Deux jours, une nuit n’a rien gagné à Cannes. Marion Cotillard non plus. Mais par les critiques, Les frères Dardenn ont été reconnu une nouvelle fois pour leur talent et la facilité avec laquelle ils mettent en forme et questionnent le réel social de notre époque. Peut-être ont-il également, au delà des récompenses, réussi à éveiller un minimum de conscience. Ce film le rend possible.


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