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La droite désagrégée: Sarkozy est-il enfin enterré ?

Publié le 29 mai 2014 par Juan

La droite désagrégée: Sarkozy est-il enfin enterré ?Il n'a pas fallu attendre bien longtemps. Mardi 27 mai, Jean-François Copé a cédé à la pression. 

Il a démissionné de la présidence de l'UMP. 

Nicolas Sarkozy tente de contenir la propagation de l'incendie. 

Mais l'UMP se désagrège de l'intérieur. Et après ?


"Bon, ben voilà… Pour une fois que Jean-François Copé arrive à obtenir une démission, c’est la sienne!" Charline Vanhoenacker, France inter, 28 mai 2014.
L'affaire Bygmalion est une affaire simple à comprendre, terrifiante de bêtise, malhonnête à souhait. En février dernier, on apprend que Bygmalion facturerait trop cher des prestations à l'UMP. L'UMP est d'abord financée ... par de l'argent public. C'est donc bien d'un détournement d'argent public dont il s'agit. A qui profitait le délit ?
L'affaire a pris une nouvelle tournure avec les aveux, cette semaine, de l'un des nouveaux députés européens de l'UMP, Jérôme Lavrilleux, responsable auto-désigné de la chose: Bygmalion surfacturait des conférences parfois fantômes, sans rapport avec la campagne présidentielle de 2012, pour mieux sous-facturer des prestations électorales. Cela permettait à l'équipe du candidat Sarkozy de baisser le coût officielle de sa campagne. Soixante-dix conventions ont été organisés par l'UMP pendant la saison 2011/2012, pour environ 27 millions d'euros. En 2012, Bygmalion, via sa filiale Event, aurait été rémunérée pour 23 millions d'euros (en treize virements).
Rappelons que Nicolas Sarkozy a déjà été reconnu coupable de fraude aux règles de financement politique pour cette compétition de 2012. L'annulation de ses comptes de campagne en 2013 avait provoqué un "Sarko-thon" inédit à l'issue duquel quelque 11 millions d'euros avaient été généreusement collectés auprès de militants dévots.
"Bygmalion est prêt à l'assumer mais ne veut pas en porter la responsabilité. On parle de 'l'affaire Bygmalion', c'est plutôt l'affaire des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy". Me Patrick Maisonneuve, avocat de Bygmalion.
Après l'aveu larmoyant de Jérôme Lavrillieux sur BFM TV lundi soir, Jean-François Copé a déboulé sur le plateau du JT de TF1 pour se justifier à son tour. Son ancien bras droit et ancien directeur adjoint de campagne de l'ancien Monarque plaidait sa culpabilité solitaire. Le futur ancien président de l'UMP et ancien candidat à la présidentielle de 2017 plaidait l'innocence absolue. Qui croire ?
Cette désagrégation accélérée du principal parti de la droite républicaine a quatre conséquences.
1. La disqualification politique de Nicolas Sarkozy n'est pas évidente.  L'homme, qui trépigne pourtant de rentrer à nouveau dans le jeu politique, restait tranquillement à l'abri cette semaine. Tous les pare-feux étaient là. Lavrilleux couvre Copé qui couvre Sarkozy; Devedjian, l'ancien fidèle pourtant maltraité en son temps, intervient dès lundi soir sur France 2 pour expliquer que Sarkozy "tel le général de Gaulle", ne s'occupait pas de "l'intendance"; Philippe Briand, ex-trésorier de campagne de Sarkozy, répète les éléments de langage calés au QG de Nicolas Sarkozy rue de Miromesnil: "Nicolas Sarkozy ne s'occupait pas de l'intendance". Et Brice Hortefeux, a rajouté que Sarkozy était "très mécontent de voir son nom associé à cette curieuse actualité." Curieuse actualité ? L'homme a de l'humour.
On aura beau répéter qu'un chef politique qui couvre autant de fraudes "à l'insu de son plein gré" témoigne d'un comportement au mieux douteux, au pire irresponsable, rien n'y fait. Sarkozy est à chaque fois lavé plus blanc que blanc par le sympathisant transi.
Jeudi, il était à Madrid pour jouer un chef d'Etat, rencontrant le premier ministre conservateur et même le roi Juan Carlos. 
2. L'affaire Bygmalion ferme peut-être une guerre des droites. On est loin des années 1994-1995 où Balladuriens et Chiraquiens déballaient aux journalistes leurs sales affaires réciproques: frais de bouche et emplois fictifs à la Mairie de Paris, rétrocessions et commissions du Parti Républicain, etc. Même la lutte fratricide Villepin/Sarkozy des années 2000 semble effacée. En cause, l'ombre de Marine Le Pen. Le Front national a atteint un tel niveau que les ténors de l'UMP ont la trouille de trop déballer. Ajoutez-y la résurgence encore fragile d'un centre droit autonome autour de l'UDI et du Modem, et vous aurez compris que l'UMP peut disparaître ou, a minima, perdre sa première place à droite.
3. La droite républicaine, comme sa gauche la plus proche, n'a plus de leader évident. Copé est sorti du jeu. Il avait pourtant beaucoup bossé pour cette présidentielle de 2017. Mais tout le dispositif s'est brutalement effondré. Même Patrick de Carolis, ex-président de France Télévisions qui recruta le fondateur de Bygmalion, à FTV, Bastien Millot, a été mis en examen en avril dernier. Mercredi, Mediapart ajoutait une autre pièce au dossier Copé: "une association liée à l’UMP, présidée par une fidèle de Jean-François Copé et perquisitionnée lundi, a vendu des formations d’élus en partie fantômes aux collectivités locales". Sarkozy est peut-être populaire dans les sondages, il aura une primaire interne à gérer. Juppé, Fillon et les autres fourbissent leurs armes, mais tout reste à faire.
4. Le plus effarant de la période est la paresse politique  qui a envahi la droite: certes, la triangulation à l'oeuvre par François Hollande (qui ne rapporte politiquement pourtant rien à ce dernier, bien au contraire) a de quoi déstabiliser le camp UMP/UDI. Mais plutôt que de faire ressortir les éventuelles vraies oppositions (sur la répartition des impôts, la régulation des entreprises, le rapport à l'Europe, le traité transatlantique), l'UMP se limite à des incantations caricaturales et grossières, figées sur quelques mots clés censés réveiller l'opinion en sa faveur ("impôts", "classes moyennes", "immigration", etc). Pourtant, le débat politique se trouverait enrichi d'être enfin mature et précis. Des clivages se trouvent facilement, inévitablement, dès que l'on pousse l'analyse au niveau fin nécessaire. Prenez le Traité Transatlantique en cours de négociation entre l'Europe et les Etats-Unis: on ne peut se limiter à couiner contre ou crier pour le développement du libre-échange. Il fallait détailler, comme l'ont fait EELV et le Front de gauche, ce projet d'article qui donnerait aux entreprises la faculté de contester en justice des réglementations nationales.
Au lieu de quoi, la direction de l'UMP a préféré rester sur le terrain le plus paresseux qui soit, tout en courant régulièrement derrière les éructations identitaires du Front national.


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