Magazine Cinéma

Only god forgives - 5/10

Par Aelezig

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Un film de Nicolas Winding Refn (2013 - France, Danemark, USA) avec Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm

Album d'images lynchien.

L'histoire : Bangkok. Un gros pervers massacre une jeune prostituée. Le papa massacre le tueur. Un flic, qui fait justice lui-même, massacre le papa. Puis il va pousser la chansonnette pour ses amis policiers.

Mon avis : Quel choc ! Après Pusher II (faut que je voie les deux autres de la triologie) et Drive, que j'ai adorés, c'était mon troisième NWR. Je m'attendais à un petit bijou, quoique il me semblait me souvenir de certains articles mitigés sur vos blogs. Bouh... quelle déconfiture !

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D'abord, c'est un film quasi muet. Concept. OK, why not ? Les Frenchies ont relancé la mode. Passons. Mais surtout c'est d'une sophistication folle et, vu le scénario très mince, vu et revu, c'est donc extrêmement prétentieux ! Juste un livre de photos, en fait. Très belles, il est vrai. Une réalisation magnifique, une oeuvre d'art. Mais moi, au cinoche, vous le savez, j'aime qu'on me raconte des histoires ! Contempler des oeuvres d'art, y a les musée ou les ouvrages spécialisés pour ça. Alors je trépignais sur mon canapé, en râlant et en posant des questions à mon chéri qui ne savait que répondre, tout aussi éberlué que moi... Zapper ? Vous le savez, j'ai la zappette facile ! Mais nous avons regardé jusqu'au bout, à cause des images, extraordinaires (et le film est assez court, heureusement).

Comme le reste était inintéressant, j'ai observé, examiné, comme si j'étais au musée. D'abord, il fait hyper sombre là-dedans. Ca se passe principalement la nuit, dans les nuits de Bangkok (et ça donne pas envie d'y aller, je vous jure...), dans des bordels glauques, des night-clubs clinquants et des ruelles effrayantes. Mais à partir de ce fond, NRF joue avec les filtres de façon magistrale. Moi qui n'aime pas trop ça (voir mon dernier billet sur Traffic...). Scènes bleues, scènes rouges, scènes orangées, scènes vertes... parfois même, grâce à la magie numérique je suppose, vous avez un Ryan tout bleu sur fond tout rouge. D'autres plans semblent éclairés, à partir du sol, par des gros projo flashy, un vert fluo à droite, un rouge à gauche, ce qui donne un rendu saturé assez dingue...

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Beaucoup de plans fixes et muets. Profil de Ryan sur fond noir, éclairé par la lumière rouge qui passe par les fenêtres quadrillées. Gros plans qui s'attardent sur la sauce tomate (voir plus loin) ou sur les visages impassibles de la Kristin ou de Vithaya, debout, le regard vide (pas facile tous les jours la vie d'acteur).

De temps à autre, histoire de changer un peu, de beaux travellings, courts et accélérés, comme un coup de flash dans toute cette noirceur.

Et puis surtout un cadrage exceptionnel ! Tout est travaillé, de façon artistique, très poussée. J'ai noté la systématisation des verticales et des horizontales, matérialisées par les arêtes de murs, de plafonds, de fenêtres, de chambranles de portes... avec souvent des points de fuite lointains, qui donnent une impression étrange. Les images sont très souvent coupées en deux ou en trois, verticalement ou horizontalement, ou bien suivent la règle 1/3 - 2/3. C'est fascinant à analyser.

Dans toute cette démesure, on passe quelques rares fois en teintes naturelles : ah, ouf, on respire ! D'autant que les cadrages, respectant toujours cette approche géométrique, est toujours aussi soigné, intégrant de jolies couleurs vives (rose bonbon d'une robe, vert prairie de la peinture de la porte, orange acidulé d'une jupe...) qui ravissent l'oeil (mais pas trouvé de photo pour illustrer...).

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On notera une autre originalité : les chansons du flic ! Hyper bizarre, pas compris le message ! Chaque fois qu'il tue quelqu'un, on le voit ensuite dans une sorte de cabaret kitsch, genre karaoké, seul sur scène, chantant des niaiseries romantiques devant un public silencieux, immobile et sans expression, de flics assis sur des chaises... Concept ? Les voies de l'art sont impénétrables...

Et je précise enfin que c'est hyper violent. Le sang gicle abondamment et NFR n'a pas peur de filmer les plaies béantes...

Côté acteur, Ryan est curieusement inexistant ; il ne parle jamais (ou si peu), et il est souvent défiguré par les castagnes... On ne le reconnaît pas et son personnage est si énigmatique (dixit mon chéri : "Bon, il va faire que ça, maintenant, TON Ryan ? du taciturne ?"...) Ryan Gosling, oscar de l'acteur taciturne. Kristin Scott Thomas est horrible, maquillée comme un camion, affublée d'une longue, longue, perruque platine. Un mix de Lady Macbeth et de Donatella Versace, dit le réal. Ah ouais ! Et comme elle non plus ne parle quasiment pas, on ne pige pas trop et elle nous ennuie profondément. 

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Pourquoi ai-je évoqué Lynch là-haut : l'histoire est compréhensible, ce n'est donc pas ça qui m'a rappelé le réalisateur le plus étrange de tous les temps. Mais ce scénario est si ténu qu'on se demande si on a tout compris (lynchien) et on se noie dans un déluge d'images souvent incohérentes (lynchien) et une atmosphère décalée, onirique, parfois absurde et très mystérieuse (lynchien...). Mais n'est pas Lynch qui veut. MWR imite mais rate son coup et c'est bien fait, car on N'IMITE PAS David Lynch, na.

La critique est enthousiaste. Bien que je n'ai pas aimé le film, je citerai Télérama : "Un étrange feu d'artifice au ralenti, une téméraire instal­lation de cinéma à base de sabres, de mythes et de psychanalyse. Un brûlot sous glacis. Une tuerie raffinée." car je suis assez d'accord sur cette vision. Sauf que les mythes et la psychanalyse me sont passés dessus. J'ai rien vu de tout ça là-dedans ! Métro en rajoute une couche : "Si le résultat est d'une splendeur visuelle indubitable, le récit, engoncé dans son symbolisme, est trop abscons pour convaincre." Symbolisme ? Ah ouais ? C'était donc un film à voir avec mode d'emploi ? D'autres, comme moi, soulignent au contraire le vide intersidéral du film, à part son délire visuel.

Les spectateurs eux sont restés perplexes dans leur grande majorité...

D'autres recherches m'ont révélé que NWF est passionné de mythologie grecque et que ses films regorgent de références. Ah bon. C'est pour ça que les critiques parlent de mythes et de symbolisme ? Il va falloir que je révise.

2 points pour MWR et son sens esthétique... 3 points pour le chef op.

A noter à la fin du film, une dédicace au réalisateur Alejandro Jodorowski. Quid ?


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