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La fête de l'insignifiance (Milan Kundera)

Par Alexandra

86 Kundera Milan La fête de l'insignifiance

Milan Kundera, avec sa gueule d'acteur boxeur, est un écrivain énigmatique. Si énigmatique que nous nous jetons dans le piège qu'il n'a de cesse de nous tendre : trouver le sens de ce qui ne veut pas en avoir … J'aime ce romancier, parce qu'il n'est pas un conteur-philosophe mais un romancier métaphorique. A se demander si le sang soufi ne coule pas dans ses veines d'exilé. Milan Kundera véhicule la gravité de la plaisanterie par l'évanescence du rire. Ces personnages, clownesques et pathétiques, arborent dans l'absurde l'humour dérisoire. 

  La représentation du monde est ce qui distingue l'Homme des mondes végétal et animal. Avons-nous déjà vu un rosier se croire chêne ? un lion agir comme un surricate ? L'Homme est la seule espèce vivante à passer sa vie à chercher, et parfois découvrir, qui il est. En n'accordant que peu de crédit à la loi cosmique qui fonde son individualité, l'Homme vit comme s'il n'était que le produit de son histoire, et la répète, inexorablement … De là, il n'y a qu'un pas, que Milan Kundera franchit, pour affirmer que l'individualité n'est qu'une illusion, et que les Vérités sont une succession d'insignifiances. A l'instar de l'allégorie de la caverne de Socrate ou de la pipe qui n'en est pas une de Magritte

Entre Socrate et Magritte, Kant et Schopenhauer s'opposent. Kant affirme que la chose la plus importante est la "chose en soi" (Ding an sich). Derrière nos représentations se trouverait une chose objective, un Ding, que nous ne pouvons pas connaître mais qui, pourtant, est réelle. Schopenhauer rétorque que le Ding n'existe pas, qu'il n'y a rien d'objectif derrière nos représentations. Le monde ne serait que représentation et volonté. Alors, pour faire exister cette représentation, pour la rendre réelle, il doit y avoir une volonté, une volonté énorme qui l'imposera.

Comme il y a autant de représentations du monde qu'il y a de personnes sur la planète, d'aucuns, avides d'ordre, y voient la création du chaos. C'est ainsi que de grands systèmes totalitaires ont tenu à mettre de l'ordre dans le chaos. Et ils ont affirmé, au nom de la liberté de la volonté, qu'une représentation était la Vérité. En l'imposant à tout le monde par une immense volonté, une volonté au-dessus de toutes les volontés, certains Grands Hommes, vertueux ou sadiques, de Jésus à Staline, l'Homme a poursuivi sa guerre de Sens, successivement enracinés dans l'inconscient collectif, au détriment de la réalité de l'individualité de l'homme.

             J'aime cette nouvelle génération "Why". Sera-t-elle sacrifiée sur l'autel de son outrecuidance? Est-ce le présage résigné de Milan Kundera : "C'est seulement depuis les hauteurs de l'infinie bonne humeur que tu peux observer au-dessous de toi l'éternelle bêtise des hommes et en rire". Et pourtant, "Tout se vaut", disent les Why. Relativistes à l'extrême, ils nous rappellent que l'Histoire a invariablement fait tomber les Vérités infaillibles.

Je ne suis pas l'idée de Alain, l'un des héros du roman, qui voit en la culture du Nombril celle de l'illusion de l'individualité. Je m'insurge à l'idée que tous les nombrils seraient justement les mêmes. Le Nombril est l'hymne à notre individualité qui doit justement naître du détachement de notre histoire sociale, familiale et personnelle qui se répète. Montrer son nombril affiche notre filiation et notre individualité qui en découlera. Prendre appui sur la réalité de son mouvement, c'est s'appuyer sur la réalité de notre individualité, loin des représentations héritées, dont nous nous faisons l'écho.  

Nous sommes sur Terre pour réaliser la Vie qui est en nous, dont notre nombril est la graine semée.

Quelques informations pratiques sur ce livre.

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