Magazine Cinéma

Contre-critique : «Maléfique»

Publié le 02 juin 2014 par Masemainecinema @WilliamCinephil

[Cette critique est la critique positive du long-métrage. Une critique plus négative est à retrouver ici !]

Après Alice au Pays des Merveilles et avant Cendrillon, c’est au tour de La Belle au Bois Dormant de se voir modernisé à travers une adaptation en prises de vues réelles. Mais plutôt que redécouvrir le conte tel qu’on le connaît, Disney a fait le choix de se focaliser sur Maléfique, la mythique antagoniste du dessin animé de 1959.

Synopsis : Maléfique est une belle jeune femme au coeur pur qui mène une  vie idyllique au sein d’une paisible forêt dans un royaume où règnent le bonheur et l’harmonie. Un jour, une armée d’envahisseurs menace les frontières du pays et Maléfique, n’écoutant que son courage, s’élève en féroce protectrice de cette terre. Dans cette lutte acharnée, une personne en qui elle avait foi va la trahir, déclenchant en elle une souffrance à nulle autre pareille qui va petit à petit transformer son coeur pur en un coeur de pierre. Bien décidée à se venger, elle s’engage dans une bataille épique avec le successeur du roi, jetant une terrible malédiction sur sa fille qui vient de naître, Aurore. Mais lorsque l’enfant grandit, Maléfique se rend compte que la petite princesse détient la clé de la paix du royaume, et peut-être aussi celle de sa propre rédemption…

Robert Stromberg signe ici sa première réalisation avec une maestria plastique totale. Ayant officié en tant que production designer sur Avatar, Alice au Pays des Merveilles et Le Monde Fantastique d’Oz, le cinéaste était tout indiqué pour restituer fidèlement un univers féerique pétillant de magie et de couleurs. Enchanteur et enchanté, le monde de Maléfique regorge de créatures fascinantes mises en valeur par une délicieuse palette graphique. L’animation et les effets visuels, irréprochables, fourmillent de détails graphiques permettant une immersion totale dans un lieu merveilleux qu’on aimerait parcourir.

Sur cette lande fantasmagorique règne Maléfique sous des airs qu’on ne soupçonnait pas du personnage. Avant d’être la sorcière rongée par la jalousie et mue par la vengeance, la jeune femme était une fée altruiste et bienfaisante veillant à la prospérité de son environnement. Ce n’est qu’une fois au contact des humains que la pureté émotionnelle qui la personnifiait s’est évaporée. Trahie et déchue, elle devient alors la harpie malfaisante connue de tous. Incarnée par une Angelina Jolie un peu sujette au cabotinage mais qu’on sent jubiler dans son interprétation, Maléfique séduit et permet un rafraîchissement narratif en évitant le scénario campbellien. Figure centrale du récit dont elle est à la fois l’héroïne et l’antagoniste, ce portrait de fée vampirise l’objectif ne laissant pas la possibilité aux autres protagonistes d’exister.

Que ce soit le roi Stefan (Sharlto Copley), censé faire office de bad guy ou bien les trois magiciennes (Imelda Staunton, Juno Temple, Lesley Manville), les seconds rôles manquent cruellement d’envergure et se complaisent dans le manichéisme ou l’humour pataud. Le film s’enlise alors dans un rythme irrégulier où plusieurs parties se succèdent maladroitement : des batailles épiques manquant de souffle aux scènes plus intimistes entre la princesse Aurore et Maléfique en passant par les scènes démonstratives du bestiaire d’heroic-fantasy. La plupart de ces défauts sont probablement imputables à un montage charcuté pour respecter la durée contractuelle de 90 minutes liée à la restriction grand public. Maléfique reste une oeuvre produite par Disney s’adressant avant tout aux enfants. La noirceur qui transparaissait dans les premières bandes-annonces n’est finalement pas trop appuyée pour rester accessible au plus grand nombre.

Pourtant, et c’est probablement l’élément le plus intéressant du film, la narration distille en filigrane plusieurs thématiques sous-jacentes. Depuis La Reine des Neiges, ce sont les femmes qui ont pris la plume et elles semblent avoir pleinement restitué l’expression "Conte DE fées" tout en jouant avec ses codes. Les figures du père bienveillant, des marraines attentionnées, de la dangereuse sorcière, du prince charmant et surtout la thématique de l’amour sincère sont démystifiées voire presque tournées en dérision. Pendant 1h30 focalisées sur le personnage d’Angelina Jolie, ses changements d’états d’âmes, son rapport au monde et aux personnes qui l’entoure, le spectateur assiste subtilement à la reconstruction d’une femme blessée après une agression. Comment survit-elle, comment s’adapte-t-elle, dans quoi puise-t-elle la force de continuer, quel sera l’objet de son salut ? Sous le vernis Disney, c’est tout un cheminement psychologique que traverse la protagoniste.

Il est surprenant de voir des sujets aussi difficiles que ceux-ci abordés dans une production de ce genre et pourtant, leur intégration dans le monde de La Belle au Bois Dormant (le titre français porte ici très bien son nom) se fait aisément. Nul doute que sans les contraintes de temps et de public, la scénariste Linda Woolverton serait allée plus loin.

Formaté et démonstratif, le long-métrage de Robert Stromberg l’est. Le charme opère pourtant puisque le spectacle reste agréable à suivre tout en régalant les rétines. Si l’esthétique est soignée, c’est plus pour son sous texte qu’on retiendra Maléfique. Le portrait dressé ici est une belle affirmation de l’égalité des sexes. Ces femmes ne sont plus dépendantes des hommes, elles se sauvent mutuellement et tracent leur chemin selon leur propre volonté. Il était temps.

Maléfique - Affiche (Française)

Maléfique. De Robert Stromberg. Avec Angelina Jolie, Elle Fanning, Sam Riley, Sharlto Copley, Juno Temple, Imelda Staunton, Brenton Thwaites, …

Sortie le 28 mai 2014.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Masemainecinema 6107 partages Voir son blog

Magazines