L'écume des jours

Colin est un jeune homme à l'imagination débordante. Il tombe amoureux de Chloé qui va avoir une bien drôle de maladie...

La critique ennuyée de Borat

L'écume des jours repose sur le langage à l'image de Zazie dans le métro de Raymond Queneau et à moins d'avoir le talent d'un Louis Malle, c'est le genre de projet d'adaptation casse-gueule difficile à mettre en image. Le roman de Boris Vian fut déjà adapté en 1968 par Charles Belmont avec Jacques Perrin dans le rôle principal. En 2012, Michel Gondry envisage de signer une nouvelle adaptation. A ce moment, il ressort de la mauvaise expérience de Green Hornet où il avait dû faire face à quelques problèmes de production (Stephen Chow qui se barre, Nicolas Cage aussi, conversion 3D fait à la sauvette). Alors qu'il pensait être plus tranquille en revenant en France, il faut bien croire que L'écume des jours fut très problématique également. D'autant que le film n'a pas été un grand succès bien qu'il s'est rapproché du million d'entrées (plus de 860 000 entrées). Gondry témoignait le mois dernier pour la promotion de son dernier documentaire Is the man who is tall happy? : "ça a été dur. J'avais une pression énorme. Je n'étais pas à la hauteur. J'ai en permanence cette sensation. (...) Sur ce film, ça a été vraiment violent car je devais voir loin. Sur un plateau, j'arrive à gérer les choses une à une. Un problème après l'autre. Là tout était compliqué. J'ai essayé du mieux que j'ai pu d'empêcher la technique d'envahir l'artistique mais cela n'a pas été tous les jours évident. Par contre, je ne renie pas du tut le résultat, bien au contraire." *.

Au regard du film, on comprend un peu plus pourquoi. Michel Gondry a un style particulier et c'est même devenu une mode. En gros, l'ami Michel c'est un bricoleur, preuve en est avec Be kind rewind où Jack Black et Mos Def refaisait des films préexistants avec les moyens du bord. Ici il essaye de faire pareil, ce qui pouvait être crédible vu que le récit de Boris Vian est totalement farfelu et certaines allusions sont particulièrement visuelles. De plus, Gondry est un réalisateur très visuel également, cela paraissait logique. Et pourtant c'est totalement l'inverse. Déjà à force de vouloir adapter au plus près le roman, le film n'a pas de rythme (d'autant que le film dure au moins 2h dans sa première version donc celle que j'ai vu), semblant être un lot de scénettes qui ne fonctionnent pas toutes ensemble. Par exemple, toute l'intrigue autour du pote de Colin incarné par Gad Elmaleh prend trop d'importance à certains moments. On se demande même où est l'intérêt de montrer ce fan de Jean Sol Partre (cherchez la référence) ou même ce que fait la petite souris. Alors certes sur cette deuxième, cela aurait pu être sympa d'autant que Sacha Bourdo s'en sort bien mais clairement ce personnage ne sert à rien dans le film. En fait, il y a quinze tonnes d'acteurs connus pour des rôles insignifiants (j'ai cité Gad Elmaleh, mais que dire de Charlotte Lebon ou Aïssa Maïga?) et surtout le film aurait mieux fait de se concentrer sur le trio Audrey Tautou-Romain Duris-Omar Sy.

 Le camion avec des pattes. Mouaif...

Le côté bricolé ne fonctionne pas non plus. Ainsi, on verra des véhicules en carton avec des jambes qui dépassent, une salle avec des gens qui écrivent un par un sur des machines à écrire qui défilent (encore des scènes qui ne servent à rien dans le film), une scène de mariage sous l'eau, cette scène où le couple est soit sous la pluie soit sous un soleil éclatant ou le début avec les plats d'Omar Sy qui s'animent. Alors certes on reconnaît la patte Gondry, mais franchement cela n'a aucun intérêt dans le film. A force d'expérimenter, le réalisateur ne tient plus son récit déjà pas réputé pour être très linéaire. L'histoire d'amour tombe complètement à plat, puisque Gondry s'éparpille partout et ne parvient pas à faire adhérer son couple phare. L'affiche nous dit "La plus poignante des histoires d'amour", mais comment peut-elle être poignante quand les sentiments n'apparaissent jamais. Alors certes le couple Tautou-Duris n'est pas trop mal mais on adhère pas vraiment à ce couple qui apparaît d'ailleurs peu ensemble. Ainsi la mort certaine qui attend Tautou passe totalement à la trappe dans une atmosphère grise pas déplaisante, balayant la lumière foudroyante de la première partie. On peut donc voir deux parties bien distinctes. Mais c'est bien peu pour aimer ce film à sa juste valeur, si on est gentil on peut dire que c'est anecdotique...

Un film qui manque d'émotion, de rythme et surtout d'intérêt. Probablement le plus mauvais film de Michel Gondry et qui permettra de réhabiliter The Green Hornet.

Note: 7/20

Note naveteuse: 11/20

* Propos recueillis dans Cinémateaser numéro 33 (avril 2014).