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Mince de Choc

Publié le 09 juin 2014 par Hongkongfoufou

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Souvenez-vous de la règle d’or assénée par Sir Alfred : "Plus réussi est le méchant, plus réussi est le film !"

Et Hitchcock de nous offrir un des plus beaux méchants du 7ème art en la personne de Philip Vandamn (James Mason) dans North By Northwest : froid, élégant, intelligent…

 

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Mais si on ne les compte plus au cinéma ou en littérature, si les scénaristes et les romanciers leur ont donné des lettres de noblesse, la bande dessinée, quant à elle, ne nous a offert jusqu’à présent que peu de grands et véritables méchants.

A commencer par les deux géants de la BD "franco-belge" !

En effet, ni Franquin ni Hergé ne s’illustreront par des représentations flamboyantes du "Mal".

Un Zantafio, un Zorglub ou un Héléna offriront davantage des visages de tyrans pathétiques, de savants doux dingues, de crapules sans génie… Et que dire d’un De Mesmaeker, figure exemplaire du grand patron ventru et finalement très petit bourgeois !

Pareil chez Hergé. Muller ? Faux monnayeur et faux docteur, juste un aventurier sans gloire. Les frères Loiseau ? Des marchands/voleurs d’art sans éclat. Spalding ? Son côté British bon teint ne l’empêche pas de n’être qu’un secrétaire particulier veule et mesquin. Ne disons rien de Rastapopoulos, ignoble de ridicule et de mauvais goût.

Seuls Jurgen et Wolff remontent le niveau de la "méchanceté" hergéenne : le premier par son fort caractère de lansquenet prussien, le second lavant sa félonie dans le suicide expiatoire ! Bref, deux beaux exemples d’élégance et de distinction machiavélique.

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Et puis qui d’autre ? La belle et néanmoins redoutable Lady X, le Général "Tête Jaune" Allister, l’ambigu Arbacès (ennemi juré du non moins ambigu Alix !), le capitaine Georges Town (qui affrontera Théodore Poussin au large de la Malaisie)… Certes, de beaux spécimens de salopards !

Mais il faut bien reconnaître qu’un trio de tête diabolique se détache allégrement.

En numéro 3, sans doute le vrai "héros" des aventures de Blake et Mortimer, le Colonel Olrik ! Il apparait dès la première planche du premier tome du Secret de l’Espadon : vêtu de son uniforme d’inspiration russo-nipponne, coiffé de la chapka aux armes de l’Empire Jaune, la fine moustache "errolflynnienne", le profil aquilin… D’un seul coup, tout ce que l’on imagine être les attributs d’un mauvais parfait sont là ! L’élégance, le raffinement et le charme en plus…

 

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Car voilà ce qui transcende le "contre" héros, il doit être au dessus du simple mortel… La méchanceté est un art qui n’est pas à la portée de la première petite frappe venue. Une crapule, une vraie, est un aristocrate du mal, d’où cette classe nécessairement inhérente à tout mauvais de génie.

Il est cependant regrettable pour l’image d’Olrik, que Jacobs lui-même en ait fait un vulgaire chef de bande dans L’Affaire du Collier… Quelle chute de standing : de chef du 13ème Bureau de Basam-Damdu à gangster du milieu parigot !

Il n’empêche… Pour celui qui porte aussi bien le cynisme et la cruauté que le monocle et le fume-cigare, il reste avant tout une belle figure de l’aventurier à la sauce mercenaire, ne lui manquant qu’une touche de dandysme désinvolte.

Cette touche, justement, qu’apporte indéniablement le personnage d’Axel Borg, le dauphin de notre palmarès machiavélique.

Sa première apparition est à son image : dernière case de la planche 21 de La Grande Menace, on ne voit qu’une jambe habillée d’élégantsjodhpurs… Et la planche suivante de dévoiler le fier cavalier, la barbe finement taillée, emprunt d’une morgue toute aristocratique, propriétaire de la "Tour Noire".

La "menace" ayant été anéantie par Lefranc (un peu aidé en cela par toute l’armée française et surtout par Jeanjean…), Axel Borg s’en sortira : toujours bien mis et au volant d’une Ferrari 250 GT Europa, direction l’Italie ! La partie est perdue… Qu’à cela ne tienne, pour Borg cela n’a finalement que peu d’importance. Car une certaine désinvolture caractérise notre homme. C’est un dilettante du mal !

Ainsi, dans L’Ouragan de Feu, Borg reviendra à nouveau menacer le monde (et à nouveau Lefranc y mettra un terme, toujours aidé par Jeanjean…), par contre sa fin semblera définitive… jusqu’au tome suivant : Le Mystère Borg. Sans aucun doute, l’un des deux meilleurs albums de la série (avec Le Repaire du Loup, dessiné par Bob de Moor, mais sans la présence de Borg en vilain de service) et pas seulement parce qu’il porte le nom de l’ennemi intime du journaliste du Globe. Tout y est : son goût des plans audacieux (cette fois, une bombe bactériologique), des lieux engageants (stations de ski suisses, Venise), des voitures qui le sont tout autant (Jaguar MK2) et des tenues stylées (anorak et toque en astrakan).

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Le reste de ses mésaventures (je ne parle que de celles imaginées par Jacques Martin) continuera à mêler grandiloquence conspirationniste, terrorisme international et société secrète, notre ami Borg passant allégrement de l’un à l’autre avec un plaisir non dissimulé.

Cependant, il lui manque encore le petit quelque chose faisant de lui le roi du crime… Le mystère !

Et côté mystérieux, notre champion, notre maître ès malfaisance ne peut être que Monsieur Choc ! Coiffé de son heaume, habillé d’un smoking, rivalisant de machiavélisme et d’humour noir, il tire sa puissance de son anonymat. D’où tous les fantasmes, les suppositions possibles.

Et en ce sens il n’est pas loin de ressembler à Fantômas. D’autant plus, que Will et son fidèle Rosy (le véritable créateur de Choc) auront l’audace (Tif et Tondu étant jusque-là une série humoristique, un peu lourdingue) de lui offrir moult bases secrètes et demeures sophistiquées. Prenez Tif et Tondu contre la Main Blanche ou La Villa du Long-Cri : on ne reverra que rarement en bandes dessinées un bureau de criminel international aussi beau. Ici ni tape-à-l’œil bling bling, ni faute de goût racôleuse. Mais du style, rien que du style…

 

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Et aujourd’hui, voici que le propre fils de Will, Eric Maltaite (421 et le méconnu Carrefour de Näm-Pha) et Stéphane Colman (l’auteur de l’indispensable White le Choc dans la non moins indispensable collection Atomium de chez Magic Strip), tous deux adoubés par Rosy, tentent de lever le voile sur la personnalité de Choc, de dénouer les fils d’une enfance digne des romans de Dickens.

La violence et la cruauté sont au rendez-vous. Suffisent-elles à expliquer l’ambition criminelle de notre personnage ? Sans doute pas, ce serait trop simple.

L’essentiel est ailleurs. Une mini série (en deux forts volumes) vient (enfin) de mettre à l’honneur (et avec talent) un prince du crime. LE Prince du Crime.

Heaume sweet heaume…

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