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En revenant de l'exposition " Great Black Music " à la Cité de la Musique à Paris

Publié le 17 juin 2014 par Assurbanipal

Great Black Music

Paris. Ile de France. France.

 Cité de la Musique.

Exposition visible et audible jusqu'au dimanche 24 août 2014

La photographie de Ron Carter est l'oeuvre de l'Authentique Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Lectrices aventurières, lecteurs aventureux, défiant la grève de la SNCF, j'ai réussi à venir à Paris le samedi 14 juin et à en revenir le dimanche 15 juin 2014.

Avant de reprendre le seul TGV de l'après-midi, celui de 16h45, j'étais à 10h le dimanche matin à l'exposition " Great Black Music " à la Cité de la Musique. Cette exposition ressemble à un titre de Weather Report, " Black Market ". Riche, colorée, rythmique et chaotique. Plus de 11h de musique à voir et à entendre. 6 parties. Un casque avec téléphone portable vous est donné à l'entrée. Quand vous passez devant un écran, vous choisissez le film qui vous plaît. Si cela ne vous plaît pas, vous passez à autre chose. Si cela vous plaît, vous restez. A 10h le dimanche matin, pas de concurrence, personne ne se bat pour s'asseoir, voir un écran. Par contre, le samedi à 15h, je ne sais pas ce que cela donne. Par ailleurs, il y a des instruments, des exposés historiques, des jeux (apprendre à danser, dessiner, graffer, jouer). Bref, c'est une exposition à laquelle il faut venir en famille car les enfants ne peuvent pas s'y ennuyer.

Voici ma sélection arbitraire, partielle et partiale de sons et d'images glanés au cours de mes 2h de visite. 

Je ne me suis pas arrêté sur la partie 1 consacrée aux Stars de la Great Black Music comme Fela (Noir), Bob Marley (métis), Prince (métis) et Michael Jackson (mal dans sa peau).

La partie 2 est consacrée à Mama Africa comme disait Dizzy Gillespie qui vint prendre des leçons de rythme chez les Maitres tambours Yoruba au Nigéria. Des films pédagogiques nous font découvrir les divers aspects de la musique africaine du Nord influencé par les Arabes à l'Est influencé par les Indiens, au Sud, à l'Ouest d'où vint le Jazz par la traite des esclaves. 

Exemple avec le guitariste et chanteur malien Ali Farka Touré et son " Mali Groove ", le cousin africain de John Lee Hooker, en bamabara. Le Mali est aujourd'hui victime de fanatiques armés qui interdisent la musique, la danse, la fête, la joie dans les zones qu'ils contrôlent. Heureusement, cette musique est toujours là. Ca groove, nom de Zeus! Que les Maliennes sont belles quand elles dansent au son d'Ali Farka Touré! 

Une cérémonie par Malaam Mahmoud en Guinée rappelle le rite de possession du  Moshi qui inspira Barney Wilen & Caroline de Bendern. Musique frontière entre le monde noir et le monde maghrébin. Quelle pulsation rythmique!

Ici, je suis revenu en arrière à la partie 1 pour Fela et sa Kalakuta Republic. Un héros musical et politique de l'Afrique. Un portrait de ce Nigérian fasciné par John Coltrane et James Brown et qui les mixa avec la High Life Music pour créer l'Afro Beat qui conquit le monde. Fela, ses femmes, ses musiciens, ses enfants, ses danseuses, son quartier, ses combats contre la corruption, la dictature militaire, la violence policière. Un homme libre mort du SIDA. Quand il mourut, 1 000 000 de Nigérians lui rendirent hommage dans la rue et 4 jours de deuil national furent proclamés.

Après Fela, en toute logique, je suis revenu dans les bras de Mama Africa (partie 2 de l'exposition). 26: Amandla danse de résistance. Amandla, c'est le titre du dernier album anthume de Miles Davis sorti en 1989. Myriam Makeba et l'Afrique du Sud de l'apartheid. La musique, la danse contre arme de mobilisation contre l'oppression raciale. Une chanson venue du ghetto de Soweto " Mbube " devint un tube mondial repris en anglais par  Harry Belafonte  " The lion is dead tonight " et en français par Henri Salvador puis Pow Wow " Le lion est mort ce soir " sans que jamais l'auteur de la chanson ne touche un rand de droit. Myriam Makeba et Hugh Masekela (trompette) durent s'exiler pour échapper à l'apartheid. Malhalin and the Maholla Queens furent reprises en français par Lizzy Mercier Desclous, fan de musique africaine, dans " Mais où sont passées les gazelles? ". Lady Smith Black Mabazo fut elle reprise par Paul Simon. Quant à Johny Clegg, non il ne fut pas le premier Suf Africain blanc à jouer et chanter avec des Noirs. Chris Mac Gregor, le Jazzman et son Brotherhoood of breath le faisaient déjà dans les années 60.Hugh Masekela joue et chante sur scène, " Bring back Nelson Mandela ", en 1987. Madiba sortit de prison en 1990. Ca c'est puissant, entre Jazz et Soul sud africaine. 

25:  Afrique de l'Est Lacs et rifts. Pour les Jazzmen, il s'agit des rifts géographiques, pas des riffs rythmiques. Un voyage de tribus en chants. Avec les tambours du Burundi qui ont conquis le monde entier. Addis-Maputo montre le lien entre monde arabe et monde noir de l'Egypte au Mozambique en passant par le Soudan et l'Ethiopie. En Afrique, pas plus qu'en Europe, il n'y a de musique ethniquement pure. Si les Soudanais jouent du violon, cela leur vient des musiciens du Caire. Abdul Azi El Mubarak (Soudan). Mahmoud Ahmed, l'Ethiopien dont le groove inspira Donald Byrd en 1971 et les Français d'Arat Kilo en 2013. En Afrique centrale, l'influence des Cubains dans les années 1950 donna naissance à la rumba congolaise (la cona, le grand tambour cubain, ne vient-elle pas du Congo?) comme un retour à l'envoyeur. Brazzaville et Léopoldville (Kinshasa) les deux capitales situées face à face, sur chaque rive du fleur Congo, eurent chacun leur héros: Wendo Kolossy (à Kin) et Antoine Moudanda (à Brazza). Le Jazz influenca aussi cette musique. L'Africa Jazz régna de 1953 à 1960 en Afrique centrale. Tabou Ley Rochereau fut le premier Africain à l'affiche de l'Olympia, à Paris, bien après les Noirs américains. Cette musique me rappelle des souvenirs d'étudiant avec des camarades congolais qui me firent découvrir leur musique. Avec l'Ok Jazz de Franco (guitariste formé par un Belge fan de Django Reinhardt), " on entre OK, on sort KO ". En 1960, Joseph Kabassele chantait " Independance Cha Cha " l'hymne officieux de l'indépendance du Congo ex belge. Un an après, son premier président, Patrice Lumumba, était abattu comme un chien errant. Manu Dibango , en concert à Kinshasa, joue au sax ténor et chante " Soul Makossa ", un tube mondial, pillé par Quincy Jones pour Michael Jackson avec " Wanna start somethin ". Après 20 ans de procès, Manu a gagné mais tout est parti dans les frais d'avocat. Pour lui, c'était une question de principe. Francis Bebey, Camerounais, fait découvrir la musique pygmée à la télévision française. Pierre Akadenge, Gabonais, chante à Paris pour échapper à Omar Bongo, président du Gabon et ami de la France. Bonga, Angolais, athlète et chanteur, lui aussi exilé en France. Son chant me donne la chair de poule, comme Bessie Smith dans un autre genre de musique noire.

Rythmes et rites sacrés: une série de films sur des rites musicaux de masse à Haîti, à Cuba, au Brésil, à la Réunion et à New York. 

Changement d'étage pour aller d'Afrique en Amérique. Il faut descendre. Clin d'oeil aux navires de la traite négrière? Une série de photographies sur La Nouvelle Orléans avant et après l'ouragant Katrina (2005). Emouvant. Au mur, est écrite une définition des musiques noires tout à fait sensée. A retenir, il n'existe pas de musique noire " pure et authentique ". 

5. Les Amériques Noires

56. BB King jouet et chante " Everybody wants to know why I sing the Blues ". " Ils m'ont mis dans un bateau, à fond de cale. Des hommes se tenaient debout au dessus de moi, la plupart avec un fouet et tout le monde veut savoir pourquoi je chante le Blues ". Rien à ajouter. Louis Armstrong joue et chante "  Dinah " au Danemark en 1933 devant un public de blonds aryens qu'il rend fous de joie et de désir. Dès que Louis joue, il éclipse l'orchestre. Le journaliste: " Monsieur Armstrong, pourquoi souriez vous tout le temps? " . Louis Armstrong: " Parce qu'on me paie pour ça ".

57. Rhythm and Blues, Soul, Funk, la marche vers les droits civiques. Comme le chantait Big Bill Broonzy, " If you are white, it's all right. If you are brown, stick around but if You are black, hum, brother, get back, get back ". Le Rock 'n Roll, musique noire que les Blancs se sont appropriés. " Seuls ces crétins de Blancs américains croient qu'Elvis Presley est le Roi du Rock'n Roll. Le reste du monde sait que c'est Chuck Berry " (Miles Davis). " Si on devait donner un autre nom au Rock'n Roll, on devrait l'appeler le Chuck Berry " ( John Lennon). En réaction, les Noirs américains créèrent la Soul Music avec Otis Redding, Sam Cooke. Les ouvriers noirs travaillaient dans l'automobile à Detroit, Motor City d'où le label Tamla Motown qui lança Stevie Wonder, Diana Ross, The Jackson Five, The Temptations, Smokey Robinson. James Brown chante " Say it loud, I am black and proud ". Chuck D, le leader du groupe de rap Public Enemy raconte que dans son bus scolaire le chauffeur craignait les passages de James Brown à la radio car alors, tous les gamins se mettaient à danser et la conduite devenait TRES dangereuse.La guerre du Vietnam éclate, le ghetto explose et Marvin Gaye chante " What's going on? ". Berry Gordon, le patron de Motown, ne voulait pas sortir l'album, le trouvant trop politique. Heureusement pour lui, il finit par céder et l'album se vendit comme des petits pains. Funk: puant, suant, la musique la plus africaine d'Amérique du Nord. James Brown chante et danse " Get on the good foot ".Puis viennent Isaac Hayes, Curtis Mayfield et les musiques de films de la Black Exploitation que Quentin Tarantino exploite toujours aujourd'hui. Sly and The Family Stone: le 1er groupe mélangeant hommes et femmes, Noirs et Blancs, le modèle de Prince. George Clinton et ses deux groupes, Parliament et Funkadelic, le Sun Ra du Funk, un musicien tellement pillé par les rappers qu'il finit par sortir des singles intitulés " Sample that " pour que les DJ lui paient ses droits d'auteur. 

60. Nous descendons au Sud de l'Amérique avec Antonio Carlos Jobim, un Blanc, influencé par Chopin qui a adouci la Samba, musique noire, faisant de la Bossa Nova un succès mondial qui dure. Justo Valdez y la Rumba palenque: un chanteur et des tambours. Ca, c'est noir. " Pour moi, l'avenir de la musique, c'est le retour aux sources: un homme avec un tambour. Pourquoi avoir tant de machines si vous n'avez pas d'idées? " (Dizzy Gillespie).

65. Suites caribéennes. Calypso Rose, de Trinidad et Tobago, chante " Rum and Coca Cola ". Je reconnais l'air. Il me semble que Dizzy Gillespie l'a joué.

63. Cuba Musical Club. La conga de Cuba vient du Congo comme son nom l'indique. La musique cubaine vient du mélange entre la musique espagnole (elle même influencée par la musique arabe) et celle des esclaves venus d'Afrique. Documentaire pédagoque. Le danzon est interprété par des orchestres à cordes (les charangas), venus des Espagnols. Le danzon + le son (musique noire) = le mambo qui triompha dans les années 40-50 avec, en France, Dario Moreno (un Juif de Turquie. Autre métissage). Le mambo adouci, c'est le cha cha et le fameux crooner cubain Benny Moré. Le mythe vit toujours avec le Buena Vista Social Club, disparu avec la révolution et ressucité 40 ans après grâce à un film de Wim Wenders, un Allemand. Le boogalo est né aux USA de la rencontre entre Noirs américains et cubains exilés. La Salsa est une musique mélangée comme son nom l'indique (la sauce). Pas un mot sur Dizzy Gillespie et Art Blakey, sapristi!

58. Rhythm and Blues, Soul, Funk. Après le film pédagogique cf. 57 supra), des exemples. James Brown en concert à l'Apollo, à Harlem, NYC, USA: " I got the feelin ". The Godfather of Soul nous soulève de terre par l'énergie déployée et nous y ancre avec la basse, la batterie. Ca sue, ça pue, ça sent le mâle en rut, bref, c'est du Funk! L'héritage de la transe africaine revisitée par les Noirs américains. Stevie Wonder "  Superstition " (1973). Sophistiqué, puissant, enivrant, cosmique bref Litlle Genius at work, Mr Stevie Wonder. Quel son des claviers se confondant avec la guitare!

Plusieurs ateliers permettent aux visiteurs de se tester sur des instruments typiques des musiques noires.

Club Mix

68. Hip Hop. Les racines nord américaines. Grand Master Flash " The Message " (1982). un portrait à l'acide de la vie dans le ghetto. " C'est comme une jungle. Parfois je me demande comment je fais pour ne pas descendre ". Documentaire pédagogique sur la naissance de la culture Hip Hop: musique, danse, graff, DJ. Toujours Grand Master Flash  avec " Wild Style " démonstration de DJ en 1982. Il y a même des timbales dedans. Le hip hop fut inventé par des gens qui n'avaient pas les moyens de s'acheter une guitare. Ils jouaient avec les vinyls. Afrika Baambata " Beat Street " (1984). Une musique qui annonce la house et la techno. Le look vient de George Clinton mais il n'y a plus d'instrument.

71. Quincy Jones " Dirty dozens ". Montreux Jazz Festival. 1996. Un boogie woogie. Une chanson truffée d'allusions obscènes chantée par deux Noires en forme(s). Jimi Hendrix " Foxy Lady " au Monterey Pop Festival. 1967. The Space Bluesman comme le surnommait John Leee Hooker était métis (père Noir, mère Amérindienne) comme Don Cherry.

Un fim de démonstration de danse cubaine. Il n'y a qu'à suivre les pas. Deux jeunes visiteuses noires s'amusent beaucoup à danser la salsa d'autant plus qu'elles se voient sur un autre écran. Même dispositif pour le rap avec " Fight the power " de Public Enemy

Il y a aussi des juke boxes, en l'occurence des PC contenant des morceaux sélectionnés de musique urbaine africaine. Je découvre les Congotronics. Surpuissant. De Centre Afrique vient la musique à penser, pour choeurs d'hommes, des Gbaya. Envoûtant. Un solo de djembé par Adama Dramé, ça change des petits blancs qui en jouent TRES mal les soirs d'été sur les pelouses du parc de la Villette où se trouve la Cité de la Musique. Ca c'est de la pulsation. Un Maître tambour. 

Cet article ne reflète que brièvement mes 2h de visite dans une exposition où il y a 11h de musique à voir et écouter. C'est dire s'il faut y aller, y venir, y revenir, surtout avec des enfants car elle est ludique et participative. D'autant plus que n'étant que de passage à Paris, je n'ai pu profiter des visites guidées, des ateliers d'initiation musicale, des concerts liés à l'exposition " Great Black Music ".  Quel beau voyage!

Ali Farka Touré (1939-2006) en concert chez lui, au Mali, au Segou Festival en 2005. Vu la situation politique et militaire au Mali aujourd'hui, je déconseille à mes compatriotes français de se rendre à ce festival. Musicalement, la parenté de style avec John Lee Hooker est évidente. Rien à ajouter.


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