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« Plan B » : le magnétisme poétique de Kamel Saleh opère toujours

Publié le 24 juin 2014 par Ralph

Plan B

"Plan B", le deuxième film de Kamel Saleh, après "Comme un aimant" en 2000. Disponible sur Internet depuis le 21 juin 2014. Crédits photos : affiche du film "Plan B" de Kamel Saleh - Ladli/Les films de la 25e heure

PARIS, par Charles-Éric Perrin Gimet
Avec Ralph Bechani à Orléans

Il en est de certains réalisateurs, trop peu nombreux d’ailleurs, qui nous éveillent à une façon inédite d’appréhender la réalité, de voir la vie, la vraie. Pour s’en rendre compte il nous faut se tourner vers l’histoire d’un autre cinéma, celui des néo-réalistes, celui aussi de Kamel Saleh.

Plutôt que de nous inventer une autre vie, ce cinéma nous immerge dans le quotidien. Scénario, cinéma réalité, ou documentaire… on se perd parfois mais pour s’y retrouver, toujours. On utilise la rue et on la fait devenir scène. On récupère des passants et on les fait acteurs. C’est le principe. Simple.

Reste à faire se maintenir cette vision pendant 1H20, et pour cela il faut un certain caractère, une force de réalisation capable d’assumer la force d’une réalité pas toujours facile.

Une reconnaissance tardive et mérité

Du talent, Kamel en a, et son deuxième film le prouvera au plus sceptiques. Mais il faut parfois savoir attendre pour que celui-ci soit justement reconnu. Ce n’est donc qu’en 2000 qu’il transperce littéralement le milieu du cinéma français.

Aux côtés d’Akhenaton, figure emblématique du rap français et du group IAM, Kamel réalise son premier long métrage intitulé « Comme un aimant ». Véritable succès avec près de 400 000 entrées en France, le retour du public est immédiat et celui des professionnels, retentissant.

L’histoire de « Comme un aimant » est d’abord tirée de la chanson Aimant du groupe IAM. Ce premier film raconte la vie de ceux qui « tiennent les murs » du Panier à Marseille. Un film sur l’authenticité de l’existence d’une bande de copains. Entre petites magouilles et virée entre potes sous le soleil, ils tentent d’oublier la fatalité d’un quartier qui les habite.

Comme un aimant

Un thème qui fait parfaitement écho aux plus grands amateurs du genre qui ont déjà entendu « Grillé ! Qu’est ce qui vous a pris de venir ici ? Ce putain de quartier me suit (…) et quand je n’étais pas à la cité assis sur un banc, c’est le quartier qui venait m’étouffer, comme un aimant » (Paroles tirées de la chanson Aimant).

Marseille et ces quartiers, voilà qui ce que seront les sources d’inspirations de Kamel Saleh dans ces futures collaborations.

Lié au groupe IAM et à sa ville, il réalise plusieurs clips. Son tout premier Demain c’est loin, tourné à la manière d’un documentaire sur Marseille fait du bruit à sa sortie tant il est évident de simplicité et de vérité. Un style épuré et efficace qu’il se forge, caméra au poing, de jour comme de nuit, et où se perdent les limites entre réalité et fiction.

Pourtant, et malgré ces vidéoclips pour le groupe IAM, la biographie de Philippe Fragione « Alias Akhénaton » sortie en 2005… l’engouement fait autour de Kamel et de son style se perd. Et monter un autre projet ne s’est pas avéré aussi simple.

A force de refus, notre réalisateur lutte pour retrouver la confiance des productions françaises, en vain. Mais acharné, déterminé à s’exprimer comme il le désire, il défie ses détracteurs et se lance tout de même dans la réalisation de ce qui deviendra son deuxième long métrage « Plan B » qui est sorti sur internet le 21 Juin dernier.

REGARDEZ LE FILM "PLAN B" EN CLIQUANT SUR CE LIEN : http://vimeopro.com/lesfilmsdela25eheure/planb

"Plan B", avec Brahim AIMAD, Ouidad ELMA, Kamel SALEH, Georges NERI, Moussa MAASKRI, Kamel FERRAT et Leilani Lemmet

De retour dans son style inspiré d’après guerre, sans doute influencé par l’omniprésence des familles italiennes dans l’immeuble où il a grandi, plus que part Pasolini ou Vittorio de Sica eux-même, il s’attache à faire un cinéma populaire dans lesquels chacun peut s’identifier.

Fier de ses origines et heureux de retrouver ses murs le temps d’un tournage, il reprend comme toile de fond le quartier populaire de Marseille. On y vit alors sous la menace d’une transformation, d’un changement dont les principaux protagonistes ne font pas partie.

Entre aspiration et désillusion la différence se fait sentir plus mince quand on y découvre cette histoire d’amour entre un garçon plein d’espoir mais défini par son seul quartier et cette fille sans attache, sans appartement et pour qui tout reste encore possible.

« Plan B » est un de ces films-vérités, qui, loin des règles du trop grand cinéma français, mérite aussi qu’on s’y arrête. Même loin du carcan cinématographique actuel persiste certains talents qui ne manquent pourtant pas de se faire entendre, par coups d’éclats rares, peut-être, mais tellement important.

Kamel Saleh est l’un d’eux. Un cinéaste capable de raconter ces vies, si bien, qu’il n’est plus nécessaire de les faire se réaliser.

INTERVIEW - Kamel Saleh (juin 2014)

Kamel Saleh

Après « Comme un aimant » sorti en 2000, vous vous relancez dans un long-métrage. Comment expliquer cet écart de 14 années après un film qui a portant très bien marché ?

C’est une question de scénario et d’écriture. Et puis j’ai fait l’erreur à ne pas commettre, faire confiance à des tiers personnes en les associant au développement des projets.

J’ai écrit pas mal de choses, mais en allant dans tous les sens, sans avoir une vraie orientation. Tantôt une comédie, tantôt un polar, et puis un scénario sur le grand banditisme qui s’est modifié en cours de route et qui allait devenir Plan B.

Au final beaucoup d’énergie perdue. Je me retrouvais face à ce choix, mettre à la poubelle le scénario de Plan B et repartir à zéro sur l’écriture d’un autre scénario après quelques années de travail sans récompense ou récupérer les droits de Plan B.

Je me suis lancé dans cette aventure, faire ce film de façon indépendante en pensant qu’il me faudrait une bonne année pour tout boucler, résultat, il m’a fallu presque 6 ans. Si on fait le compte ça fait à peu près ça.

Malgré ce laps de temps, vous parlez à nouveau de Marseille. Doit-on voir « Plan B »comme un second opus, une suite ?

Non pas comme une suite. Mais plutôt comme l’envie d’enfoncer un peu plus le clou. Avec une ville, qui de plus en plus se segmente. Une ville qui est coupée en plusieurs morceaux. Une ville éclatée, qui se perd de plus en plus dans ses projets de constructions qui n’en finissent plus au détriment de sa population.

Pourquoi avoir décidé de vous intéresser à la production participative pour réaliser votre film ? Comment cela fonctionne t-il ?

Faire et développer un cinéma participatif, c’est une idée que j’ai eu il y a presque 10 ans. J’ai mis en place un site - macontribution.com - il y a eu des souscriptions, c’est la preuve qu’il est possible de faire les choses autrement.

J’ai fait ça dans le but de développer soi-même ses projets, sans nécessairement passer par le CNC et autre organisme de financement. Pas non plus pour faire la grimace au circuit cinéma traditionnel, mais seulement dans le but d’avoir une alternative.

Je réalise que j’ai pris beaucoup de risque pour développer certains projets, notamment celui de Plan B, pas parce que j’aime le risque, mais parce que je sais qu’il est possible de faire de nombreuses choses si on s’engage.

Comment expliquez-vous cette réticence du cinéma français à vous faire confiance ?

J’ai cru longtemps que le cinéma était réticent à mon égard. Mais aujourd’hui je ne le crois plus. Il ne tient qu’à moi de proposer de bons projets de films en ayant la foi dans ce que je fais. Cette fois j’éviterai d’aller vers les mauvaises personnes et je ne ferai confiance qu’à ma créativité.

Vous espérez que « Plan B » sorte en salle l’année prochaine, avez-vous déjà d’autres projets en tête ?

Plan B est la preuve qu’il est possible faire du cinéma autrement. Le film existe c’est presque un miracle. J’ai aujourd’hui d’autres projets, notamment un scénario que j’écris et qui sera très différent de mes deux premiers films.

j’appréhende l’écriture différemment, les thèmes abordés également. Je n’envisage pas de le faire de façon indépendante. Pas celui-ci. Peut-être que d’autres projets se feront de façon autonome, avec moins de pression et dans un bon esprit.

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