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Quand le temps s’arrête à Pompéi

Publié le 03 juillet 2014 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Nous sommes en l’an 79 après Jésus-Christ. L’empire romain, le plus grand empire que le monde n’ait jamais connu, est presque à son apogée. Mais la Nature s’apprête à lui donner une terrible leçon d’humilité. Dans moins de 24 heures, Pompéi et Herculanum seront rayées de la carte, frappées par l’un des pires cataclysmes de l’antiquité. Le coupable est un volcan: le Vésuve. L’histoire a officiellement fixé la date du drame au 24 août 79. Mais les archéologues qui ont retrouvé à Pompéi un denier frappé de la XVe salutation impériale de Titus dont on sait qu’elle s’est déroulée le 8 septembre 79, situent désormais la tragédie en octobre de la même année.

A l’heure du drame, la région extrêmement fertile de Campanie est considérée comme une terre bénie des dieux, le Vésuve ayant recraché, au fil des millénaires, les minéraux qui enrichissent la terre. Au pied du volcan, Pompéi compte environ 20.000 habitants. Commerce et trafic maritime en font une cité prospère. Tous les habitants, qu’ils soient riches ou pauvres, mangent à leur faim. Leur régime alimentaire est très sain, constitué de poisson, huile d’olive, fruits et légumes. Dans cette ville de mixité ethnique et sociale, les lieux de divertissement et de culte ne manquent pas: thermes, lupanars, théâtres, combats de gladiateurs, gymnase, bars, tavernes et temples. Les bains, fontaines et autres piscines privées bénéficient du système d’alimentation en eau le plus élaboré de toute l’antiquité. Le taux d’alphabétisation est élevé comme le suggèrent les nombreux graffitis sur les murs des habitations ou des bâtiments publics. Le cadre enchanteur de la cité en fait un lieu de villégiature privilégié de la bonne société romaine. De grandes familles patriciennes y ont élu domicile ou y ont construit leur maison d’été, comme la fastueuse villa Oplontis que possède Poppée, la seconde épouse du cruel empereur Néron. Une semaine avant l’éruption du Vésuve, la terre a brusquement tremblé sur les stations balnéaires de Campanie. Un séisme de magnitude 6 sur l’échelle de Richter ébranle les édifices et détruit les canalisations, provoquant une pénurie d’eau dans la ville et dans les vignes et vergers. De nombreux habitants quittent alors Pompéi mais plus de la moitié de la population reste sur place et s’affaire à réparer les dégâts. En cette année 79, la pression accumulée dans la chambre de magma sous le Vésuve est si intense que la Campanie est secouée par des séismes presque quotidiens. Mais fumerolles et tremblements de terre sont interprétés comme l’œuvre de Poséidon, le dieu de la mer.

Le matin de l’éruption volcanique, la vie se déroule comme d’habitude à Pompéi. Les marchands ambulants s’affairent, les gladiateurs vont et viennent librement et les esclaves font les courses pour leur maître. Dès dix heures, de petites secousses telluriques se font ressentir. Elles deviennent de plus en plus fréquentes mais les Pompéiens ignorent que le mont Vésuve est en réalité un volcan endormi depuis plus de 700 ans, en train de se réveiller. Lentement des roches en fusion remontent des profondeurs de la terre vers la surface de la croûte terrestre mais se heurtent à un énorme bouchon de roc. Le magma s’accumule et la pression monte.

A treize heures, le volcan entre en éruption. Projetée à grande vitesse, une colonne tourbillonnante de cendres et de gaz s’élève droit vers le ciel. Elle atteint plus de quinze kilomètres de haut en quelques minutes et 30 km en à peine 6 heures. L’explosion est mille fois plus puissante que celle de la bombe d'Hiroshima. Le vent pousse le nuage de cendres au dessus de Pompéi. Si dense, ce dernier éclipse le soleil, plongeant la cité dans l’obscurité. Au contact de l’air, les cendres brûlantes se solidifient et commencent à retomber, sous forme de petites pierres ponce mais aussi de gros blocs de roche arrachés au ventre de la terre. En une demi-heure, la pluie de pierre atteint Pompéi et des milliers d’habitants tentent de s’enfuir.

Vers le milieu de l’après-midi, le Vésuve a craché plus de 100 millions de tonnes de pierres ponce et de cendres sur Pompéi. En s’accumulant, elles deviennent dangereuses, bloquant les issues et provoquant l’effondrement des toits. Alerté, l’Amiral Pline qui commande la flotte romaine de la baie de Misène part vers 17 heures à la rescousse des survivants dont le salut ne peut plus venir que de la mer. Les habitants d’Herculanum, la ville la plus proche du Volcan, se sont amassés sur la plage mais les bateaux de Pline ne peuvent s’en approcher en raison des vents contraires. Vers minuit, une partie de la colonne s’effondre. Les cendres bouillantes et les roches en fusion dévalent les pentes comme une avalanche lancée à 300 km/heure qui se dirige droit sur la cité. Cette coulée ardente de 500 C° brûle tout sur son passage, tuant sur le coup les survivants réfugiés sur la plage.

La chaleur est si intense que les chairs sont carbonisées. Ceux qui s’étaient abrités sous les hangars à bateaux meurent du choc thermique: les os et les dents se brisent, les chairs fondent et le cerveau se met à bouillir sous la boîte crânienne qui explose.

Quand le volcan s’arrête enfin, Herculanum et ses victimes sont enfouies sous des dizaines de mètres de débris volcaniques. Un destin similaire attend Pompéi mais pour l’heure, c’est la pluie de cendre qui continue de s’abattre sur la cité. Car le Vésuve émet 6 nuées ardentes mais les trois premières coulées l’épargnent. Quand la chambre magmatique explose au cœur du volcan, elle déclenche une quatrième coulée pyroclastique qui se dirige, cette fois, droit sur Pompéi.

Comme la nuée ardente a perdu 200 degrés en frappant Pompéi, les habitants ne sont pas réduits en cendres comme à Herculanum. Mais le nuage de gaz toxique entraîné par la coulée, un mélange mortel de dioxyde de carbone et d’acide sulfurique, se répand dans les rues et les maisons. Gaz chaud et cendres cimentent les poumons des victimes qui suffoquent et meurent asphyxiées après quelques inhalations.

Après 18 heures d’éruption, le panache de gaz et cendres s’effondre complètement sur sa base provoquant une dernière et gigantesque coulée qui déferle dans la baie de Naples et tue des milliers de gens qui s’étaient réfugiés dans la campagne. Pompéi et Herculanum ont disparu sous des tonnes de cendres, pétrifiées à jamais. Les derniers moments de Pompéi sont rapportés par l’écrivain Pline le jeune qui, à la demande de l’historien Tacite, a fidèlement décrit le phénomène qu’il l’avait observé depuis Misène, trente ans plus tôt. Son témoignage précis permet de reconstituer les événements heure par heure. A l’époque, ses descriptions des nuées ardentes crachées par le Vésuve paraissent si étranges que personne ne le croit. La science moderne lui rendra hommage en nommant ce type d’éruption volcanique explosive une éruption plinienne.

Au-delà de la tragédie, la découverte des vestiges de Pompéi et d’Herculanum a modifié notre regard sur l’antiquité. Fait unique dans l’histoire, tout a été figé en un instant, puis est resté intact pendant des siècles, protégé par un sarcophage de cendres. C’est comme si le temps avait été aboli. Jusque là on connaissait la littérature et les grand édifices romains. Mais comme par magie, on a tout à coup entrevu les détails de la vie quotidienne. On connaissait les techniques picturales mais Pompéi a apporté les décors véritablement peints avec ses fresques et ses mosaïques. On connaissait l’existence des objets de la vie quotidienne (meubles, vaisselle, nécessaire de toilette, matériel chirurgical, lampes à huile, etc.) mais Pompéi a permis de les visualiser, de les toucher et de se rendre compte de leur extrême raffinement. On connaissait la nourriture romaine, Pompéi a concrétisé les recettes.

Cependant, le témoignage le plus poignant vient de ces corps moulés dans le plâtre et de ces squelettes blottis les uns contre les autres. Des victimes à l’agonie, des rictus de douleur, des couples enlacés, des mères serrant leurs enfants dans un dernier geste désespéré, des femmes enceintes entourées de leur famille. Hommes, femmes, enfants et même animaux voient leurs derniers instants immortalisés, prostrés pour l’éternité. Certaines victimes ont même laissé des indices sur leur identité: riches marchands, patriciennes, gladiateurs ou encore esclaves. Ces cadavres en action renvoient le cataclysme à une tragédie humaine en donnant un visage à ces vies fauchées. Le poète Georges Chelon s’est inspiré de cette tragédie pour rendre hommage, 2000 ans plus tard, à ces milliers de victimes dans une émouvante chanson à (re)découvrir.

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