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"Les nouvelles technologies existent mais il reste à inventer le monde qui va avec"

Publié le 11 juillet 2014 par Pnordey @latelier

Les robots et les nouvelles technologies investissent progressivement la société mais leurs usages suscitent encore des questionnements.

Entretien dans le cadre de l’émission L’Atelier Numérique avec Olivier Levard, journaliste et auteur de "Nous sommes tous des robots" aux éditions Michalon.

L’Atelier : Dans votre livre vous affirmez : "nous sommes tous des robots", pouvons-nous dire que c’est le cas réellement ?

Olivier Levard : En tant qu’enfant de la génération 1980-1990 baigné dans la science-fiction, j’ai toujours rêvé de robots. Mais aujourd’hui, nous sommes souvent très déçus des robots humanoïdes créés, qui sont beaucoup moins biens que ceux de la science-fiction. Donc je me suis demandé: "Mais où sont ces robots humanoïdes qui se déplacent bien, qui sont intelligents ?" Et je me suis rendu compte que c'était nous! Nous voyons de plus en plus d’objets technologiques qui se portent directement sur le corps. Je pense que c'est la prochaine étape. Après l’ère du smartphone qui nous a rendus esclaves, bientôt nous aurons des nouveaux dispositifs qui nous permettront d’interagir avec le monde numérique plus directement. Un exemple marquant résume très bien cette révolution : les Google Glass.

Certes l’objet et ses applications dédiées existent, mais les gens en feront-ils un réel usage ?

Peut-être que cette génération de lunettes connectées ne fonctionnera pas. En revanche, j’y crois profondément pour la suite. L’idée, que j’aborde dans mon livre, est que les gens en auront marre d’avoir toujours la tête baissée sur leurs téléphones. Des accidents sont déjà arrivés à cause de cela: des gens tombent sur les rails du métro, ou encore, une jeune femme tombée au bout d’une digue parce qu’elle lisait ses notifications sur Facebook. Heureusement, elle a survécu. Et pour l’anecdote, elle n’a jamais lâché son téléphone pendant tout son périple… Donc l’intérêt de ces lunettes et de ces montres connectées c’est de pouvoir interagir avec le monde numérique, que ce soit sur les réseaux sociaux, les SMS ou l’information au sens plus large. Il pourra s’agir d’effectuer des recherches sur Internet de manière beaucoup plus naturelle sans avoir par exemple à sortir un téléphone de sa poche. C’est en fait une réflexion sur l’interface du futur qui finalement pourrait être notre propre corps amélioré, d’où le concept d’homme augmenté. L’intérêt de ces objets qu’on porte sur le corps, est de pouvoir faire un bilan de son activité physique corporelle en permanence. L’idée, c'est que nous devenons nous-mêmes des robots, un peu à l’image de Terminator qui a un écran lui permettant de savoir quand il est blessé. Nous allons avoir des dispositifs d’analyse de notre corps en permanence. Nous commençons à ressembler à ces robots qui ne sont pas encore arrivés.

Le terme "robot" a encore un impact quelque peu négatif dans le langage et dans l’imaginaire commun. Or, le but de tous ces objets est de nous augmenter et d’être davantage maître de notre réalité. Où en sommes-nous entre cette peur et toutes les possibilités à venir ?

Les robots arriveront à un moment ou à un autre, il va falloir les accepter. Il y a en réalité deux manières d’aborder le sujet. La première est que les robots sont appréciés. Les gens aiment les robots parce qu’ils pensent au robot de science fiction. Une enquête réalisée par l’Union Européenne dans plusieurs pays s’est intéressée à l’appréciation des robots. Elle a indiqué que 80% des sondés ont répondu "Oui, j’aime parce que ça fait rêver, c'est l’enfance." L’autre point de vue est une image robotique terrible de ce monde de métal et de vie rapide et efficace. Les gens pensent aux robots que nous voyons en masse aujourd'hui et qui sont présents dans nos usines. Ils ont peur, notamment pour leur emploi. La France fait partie des pays d’Europe où nous avons le plus peur de ces robots qui risquent de subtiliser nos emplois. Par ailleurs, il y a le sujet du corps connecté, et qui touche cette fois à des questions philosophiques, religieuses, intimes et éthiques. Les réflexions sur ce sujet vont probablement durer 30 ans et bien plus encore. Le droit de modifier son corps peut paraître comme une évidence mais nous entrons dans les grands débats de société: le droit à l’avortement ou l’euthanasie. C'est une question qui a été effleurée avec la chirurgie esthétique et qui pose encore beaucoup de questions.

En outre, ces technologies peuvent avoir une utilité très concrète. Imaginez que j’ai dans la peau une puce RFID avec des produits qui sont déjà sur le marché ou qui vont arriver très vite. Je pourrai ouvrir la porte de mon appartement, payer dans un magasin, ouvrir ma voiture, régler la température et les lumières quand j’arrive chez moi, etc; le tout avec l’aide d’une puce minuscule. Une startup située aux États-Unis vous permet de l’acheter  mais cela reste illégal en France. En fait, les nouvelles technologies existent mais il reste à inventer le monde qui va avec.

Au moment où la société et la législation auront vraiment commencé à avancer sur ce sujet, pourra-t-on commencer à élaborer des usages réels de ces objets connectés ?

Avant d’écrire le livre, je pensais que la société n’était pas prête du tout mais je me suis rendu compte que je me trompais. Certaines technologies qui nous paraissaient d’abord ahurissantes finissent par être acceptées socialement. Pour l’anecdote, la télécommande que nous utilisons tous les jours pour zapper sur notre télévision a été inventée au départ pour les personnes handicapés. Et très vite, quand une technologie se généralise, nous y voyons des avantages, qui finalement touchent tout le monde. L’homme en kit par exemple, conçu par un laboratoire du MIT, permet de donner beaucoup d’espoir aux personnes aveugles ou sourdes. Il existe et il est aujourd'hui très bien fait.

Au final, cela nous effraie simplement car notre regard prospectiviste sur ces technologies nous paraît peut-être trop loin des usages actuels ?

Les technologies n’ont cessé de nous changer. Avoir des habits a changé notre apparence, avoir un marteau a changé notre manière d’appréhender le monde. Ce sont des exemples mais avec les nouvelles technologies, c'est un petit peu la même chose. Sauf que pour la première fois, la technologie n’est plus à l’extérieur. Même si dans le domaine médical, c’est déjà le cas, ne serait-ce que le fait de prendre des médicaments. Mais aujourd'hui le fait de toucher au corps, qui garde tout de même un côté sacré, amène à se poser des questions qui ne s’étaient jamais posées avant.


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