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Christopher Priest : Notre île sombre / Le Rat blanc

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Notre île sombre / Le Rat blanc de Christopher Priest   3,75/5 (13-07-2014)

Notre île sombre est paru le 13 mai 2014 aux Editions Denoël, dans la collection Lunes d'encre.

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L’histoire (éditeur) :

«Je suis sale. J’ai les cheveux desséchés, pleins de sel, des démangeaisons au cuir chevelu. J’ai les yeux bleus. Je suis grand. Je porte les vêtements que je portais il y a six mois et je pue. J’ai perdu mes lunettes et appris à vivre sans. Je ne fume pas, sauf si j’ai des cigarettes sous la main. Je me saoule une fois par mois, quelque chose comme ça. La dernière fois que j’ai vu ma femme, je l’ai envoyée au diable mais j’ai fini par le regretter. J’adore ma fille, Sally.
Je m’appelle Alan Whitman… Et je survis dans une Angleterre en ruine, envahie par des populations africaines obligées de fuir leur continent devenu inhabitable.» 

Mon avis :

Petite info avant d’entrer dans le vif du sujet : Notre île sombre est la réédition d’un texte, initialement paru sous le titre Le rat blanc, publié en 1971 (et 1976 en France), quand Christopher Priest  se considérait comme un jeune écrivain débutant cherchant sa voie. Le genre « science-fiction », surtout exploité à travers le roman catastrophe, était en vogue à cette époque. En 1971, l’après-guerre difficile est déjà loin, mais si la période reste relativement stable en Grande Bretagne, des soulèvements sociaux sont tout de même présents. C’est cette instabilité violente qui a été le déclencheur du roman, associée aux régimes dictatoriaux d’Afrique obligeant les habitants du Kenya et de l’Ouganda à quitter leur pays.

Après les critiques élogieuses, certaines remarques politiques portées sur son œuvre ont poussé l’auteur à retravailler son histoire, qui fonctionne alors mieux quarante ans plus tard (selon lui).

La Grande Bretagne est plongée dans le chaos. L’Afrique, qui a connu une catastrophe économique et sociale (liée à la sècheresse, la pollution du Nil, la famine…) est en proie à des génocides et à des conflits qui obligent les populations à quitter le continent. C’est ainsi que la Grande Bretagne voit arriver un premier navire s’engager dans l’estuaire de la Tamise avec à son bord des milliers de réfugiés africains. D’autres débarquements massifs suivront, sans compter les nombreux petits bateaux qui accostent jour et nuit. Cet afflux massif de populations déstabilise le pays, dont l’organisation se trouve alors bouleverser.

C’est dans ce contexte que nous suivons Alan Whitman, un enseignant chassé de sa maison et contraint (avec sa femme et sa fille Sally) à errer sur les routes, essayant de survivre aux différents groupes (réfugiés, milices africaines, nationalistes…).

La lecture de Notre île sombre n’est pas simple. Le récit est totalement explosé. On est embarqué dans un texte qui voit se juxtaposer différents séquences temporels. J’ai trouvé que cet éclatement permettait de connaître différemment l’homme (grâce aux souvenir, allant de la jeunesse aux quelques jours qui précèdent, on le découvre en dehors de la tragédie), et amplifiait également l’idée du chaos par l’enchaînement non linéaire de différents passages en rapport avec  les évènements.

Le récit est centré sur Alan, qui est loin d’être un héros. C’est un homme ordinaire auquel on peut s’identifier tant ses choix sonnent justes, incertains et totalement en adéquation avec le contexte. La catastrophe dont il est victime, comme tant d’autres, justifie largement certains comportements et apporte au récit un réalisme effrayant. On le découvre ainsi avant, alors qu’il est Monsieur-Tout-le-monde, un homme très moyen, qui trompe régulièrement sa femme (qu’il n’aime d’ailleurs plus), puis devenir un sans-abri dans un pays aux règles et lois bouleversées. Cette progression fait froid dans le dos. On s’imagine très bien (ou plutôt très mal, mais avec facilité) à sa place, et on tente de savoir qu’elles auraient été nos réactions à chaque nouvel événement. On le voit basculer d’homme passif, suiveur et lâche, à un homme plus affirmé aussi bien dans ses opinions que dans ses actes (son côté sombre davantage mis en avant).

Je n’ai pas trouvé ce texte particulièrement novateur (on peut penser au roman de Cormac McCarthy : la Route).  Sauf que remis dans le contexte de la réédition, et en mettant en avant le fait qu’il date des années 70, on voit forcément les choses différemment. En plus d’être un roman original (pour son époque), il reste très actuel. On ne cherche pas forcément à essayer de comprendre les causes (bien qu’elles soient tout de même expliquées et crédibles), car il s’agit plus d’un récit exposant les conséquences d’une catastrophe d’envergure. Des conséquences qui sont ici d’ailleurs plus humaines (avec une vision de l’étranger qui évoluent au fil des événements) que matérielles.

Si Notre île sombre peut désarçonner au début (par sa construction toute emmêlée), je l’ai trouvé efficace et relativement addictif. J’ai dévoré ces 200 pages d’une écriture simple, qui ne désignent à aucun moment les mauvais et les bons, chacun risquant de tomber vers le mauvais côté….


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