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1% : la mort en ce jardin

Publié le 25 juillet 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Cette fois, c'est sur l'artiste Carlos Cruz-Diez que tombe le couperet de l'indifférence et de la négligence :

Colonne Chromointerférente Collège Les Gondoliers, La Roche-Sur-Yon, France 1972

Colonne Chromointerférente
Collège Les Gondoliers, La Roche-Sur-Yon, France 1972

Chromo-indifférence

"L'oeuvre, une colonne de six mètres, avait été commandée dans le cadre du 1% artistique à l'artiste vénézuélien, résidant à Paris, Carlos Cruz-Diez pour le collège des Gondoliers à la Roche-sur-Yon en 1972. Elle était estimée à 200 000 €. Jamais entretenue, cette colonne Chromo-interférente avait été laissée à l'abandon et menaçait à tout moment de s'effondrer.(...) . L’œuvre est déménagée et quitte le collège pour ... la déchèterie. "
Dernier avatar en date dans la litanie des destructions d’œuvres d'artistes contemporain en France, la démolition de la sculpture de Carlos Cruz-Diez  illustre cruellement le peu de cas fait au respect des œuvres pourtant installées dans le cadre d'une politique désormais inscrite dans l'histoire.
L'obligation de décoration des constructions publiques, plus communément dénommée « 1% artistique » est une procédure spécifique de commande d'œuvres d'art à des artistes. Elle impose aux maîtres d'ouvrages publics de réserver un pour cent du coût de leurs constructions pour la commande ou l'acquisition d'une ou plusieurs œuvres d'art spécialement conçues pour le bâtiment considéré. D'abord limité aux bâtiments du ministère de l'éducation nationale lors de sa création en 1951, le dispositif a été élargi et s'impose aujourd'hui à la plupart des constructions publiques de l'état et à celles des collectivités territoriales, dans la limite des compétences qui leur ont été transférées par les lois de décentralisation. Cette idée née du Front populaire  ne devint donc réalité qu’à partir de 1951 et soixante ans après elle reste d’actualité.
Au-delà de la volonté politique de départ, il reste que, dans la durée, les œuvres sont à la merci de l'attention que l'on veut bien  leur porter et que ceux qui sont chargés de la pérennité des œuvres ne sont pas les même que ceux qui ont été à l'origine de leur installation. D'où la dégradation progressive des pièces non entretenues, dégradation qui servira ensuite d'argument pour leur destruction. 

Exécution en place publique

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Démolition à Pamiers en 2013 de la fontaine de Jacques Tissinier dédiée au bicentenaire de la Révolution Française.

A la même époque l'an passé, sans autre forme de procès, une œuvre de l'artiste Jacques Tissinier, une fontaine conçue en marbre rose ariégeois, a été  rasée en en place publique dans la ville de Pamiers, œuvre dédiée au bicentenaire de la Révolution française.

Un an plus tôt, la sculpture-fontaine de Philippe Scrive installée depuis de nombreuses années à Montreuil a été démontée contre sa volonté pour la restructuration de la zone urbaine.

1% : la mort en ce jardin

Fontaine sculpture Philippe Scrive Montreuil

Les éléments de cette œuvre imposante ont été stockés provisoirement dans les services de la voirie de Montreuil en attendant des jours meilleurs.
On pourrait  poursuivre ainsi la longue liste des "1%" détruits ou dégradés. Le sculpteur Marcel Petit avait réalisé en 1977 deux sculptures monumentales en béton pour le lycée d'Epinay-sur-Seine, sur commande publique. Vingt ans plus tard, la DDE confiait à un architecte le ravalement et la rénovation des bâtiments. «Comme les murs ont été peints en rose, mes deux sculptures ont été badigeonnées d'un rose crémeux et surmontées d'un chapeau blanc grotesque», s'indignait Marcel Petit, reprochant à l'architecte d'avoir «refusé toute identité propre à l'artiste».

1% : la mort en ce jardin

"Mère-Anatolica", Parvine Curie Collège Pierre de Coubertin Chevreuse

Singulière évocation de cette mort annoncée, lors de l'exposition de Pierre Huygue au Centre Pompidou à Paris il y a quelques mois : en pénétrant dans l'espace livré à l'artiste,  la toute première œuvre visible marquait le passage d'un monde ancien à un monde  nouveau. Quelle est cette sculpture quelque peu délabrée qui ouvrait le parcours? L’œuvre est une création de Parvine Curie, qui fut la compagne d'un autre sculpteur réputé : François Stahly. La sculpture de Parvine Curie, installée dans le cadre du 1%  "Mère-Anatolica", a été récupérée sur un terrain vague du collège Pierre de Coubertin à Chevreuse. Voilà peut-être le coup de grâce porté au 1% : même  les œuvres hiératiques comme furent celles d'un François Stahly ou de Parvine Curie ne résistent pas à l'indifférence.


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