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Israël-Palestine : au-delà des passions communautaires, la majorité des Français reste silencieuse

Publié le 26 juillet 2014 par Delits

L’opération militaire Protective Edge, menée à Gaza, met en émoi certaines franges de la société française, très mobilisées en faveur du camp israélien ou palestinien. Mais la grande majorité des Français apparaît, elle, éloignée des secousses géopolitiques du Proche-Orient. Et opte pour la fermeté face aux débordements du conflit sur le territoire national.

L’épuisement du capital sympathie pour Israël n’a pas profité à la cause palestinienne

La création d’Israël en 1948 a été accueillie avec enthousiasme en France. Les liens unissant les peuples israélien et français se sont spectaculairement concrétisés par l’expédition de Suez en 1956 et la coopération nucléaire entre les deux Etats. Pendant les vingt premières années d’Israël, l’opinion française a compté parmi les plus fervents soutiens de l’Etat hébreu face à son voisinage hostile. Au lendemain de la guerre des Six jours en 1967, au cours de laquelle Tsahal a écrasé les armées arabes et commencé l’occupation des territoires palestiniens, 68% des Français ressentaient de la sympathie pour Israël contre seulement 6% pour les Etats arabes (données Ifop).

Alors que la popularité d’Israël atteignait son zénith en France, le Général de Gaulle a pris l’opinion à contrepied. Lors de sa conférence de presse de novembre 1967, il s’est désolidarisé de l’offensive victorieuse menée par Israël cinq mois plus tôt. Les Français se sont très rapidement placés dans le sillage de leur leader politique. Non pas qu’ils se soient mis à soutenir subitement les pays arabes. Mais la sympathie qu’ils avaient éprouvé pour Israël s’est réduite. Dès lors, les Français ont changé de camp, choisissant celui de la neutralité.

Une opinion qui se refuse aujourd’hui à choisir un camp

En consultant les réseaux sociaux en France, la spécificité du conflit israélo-palestinien par rapport à tout autre saute aux yeux. Les combats en Ukraine, en Syrie ou en Irak n’en sont pourtant pas moins également lourds d’atrocités et d’enjeux géostratégiques. Mais dans le cas israélo-palestinien, les réactions sont d’ordre passionnel et militant, alors que la persécution des chrétiens d’Irak reste relayée sur un ton factuel ou compassionnel.

Pourtant, cette vision offerte par les réseaux sociaux s’avère largement déformante. Dès lors que l’on regarde les sondages auprès du grand public, on prend conscience que si davantage de Français ont de la sympathie pour les Palestiniens (17%) que pour les Israéliens (12%), la grande majorité des Français (71%) ne se montre en faveur de quiconque. La tendance déjà observée lors de l’opération Plomb Durci, entreprise également à Gaza en 2008-2009, se confirme et se renforce (+4 points de sans opinion).

Seuls quelques segments de la population se détachent par un soutien plus appuyé en faveur d’un camp. Ce sont les plus de 65 ans qui « se mouillent » le plus, mais ils restent très partagés entre les deux camps. Les jeunes, tout au contraire, se prononcent peu, mais ceux qui émettent une opinion penchent beaucoup plus du côté palestinien (19% contre 9%). La même tendance est observée chez les cadres. Le conflit trouve également une traduction politique puisque les sympathisants de droite et d’extrême droite sont plus nombreux à soutenir Israël que ceux de gauche, davantage derrière les Palestiniens.

L’agglomération parisienne, foyer regroupant les plus importantes communautés juives et arabes en France, mérite bien sûr une attention redoublée. Pourtant, même ici la neutralité prédomine, et une majorité des Parisiens (65%) ne ressent pas plus de sympathie pour un des belligérants.

Le retrait des Français des enjeux internationaux

Ce sentiment de distanciation des Français à l’égard de ce conflit n’est pas nouveau. Faut-il y voir de la lassitude à l’égard d’un interminable et complexe conflit ? A priori non : ce sont justement les Français les plus âgés qui ont le plus d’avis sur la question. Plus généralement, les Français se mettent à distance des thématiques internationales, conformément à la « loi du mort kilométrique ». Ouvrir un journal télévisé sur un sujet international constitue toujours un vrai risque en termes d’audience. Les affaires étrangères entrent dans le giron des prérogatives du « Prince » ; une majorité de Français s’en remettent à l’expertise du politique. C’est ainsi qu’ils ont suivi le Général de Gaulle dans sa condamnation de la politique d’Israël. De même qu’aujourd’hui un grand nombre d’interviewés éprouve la plus grande difficulté pour juger la position française sur le conflit : la moitié (53%) préfère ne pas se prononcer.

Nos compatriotes, implacables dans leur jugement sur leurs dirigeants politiques, se montrent plus indulgents concernant la politique étrangère (l’Europe mise à  part). Français Hollande recueille, comme ses prédécesseurs à l’Elysée, de « moins mauvais » résultats dans ce domaine : la défense des intérêt français à l’étranger constitue ainsi le sujet pour lequel les Français sont les plus satisfaits (35% de satisfaction en avril 2014).

Il y a des décennies qu’aucune grande thématique internationale n’a pesé sur les résultats d’une élection en France. Même à l’heure de la mondialisation, le débat politique reste délimité par les frontières nationales. Et, au-delà de ces frontières, le consensus prédomine. L’union sacrée a encore de l’avenir.

Sur le plan intérieur, l’ordre prime de nouveau sur les libertés fondamentales

Les Français retrouvent une opinion claire dès lors qu’on évoque les répercussions du conflit sur le territoire national. C’est la ligne de la fermeté qui emporte l’adhésion, la majorité des Français (62%) se prononçant pour l’interdiction des manifestations de soutien.

Ces résultats s’inscrivent dans la tendance, observée depuis de nombreuses années déjà, consistant à arbitrer en faveur de l’ordre public au détriment des libertés fondamentales de la République. On avait eu l’occasion de l’observer sur le droit de grève (service minimum), l’expression religieuse, (port du voile islamique) ou dans une moindre mesure sur la liberté d’expression (affaires des caricatures de Mahomet) et aujourd’hui sur la liberté de manifester. Les libertés publique peuvent être rognées, si l’ordre public l’exige. La mise en avant de la laïcité, élément constitutif de l’identité nationale pour  80% des Français, apparaît comme un bouclier face au communautarisme, phénomène que les Français redoutent. Et qui est plus tangible que jamais lorsque le Proche-Orient prend feu.


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