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Quels modèles pour pérenniser les relations entre grands groupes et startups?

Publié le 28 juillet 2014 par Pnordey @latelier

Capital Ventures, relations commerciales, hackatons… les exemples de collaboration entre des structures de taille opposée se multiplient sans pour autant garantir équité et viabilité aux deux parties. Les échecs souffrent la plupart du temps d’un manque de méthode.

Dans le cadre de l’émission L’Atelier numérique sur BFM Business, entretien avec Giovanni Ungaro, directeur Assistance à l’autonomie chez Legrand et directeur de la filiale Intervox ainsi que Marie Noéline Viguié cofondatrice et présidente de Nod-A, entreprise qui développe des dispositifs d’innovation pour ses clients. Nod-A encourage les entreprises à trouver une nouvelle méthode de travail y compris à l’égard des startups.

L’Atelier:Au-delà du discours de bonnes intentions sur la nécessité pour les grands groupes de tisser des liens avec l’écosystème des start-ups, est-ce que les entreprises s’y prennent vraiment bien actuellement?

Giovanni Ungaro: Il y a des entreprises qui s’y prennent bien et d’autres qui s’y prennent moins bien. Aujourd’hui, on voit fleurir un peu partout dans des grands groupes des "speed dating", des opérations de crowdfunding par exemple. Mais finalement est-ce que c'est efficace ? C'est ça la grande question. Aujourd'hui, ce qu’il manque surtout c'est une approche méthodologique. Il ne faut pas uniquement mettre en face un grand groupe et une petite start-up autour d’une table. Il faut leur dire comment travailler ensemble.

Marie-Noéline Viguié: On va trouver différentes formes de collaboration. On va en trouver qui sont de l’ordre de la relation commerciale et de la prestation. Ce qui est une partie importante pour les startups et pour les grands groupes aussi. Cela constitue une source de plusieurs innovations. On va trouver en effet quelques modèles comme les hackathon – assez controversé- "speed dating",etc qui participent à cultiver ou non l’écosystème. Et on trouve de projets de R&D communs via des consortiums par des pôles de compétitivité ou bien des modèles d’investissement avec prise de participation ou Ce qu’on appelle le Capital Venture directement. Chaque modèle a ses avantages et ses inconvénients. Aujourd’hui, je vois la collaboration se traduire beaucoup par le Capital Venture et l’investissement ; ce qui n'est pas forcément la meilleure solution pour les startups aujourd'hui ni forcément pour les grands groupes. Il existe des modes de relation plus intéressants à développer.

Si la collaboration entre grands groupes et startups ne passent pas forcément par une prise de participation même si c'est quand même un peu ce que recherchent les startups, que faut-il approfondir?

Giovanni Ungaro: Il faut aller vers les marchés. C'est-à-dire pour moi les partenariats gagnant gagnant entre une petite entreprise ou une startup et les grands groupes, ce sont ceux qui sont finalement adoubés par les marchés. Autrement dit, il faut privilégier des partenariats qui aboutissent très vite à la commercialisation des solutions innovantes donc qui ne passe pas forcément par des longs processus du Capital Venture, de développement ou des "hackathons". Mais qui finalement propose au marché très rapidement des solutions. C’est très darwinien car finalement plus il y en a de perdantes et plus celles qui restent pourront résister et survivre.

Vous avez des exemples concrets l’un et l’autre?

Giovanni Ungaro: Il y a environ deux ans, Chez Legrand, nous avons été en contact avec une startup qui s’appelle Matooma. Celle-ci a développé une nouvelle solution de connectivité "machines to machines"; c'est-à-dire de connectivité GSM. Le grand problème était la connexion et la couverture réseau sachant qu’aucun opérateur ne peut garantir une couverture réseau à 100% du territoire. Ça n’existe pas. Mais comment faire sachant notre matériel est fixe, il faut bien qu’il soit installé à un endroit précis quelle que soit la zone. Et il faut que cela fonctionne. Comment faire? On a été contacté par cette startup qui nous a proposé une solution vraiment innovante pour nous. C’est-à-dire une carte SIM multi-opérateurs capable de capter le meilleur réseau pour un endroit donné. On a misé sur cette startup. C'est quelque chose que nous ne connaissions pas. Et finalement cela a été primé par les marchés.

Marie-Noéline Viguié: J’aimerais axer sur des exemples de dispositifs. Comme le disait Giovanni Ungaro, c'est une question aussi de méthodologie et de la manière dont les grands groupes vont réussir à travailler avec les startups. On voit émerger aujourd’hui un certain nombre de dispositifs. L’Oréal a mis pendant quelques temps en place un "Wall to Wall" qui consistait à faire venir travailler leurs fournisseurs directement dans l’usine pour partager les compétences et aller plus rapidement sur des éventuelles modifications. En somme, faire plus de sur-mesure.

La Poste a lancé dernièrement un dispositif qui s’appelle "Start'inPost" qui va incuber non pas des startups mais des projets communs avec les start-ups en les hébergeant sur place. Orange pour sa part a lancé un dispositif très court qui reprend des logiques d’accélérateur  fréquents dans les écosystèmes numériques : il s’agit d’Orange Fab France, structure au sein de laquelle vont être sélectionnés pendant environ six mois un certain nombre de projets de startups pour les développer avec eux sur place. Pour les startups, cela permet d’accéder à d’autres marchés et pour le groupe, de mieux comprendre ces innovations et de développer son portefeuille de valeur. Ce sont des dispositifs qui vont répondre aux contraintes de ce type de collaboration start-up grands groupes; à savoir les temps de contractualisation qui sont les problématiques de propriété intellectuelle, le fait de passer la barrière des achats. On a deux mondes qui vivent dans des temporalités complètement différentes et ces dispositifs sont plus agiles et permettent de solutionner, d’accélérer les collaborations.

L’une des difficultés, c'est en effet l’opposition de ces deux cultures radicalement opposées entre les grands groupes avec d’un côté des processus très longs versus des processus bien plus courts pour les startups. Comment réussir justement à fluidifier tout cela?

Giovanni Ungaro: Il est extrêmement important d’être clair sur les propositions des valeurs et donc sur le périmètre des propositions. Et ça c'est extrêmement important puisqu’il y a toujours une suspicion mutuelle : Qui va manger qui? Comment?  Néanmoins qu'est-ce qui est important? En analysant l’offre, il faut pouvoir dire à nos interlocuteurs exactement où se situe notre périmètre de façon à ce que la startup puisse se dire "Quelle est la fonction de la stratégie qui m’a été exposée. Je me projette dans le futur. Je sais que demain je ne peux pas me faire manger mais plutôt on va croître ensemble." Donc la clarté dans les rapports dès le départ est extrêmement importante.

Certains secteurs d’activité ont-ils intérêt à mettre en place très rapidement des passerelles avec des startups pour leur survie?

Marie Noéline Viguié: Honnêtement, à peu près tous aujourd'hui quand on voit un petit peu la façon dont le numérique devient un sujet transversal et qui vient mettre en rupture un certain nombre de modèles économiques dans à peu près tous les marchés. C'est le cas sur la mobilité. C'est le cas sur le transport. C'est le cas dans le luxe. C'est le cas dans la construction avec le BTP. La menace est partout. Et le besoin de transformation des grandes entreprises dans la culture du travail est partout. La recherche d’agilité est nécessaire. Côtoyer ces startups va permettre de réussir à réintégrer et à inoculer une nouvelle culture du travail dans ces grands groupes. Et c'est ça qu’il faut absolument intégrer. Cela résout beaucoup de choses… Cela débloque des processus trop complexes, etc. Par exemple, on ne peut pas payer une startup à 60 jours fin de mois. À moins de deux millions de chiffre d'affaire, il faut faciliter un peu les relations. Il faut apprendre à vivre ensemble et non pas essayer d’imposer à l’autre ses propres règles sinon on ne peut pas coopérer.

La prise de risque doit-elle être partagée? Ou bien est-ce que c'est le grand groupe qui doit avoir à prendre le risque d’aller vers une startup?

Giovanni Ungaro: Lorsqu’un grand groupe conclut un partenariat avec une startup pour commercialiser une solution, c’est déjà une prise de risque en soi. Pourquoi ? Une startup n’est pas forcément l’entité la plus solide au monde. Donc on est sur l’innovation surtout. On est donc sur des champs que le grand groupe ne connaît pas forcément. Donc c'est aussi une des raisons pour lesquelles les grands groupes sont lents dans la décision. Mais les grands groupes ont une responsabilité claire en termes de proposition des nouvelles offres. Ils se doivent d’aller chercher des innovations, faire des partenariats – J’insiste sur les partenariats commerciaux, vraiment extrêmement importants pour aller très vite vers les marchés. Et ensuite c'est les marchés qui décident, vraiment qui arbitrent.

Marie Noéline Viguié: La prise de risque existe aussi côté startup parce qu’elle peut risquer de perdre son propre modèle à trop s’adapter aux besoins des grands groupes. Même si elle est en train de rechercher un modèle. En tout cas c'est ce qui fait son identité. Elle peut perdre sa façon de travailler, son état d’esprit. La collaboration doit être est mutuelle. C'est vrai que c'est intéressant d’aller sur des projets qui visent le marché. Mais l’innovation ça ne se fait pas toujours en deux jours. Et il faut aussi le temps de la chercher et de la trouver.

 

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