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Winter Sleep

Par Picotcamille @PicotCamille

La palme d'or de cette année. Un long film de 3h15 de Nuri Bilge Ceylan. Avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen et Demet Akbäg.

C'est l'histoire de Aydin, un homme de culture, ancien comédien qui gère un hôtel dans les steppes perdues de Turquie. Il y vit avec sa femme Nihal, sa sœur Necla, leur homme à tout faire et sa femme. C'est l'arrivée de l'hiver, la basse saison pour l'hôtel. Et l'ennuie gagne tout le monde.

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Nuri Bilge Ceylan nous emmène dans un huit-clos où l'enfer c'est bien les autres. Le film tiens uniquement sur les relations des personnages entre eux. Il ne se passe rien, dans le sens où il n'y a pas de mystère à résoudre, d'attaques quelconques ou de but à atteindre. Mais durant tout le film se dégage une atmosphère et une tension palpable. C'est sans cesse un bras de fer psychologique entre les personnages. Et a aucun moment on ne peut prendre parti pour l'un ou pour l'autre. Parce qu'on ne connaît pas les antécédents, les raisons. On ne sait rien. Et tout au long on cherche à savoir qui est la victime et le bourreau, mais ils changent sans cesse.

Le film est très beau, disséminant ça et là des plans d'une rare beauté. Traveling s'enfonçant dans la tête du personnage, jeux de miroirs et magnifiques décors. L'esthéthique du film est très homogène, dans le rythme, la musique, la lumière. Tout est un long dimanche ennuyeux sous la pluie.

A la fin du film, durant le générique, le réalisateur cite Tchekhov. Dont on retrouve certaines couleurs. Les joutes verbales où on ne sait pas s'il l'on doit rire ou pleurer, la folie douce. Mais aussi, je trouve, la maladie. Souvent les personnages de Tchekhov sont malades ou avec un léger handicap, un petit truc, dut à l'anxieté. Pendant tout le film, j'ai cru que Aydin était malade et qu'il l'ignorait. Un truc du genre cancer en phase terminal. Mais non. Il y a aussi beaucoup de référence à Shakespeare. Rien que le nom de l'hôtel, "Othello". Mais si Shakespeare est une référence évidente à la culture et au théâtre, je ne pense pas qu'il imprègne le film. J'ai beau essayer de faire des liens entre les personnages et ceux du théâtre, non. Parce que les personnages shakespeariens sont tous plus ou moins habité d'une énergie, soumis à une force plus forte qu'eux. Alors que les habitants de l'hôtel Othello sont incapable de cette folie. Époque oblige, peut-être. Loi du marché et CAC 40, mais Winter Sleep est une œuvre trop poétique pour ça. Vers la fin du film, il y a une discutions entre Nihal et son mari, sur le choix de partir, sur un changement de vie soudain. Ils en sont tous incapables. Préférant l'ennuie et la tristesse au chaud, que l'aventure incertaine. D'ailleurs, il y a dans le film un personnage qui incarne parfaitement cet antagonisme, celui du motard. Il ne sait jamais à l'avance où il va, c'est un symbole de jeunesse. Il est pour le coup plus proche d'un Roméo ou d'un Hamlet, débarrassé de toutes attaches. Alors que tous les autres personnages sont incapables de bouger, de changer. Soit par choix, soit inconsciemment.

Winter Sleep traite de différents sujets, sans jamais en mettre en exergue un seul et lui faire porter tous le poids du film. De toute façon les sujets abordés sont si vastes, qu'un seul mot ne les engloberait pas. A la différence des articles qu'écrit Aydin, les questions abordées dans le film sont toujours comme un brouillard. On comprend l'idée sans pour autant pouvoir la formuler d'une façon juste. Et chaque personne a son ressenti propre et sa façon de formuler. Comme le démontre tout un débat sur l'opposition au mal. Maintes problèmes de l'existence qui sont toutefois bien maîtrisés. Avec énormément de humilité et de second degré. Ce film qui aurait pu être si lourd, deviens d'une délicatesse extrême.

WinterSleep-Affiche

Et c'est ça qui est hallucinant dans ce film. Il ne s'y passe rien en terme d'action mais on est accroché du début à la fin. C'est un genre qu'il faut aimer. Il pourra en horripiler plus d'un. Mais c'est un beau film, digne d'une palme d'or.

Des chouettes critiques avec Abus de Ciné,Le Blog du Cinéma et Ciné Clash.


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