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L’Espagne en séries

Publié le 15 août 2014 par Delromainzika @cabreakingnews

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Alors que je suis actuellement en Espagne, je me suis dit qu’il serait peut-être bien de parler des séries espagnoles. En effet, l’Espagne est devenue depuis plusieurs années un pays assez prolifique en termes de séries. Si en France, la fiction française n’est pas toujours ce que l’on plébiscite le plus (notamment quand on voit les succès de Mentalist, Unforgettable et cie), dans des pays comme l’Espagne c’est la fiction ibérique qui prévaut sur le reste.
L’Espagne et ses fictions
D’un point de vue des fictions, l’Espagne importe énormément de productions étrangères et notamment américaines (55% des fictions sont américaines alors que 25% sont des productions espagnoles, 7% européennes et 13% pour le reste du monde - telenovela latino-américaines, etc.). Bien que les productions espagnoles soient pour beaucoup d’assez bonne facture, peu passent les Pyrénées ou alors seulement dans le but d’en faire des remakes. On se souvient du remake de El Internado par M6 sobrement baptisée L’Internat avec Guillaume Cramoisan dans le rôle du grand directeur. D’autres séries ont été importées ces dernières vers la France. On a notamment pu découvrir Gran Hotel sur M6 (puis reléguée sur Téva), Cuenta Atràs (Compte à Rebours en français, diffusée en pleine nuit par TF1) sans parler de Polseres Vermelles (Les Bracelets Rouges en français, diffusée par la petite nouvelle chaîne de la TNT, Numéro 23). Mais les espagnols sont fans de leurs fictions télévisées. Une étude du CSA réalisée entre 2009 et 2012 a permis de mettre en exergue le fait que la fiction nationale représente environ 87% des meilleures audiences de fictions en Espagne pour 35 programmes (contre seulement 40% en France pour seulement 16 programmes). C’est là que l’on voit que l’on fait figure de mauvais élève et que les espagnols sont beaucoup plus enclins à suivre leurs propres fictions.
José Manuel Lorenzo, producteur espagnol disait en mars dernier que les fictions espagnoles « c’est ce qui est important pour le public et les audiences démontrent que la fiction nationale est excellente ». Mais ce n’est pas tout, afin de démontrer qu’au fond cette fiction peut être riche et productive, il ajoute que « comme tout autre secteur, dans les moments de crise, les producteurs espagnols ont dû réinventer la façon de produire ». C’est à ce moment là que l’on se demande ce que faire encore la France même si depuis quelques années elle tente de rattraper son retard en termes de productions, créant des partenariats à l’international afin de faire des projets de grande envergure (même si ceux-ci ne sont pas toujours les plus réussis). Depuis quelques années, les fictions espagnoles sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus ambitieuses. Elles font de ce fait même parler à l’internationale où des remakes sont parfois produits à droite et à gauche. Mais l’Espagne s’inspire aussi de ce qu’elle peut voir ailleurs dans des pays similaires (notamment européens lorsque Antena3 a lancé Gran Hotel, une sorte de Downton Abbey espagnol se le fonctionnement d’un hôtel luxueux entre employés, mystères et héritiers se déroulant en 1905.
cuenta-atras-04-galeria700x400.jpgLa série a d’ailleurs connu un petit succès permettant la production de trois saisons et 39 épisodes (la saison 3 de 22 épisodes, certainement beaucoup trop longue, a probablement tué la série). Cette année par exemple de nombreuses fictions ont vu le jour, notamment une en co-production avec BBC « The Refugees ». Même si toutes n’ont pas été des succès et / ou réussies, le public en redemande malgré tout. Les fictions espagnoles dépassent généralement les audiences moyennes des chaînes de télévision et permettent d’engranger des bénéfices à réinvestir dans de nouvelles fictions, de nouvelles idées. Certaines fictions espagnoles ne cessent de se retrouver dans les meilleures audiences chaque année, c’est notamment le cas de Cuéntame còmo pasò (2001) qui existe depuis près de 15 saisons et 272 épisodes. Cette série brosse un portrait de l’Espagne des années 60 et 70 dans laquelle un enfant maintenant grand père raconte son enfance de façon tendre et teinté de nostalgie. Cette série plaît depuis tant d’années aux espagnols. Cela pourrait facilement rappeler le succès français de Une Famille Formidable. Malheureusement, aucune chaîne française n’a encore pris le risque de tester cette série.
Contrairement à Aguila Roja (autre série à succès créée en 2009 avec 4 saisons au compteur) renommée L’Aigle Rouge en français (qui avait été diffusée par feu Virgin 17). Cette série d’aventure raconte les histoires d’un justifier anonyme, connu sous le nom d’Aigle Rouge qui vient en aide aux plus faibles. C’est au fond une sorte de resucée de Zorro mais cela fonctionne. Par ailleurs, les espagnols sont très fidèles aux séries et sagas historiques. En effet, entre 2009 et 2012, parmi les meilleurs audiences on retrouve 11 programmes consacrés à des périodes historiques ou bien à l’histoire de l’Espagne. On retrouve donc les succès de Gran Hotel, La Señora, Amar en Tiempos Revueltos ou encore la série familiale que j’ai pu citer plus haut. On n’oublie pas non plus Isabel ou Aguila Roja, deux séries qui se déroulent également dans des périodes passées clés. D’ailleurs, dans le cas de cette dernière, fiction de la chaîne publique TVE1, elle rassemble plus de 6 millions de téléspectateurs et plus de 30% de part d’audience. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il s’agit d’un immense succès pour le pays. A chacune des diffusions, la série est leader (en 2012 la série avait réunie en moyenne 5.8 millions de téléspectateurs).
Cette année, des fictions ont pu surprendre les téléspectateurs espagnoles, entre Velvet, El Principe, Sin Identidad ou encore les téléfilms Ninos Robados et Rescatando a Sara. La diversités des formats, des sujets, permet à la fiction espagnole de démontrer qu’elle ratisse large et qu’elle peut donc aller beaucoup plus loin que les simples fictions historiques qui faisaient ses premiers grands succès. Toutes ces séries tentent de briser les codes de la conception originale de la série espagnole typique qui est souvent basée sur la famille et sur les personnages et intrigues destinées à tous les âges. On a donc des séries qui visent des publics peut-être d’un peu plus nichées.
peli-aguila-roja-05-galeria700x400.jpgLes ventes de séries espagnoles à l’étranger
Cette année marque un vrai changement pour les séries espagnoles. Alors qu’en septembre prochain FOX lancera Red Band Society, adaptation américaine de Polseres Vermelles, et NBC The Mysteries of Laura, adaptation américaine de Los Misterios de Laura, les fictions espagnoles ne s’étaient jamais aussi bien vendues. En effet, le marché audiovisuel est de plus en plus intéressé par les séries espagnoles comme il peut déjà l’être pour d’autres pays. On a donc Gran Hotel qui s’est vendue en Chine, en Russie ou encore en Turquie (pour atteindre 30 pays dans le monde), Il y a aussi le succès de El Tiempo entre Costuras en Italie (leader dans son créneau horaire) et ce ne sont pas les seules séries qui parviennent à sortir des frontières espagnoles. Nous avons par exemple eu droit cette année à Velvet (Antena3) vendue en Italie et en France (achetée par le groupe M6). Cette série devrait donc faire parler d’elle très prochainement dans notre pays. L’Italie est le pays le plus friand de séries espagnoles avec les succès de El Tiempo entre costuras et El Secreto de Puente Viejo (Antena3). Cette dernière a même été leader sur le créneau de diffusion en avril dernier.
Polseres Vermelles est elle aussi l’une des grandes gagnantes des exportations de fiction en Espagne avec l’adaptation américaine (mais aussi péruvienne et mexicaine à venir) mais également une vente en Russie ou encore quelques pays du Moyen Orient. Elle est même un très beau succès en Italie (encore une fois) avec près de 7 millions de téléspectateurs sur RAI1 pour le dernier épisode de la dernière saison en date. Les séries espagnoles voyagent avec succès à l’étranger. Dernièrement, la France a pu lancer Angel o Demonio sur NT1 sous le nom Ange ou Démon. Les espagnols proposent donc deux choses aux pays étrangers. D’un côté l’achat de la série qu’ils pourront par la suite diffuser sur leurs antennes et d’un autre côté son adaptation pure et simple. José Manuel Rey-Cabarcos (Plural Enterteinment) annonçait que les espagnols font en sorte de « faciliter la Bible » de la série afin que chacun des pays qui en achète les droits d’adaptation puisse être libre. De nombreuses concessions sont donc faites mais « la philosophie même du produit n’est pas compromise ». Exporter le format n’est pourtant pas simple, même si cela est gratifiant notamment car avec une idée originale, il y a derrière un besoin de s’adapter à chaque pays et c’est « un travail considérable » pour Geraldine Gonard, responsable de l’exportation des fictions chez Globomedia.
Par ailleurs, parfois il est difficile de vendre leurs fictions simplement à cause de sujets osés qui ne passent pas dans certains pays comme Los Hombres de Paco que l’Espagne ne pourra pas vendre en Turquie simplement à cause d’une relation homosexuelle entre deux femmes. Mais les espagnols sortent aussi des cadres et tentent de faire des fictions osées avec des thèmes universels comme l’homosexualité, l’alcoolisme, la violence conjugale ou même le sexe à proprement parler. Mais si l’étranger est intéressé par les fictions espagnoles, l’Espagne s’intéresse également aux formats étrangers et tentent alors d’en faire une histoire à leur manière. Cette année on a notamment eu El Principe (que je n’ai pas encore eu la chance de découvrir, malheureusement) qui est décrite pour beaucoup comme le Homeland espagnol ou encore Sin Identidad (dont j’ai déjà pu voir les deux premiers et assez bons épisodes) qui est assimilée très souvent à Revenge. C’est bel et bien la preuve que les espagnols piochent aussi dans les tendances étrangères afin de créer des fictions en adéquation avec la demande (certaines séries américaines réalisant de jolis scores sur les antennes des chaînes espagnoles).
polseres-vermelles.jpgAlors que pendant des années le travail des espagnoles en termes de fiction n’étaient pas reconnu par ses pairs, c’est maintenant tout le contraire et la qualité commence enfin à être reconnue par la critique. L’un des premiers succès espagnoles en termes de séries à l’écran c’est Verano Azul (1981). C’est un classique de la télévision espagnole, une production légendaire qui est une des pionnières pour le pays dans la conquête des marchés de télévision étrangers. Cette histoire a été exportée dans des pays comme la France, la Bulgarie, l’Algérie, la Pologne, l’Amérique latine, etc. et c’est devenu un véritable phénomène de masse. D’années en années, les séries espagnoles ont su se forger un vrai caractère et vendre sans problème. Notamment le cas de Cuenta Atràs, cette série policière produite par Globomedia qui a été vendue dans 85 pays dans le monde et qui a même eu droit à une adaptation allemande pour RTL (et qui a connu un vrai succès). C’est bien la preuve qu’au fond les espagnols peuvent devenir de bons exportateurs de séries et que leurs programmes de fiction sont de mieux en mieux reconnus dans le monde entier.


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