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Sensitive skin (2014) : un beau reflet loin d’être fané

Publié le 17 août 2014 par Jfcd @enseriestv

Sensitive skin est une nouvelle série de six épisodes diffusée depuis la mi-juillet sur les ondes de HBO Canada. Le tout commence alors que Davina (Kim Cattrall) et Al Jackson (Don McKellar) viennent d’aménager dans un nouveau condo dans un quartier hipster de Toronto. Le couple dans la cinquantaine est à la croisée des chemins et en pleine introspection alors que chacun d’eux envisagent la vieillesse comme la pire des punitions. Entourés de personnes insupportables, ils sont plus souvent qu’autrement entraînés dans des aventures qui au final les rendent encore plus déprimés. Remake d’une série éponyme diffusée en Angleterre sur BBC Two en 2007, Sensitive skin sort du lot tant pour sa mise en scène (made in Toronto!) que pour l’originalité de ses personnages principaux. Truffée d’allusions au parcours de l’actrice fétiche de Sex & the city, la série nous offre une réflexion intéressante sur ces baby-boomers qui à l’aube de la retraite, sont pour le moins insécures face à l’avenir.

Sensitive skin (2014) : un beau reflet loin d’être fané

Toronto, la ville, le condo

Davina a fait carrière en tant que mannequin et actrice il y a plusieurs années et travaille désormais à temps partiel dans une galerie d’art. Elle accepte mal son corps vieillissant et se rend régulièrement à la pharmacie pour des injections d’hormonothérapie substitutive, malgré les mises en garde du personnel qui lui conseille, non sans ironie, une coupe de cheveux à la place. Le fait est qu’elle est morose sans arrêt et son entourage est loin d’être un grand secours. Son mari Al qui a eu une carrière de journaliste peu édifiante dans des journaux de second ordre quête constamment de l’argent à son épouse en plus d’être hypocondriaque; qu’il craigne être atteint d’un cancer de la gorge, quand ce n’est pas sa crainte de perdre la vue. Leur fils, Orlando (Nicolas Wright), est exécrable au possible. Manifestement mal dans sa peau, il se comporte en enfant gâté et blâme ses parents pour sa stérilité, alors qu’on le voit mal s’occuper d’un enfant; lui-même étant peu mature. Leurs deux « meilleurs » amis, le couple Roger (Colm Feore) et Veronica (Joanna Gleason), sont des êtres antipathiques au possible. Lui médit dès qu’il le peut dans le dos d’Al, elle s’acharne à démolir le peu de confiance de Davina.

Il y a peu d’action dans Sensitive skin puisque la série traite avant tout de lassitude. En revanche, c’est la mise en scène originale qui capte notre attention et impose sa propre signature, à commencer par la nouvelle résidence des Jackson. Alors que la plupart des gens à la retraire songent à s’installer en campagne ou du moins loin des grands centres urbains, le couple fait le contraire puisqu’il délaisse la maison de banlieue pour un quartier du centre-ville de Toronto. Leur première motivation étant sans doute qu’ils souhaitaient être « dans le coup » à nouveau, mais ils se sentent vite dépassé par le tourbillon, surtout Davina. Leur condo n’est qu’une succession de fenêtres sans rideaux donnant sur la ville et la propriétaire a ce sentiment d’être exposée et jugée par tous (elle affirme :« I have no place to hide!») si bien que sa pièce préférée est la salle de bain… mais encore : il y a un miroir qui ne reflète pas ce qu’elle voudrait voir!

Sensitive skin (2014) : un beau reflet loin d’être fané

La série de HBO Canada se démarque aussi du fait qu’elle assume entièrement sa « canadienneté ». Ça fait du bien. En effet, très rarement les séries canadiennes l’avouent qu’elles le sont (on ne nomme pas la ville, noms de rues, etc.) Ici, c’est Toronto avec sa tour du CN, les plaques d’immatriculation et les billets verts de 20 $. C’est surtout son quartier en automne (symbiose avec l’humeur des protagonistes), ses nuages gris et son architecture qui jure entre des petits appartements en décrépitude et de nouveaux condos qui poussent comme des champignons.

Enfin, chaque épisode se sert d’éléments dans lequel évoluent les Jackson pour nous rappeler qu’ils ne sont plus tout jeunes et qu’il y a de quoi déprimer. Une fois, c’est une exposition dans la galerie où travaille Davina où il n’y a que des miroirs sans glaces. Une autre fois, elle visite une exposition sur l’Égypte ancienne et dans son imaginaire, une momie s’adresse à elle, ou encore, ce sont les comédiennes d’une pièce languissante de Tchekhov à laquelle elle assiste qui lui parlent (toujours dans sa tête bien entendu) de la fatalité de l’existence humaine. De tous ces cas émanent tout de même une réflexion sur les aléas de la vie qui avec une pointe d’ironie, nous tient captif devant l’écran.

Kim Cattrall

Sensitive skin (2014) : un beau reflet loin d’être fané
Évidemment, la série ne serait rien sans une vedette du type de Kim Cattrall. Avant même d’avoir regardé les épisodes, on pense à son personnage inoubliable de Samantha Jones, de Sex & the city; cette femme forte et extravertie. Ici, Davina est tout le contraire et on mise sur cette contre-performance, que Cattrall assume avec brio par ailleurs. On s’était servi de la même tactique dans la version de BBC Two alors que c’était Joanna Lumley, la déjantée Patsy de Absolutely Fabulous. Dans Mysterious girls on a procédé de la même façon en réunissant à l’écran Tory Spelling et Jennie Garth, toutes deux connues pour leurs rôles dans Beverly Hills 90210. Sauf que dans ce cas, on avait affaire à des actrices « B » qui se cantonnaient à jouer de pâles copies de ce qu’elles avaient déjà incarnées et par le fait même confirmant leur statut de has been. Dans Sensitive skin, ce rôle va à Cattrall comme un gant, d’autant plus qu’on sait que l’actrice est reconnue pour s’être souvent exprimé concernant le sexisme et l’âgisme qui sont légion à Hollywood. Une belle revanche pour l’actrice de 57 ans.

Il est difficile d’avoir accès aux cotes d’écoute de HBO Canada, donc on ne sait si pour le moment la série connaît beaucoup de succès ou non. Par contre, la série a été largement médiatisée, notamment lors du passage de l’actrice qui a présenté la production au dernier MIPCOM qui s’est déroulé à Cannes en avril dernier. La version britannique ne compte à son actif que deux saisons pour un total de 12 épisodes, mais espérons que la version canadienne ira plus loin au fil du temps et au fil de l’âge!


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