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Singapore Sling

Publié le 28 août 2014 par Olivier Walmacq

singapore sling

Genre: inclassable, trash, érotique (interdit aux - 16 ans)
Année: 1990
Durée: 1h54

L'histoire: Un inconnu est à la recherche de Laura, son amour perdu. Blessé, il arrive un soir d'orage à proximité d'une grande bâtisse où il voit deux femmes à demi nues en train d'enterrer un corps dans le jardin. Alors qu'il arrive sur le pas de leur porte, il perd connaissance. Les deux femmes l'attachent alors sur un lit et très vite, en font un objet de plaisir entre leurs mains. Mais les fantasmes vont rapidement céder la place à la folie et à la mort.

La critique d'Inthemoodforgore:

Nikos Nikolaïdis: "En tournant Singapore Sling, j'avais l'impression de faire une comédie qui comprendrait quelques éléments de la tragédie grecque antique. Plus tard, quand certaines critiques ont dit du film qu'il était l'un des plus dérangeants de l'histoire du cinéma, j'ai commencé à croire que je devenais fou. Puis, quand les censeurs ont interdit le film en Grande Bretagne, j'ai réalisé qu'après tout, nous devions tous l'être un peu". Voilà, le réalisateur lui même a planté le décor.
Alors attention, avis d'atterrissage d'un très gros ovni sur le blog, j'ai nommé Singapore Sling. Absolument inclassable, cette oeuvre unique se révèle être incroyablement fascinante et ce, malgré un scénario assez basique. Rarement un film m'aura autant envoûté.


Car Singapore Sling, c'est avant tout une atmosphère. Une ambiance onirique sur lignée par une photographie en noir et blanc d'une beauté à couper le souffle. Du vrai papier glacé. Sur une musique de vieux polar, d'entrée, le contexte se veut oppressant et malsain. On sent dès le début du film que l'on va assister à quelque chose qui sort de l'ordinaire et sur ce point, on ne va pas être déçu... A travers un huis clos suffocant, Nikolaïdis nous entraîne dans un terrible voyage au plus profond des méandres de la sensualité obscène et d'une incroyable perversion. 

La distribution est réduite au strict minimum et ne comprend que trois interprètes: le grec Tanos Thanassoulis, l'anglaise Meredith Herold et la (très troublante) française Michèle Valley. Attention spoilers: Par une nuit d'orage, un homme blessé par balle arrive aux abords d'une villa. En voix off, il nous explique qu'il est à la recherche de Laura, l'amour de sa vie.

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Bien qu'il se doute qu'elle soit morte, une force irrépressible le pousse à continuer son enquête. C'est alors qu'il aperçoit dans le jardin, deux femmes à moitié dénudées en train de creuser un trou pour y mettre un cadavre. Parvenu difficilement sur le pas de la porte, il perd aussitôt connaissance. Les femmes (qui sont mère et fille en l'occurrence) l'allongent et en fouillant ses poches, trouvent un calepin dans lequel est notée la recette du singapore sling, un cocktail autrefois consommé en Asie du Sud Est. De ce fait, elles baptisent l'inconnu de ce nom un peu particulier.
Mais au lieu de le secourir et de le soigner, la mère et sa fille, dont la folie n'a d'égal que l'impudicité, attachent l'homme sur un lit. Dès lors, il va devenir la proie sans défense de leurs fantasmes érotiques. Car le malheureux est à mille lieux de se douter qu'il vient de tomber sous les griffes de véritables mantes religieuses aux pratiques sexuelles sadiques et dépravées. Et pour lui, le programme des festivités va être plutôt gratiné: urophilie forcée, vomissements faciaux, électrodes qui le transforme en gigantesque vibromasseur naturel etc.

Sans avoir un instant d'empathie à l'égard de leur captif, et alors que le pauvre homme n'a rien mangé depuis des lustres, les deux femmes festoient devant lui jusqu'à ce que le repas ne devienne qu'une orgie de régurgitations. Pourtant, peu à peu, la fille s'identifiant à Laura, dispute à sa mère les faveurs de Singapore Sling. Pour mieux assouvir leurs désirs, elles commencent à lui laisser plus de liberté et l'utiliseront au cours de triolismes sulfureux. Mais c'est alors que débutera une irrémédiable descente aux enfers ou chacun des protagonistes sera emporté par une folie sans issue.
Singapore Sling ne peut se comparer à aucun autre film. Doté d'un esthétisme à tomber par terre, cette oeuvre d'art est une véritable merveille. Quant aux audaces cinématographiques de Nikos Nikolaïdis, elles ont de quoi déstabiliser le spectateur le plus aguerri.

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Passant des scènes absurdes aux plus provocantes en un clin d'oeil, jouant d'une ambiance de polar à des situations trashs sans la moindre transition, passant d'un air jazzy de Glenn Miller à l'envolée d'un piano signée Rachmaninov, le cinéaste grec cherche constamment à brouiller les pistes et à provoquer le malaise. Idem quand les acteurs s'expriment. L'homme n'ouvre jamais la bouche et narre son récit en grec; la fille parle en anglais et la mère jongle sans cesse entre l'anglais et le français, traduisant souvent les paroles qu'elle vient juste de prononcer.
Il n'est pas rare également qu'elle s'adresse à la caméra dans des poses lascives, prenant à témoin le spectateur. L'interprétation est, du reste remarquable et si Tanos Thanassoulis subit plus qu'il ne joue, la performance hallucinée des deux actrices est tout bonnement exceptionnelle. 


A mi-chemin entre la fantasmagorie des frères Quay et la magie de Guy Maddin, Singapore Sling s'impose immédiatement comme une oeuvre culte pour les amateurs d'un cinéma (très) différent. A la fois beau et cruel, le film de Nikolaïdis n'est certainement pas à mettre entre toutes les mains. De ce fait, l'interdiction aux moins de 16 ans est très largement justifiée. En effet, le film est souvent ponctué de scènes de lesbianisme, de sadomasochisme, d'inceste ou encore de caresses très intimes, prodiguées avec de la nourriture. 
Flirtant allègrement avec le surréalisme, d'une poésie aussi crue qu'elle est raffinée, Singapore Sling ressemble à un rêve macabre où le réel et l'imaginaire s'entremêleraient magnifiquement; un délicieux cauchemar où les plaisirs charnels sont amenés à leur paroxysme pour réduire les personnages à l'état d'esclaves jusqu'à un point de non retour.
Il est évident que ce film risque de choquer les âmes prudes mais pour les autres, préparez vous à un très grand moment de cinéma. Singapore Sling va vous scotcher, vous heurter, vous révolter peut-être, mais il va vous emporter dans un tourbillon de sensualité que vous ne serez pas prêt d'oublier. Bref, en un seul mot: MAGISTRAL.


Note: 18/20


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