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Le « vrai islam » sur Internet (2/2) : des musulmans bisounours

Publié le 03 septembre 2014 par Gonzo

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Avec la guerre (presque) officiellement lancée contre l’Etat islamique, on peut imaginer que de belles perspectives s’ouvrent désormais à ceux et celles qui sauront vendre une image positive de l’islam, capable de détourner les plus faibles des croyants des mauvaises influences. Compte tenu du succès remporté sur les réseaux sociaux par les vidéos gore des serial killers de Daesh, sans aucun doute, il y a du pain sur la planche.

Au vu de la production disponible, on peut dire que la bataille n’est pas gagnée ! J’avais signalé dans un billet écrit en mai dernier la diffusion, sur Internet, d’un court-métrage d’une quinzaine de minutes du Saoudien Abdul-Rahman Ayeel. Une commande, à l’évidence, qui ambitionnait de prévenir la jeunesse saoudienne contre les pièges mortels de l’engagement auprès des extrémistes de Daesh. Près de quatre mois plus tard et en dépit des relais médiatiques, le compteur de YouTube n’atteint toujours pas les 150 000 visionnages : une misère ! On l’a vu la semaine dernière : les propositions de l’Etat islamique, c’est un fait incontournable même s’il est difficilement quantifiable, suscitent un vrai courant d’adhésion auprès de certaines fractions de la jeunesse musulmane, et ce n’est pas ce type de message qui suffira à lui faire changer les idées.

Mais il y a pire encore. Depuis ramadan 2011, un « groupe » de personnes qu’on imagine musulmanes (on n’en sait pas plus sur leur identité) s’est donné pour mission de combattre le radicalisme. Avec des moyens qui ne sont tout de même pas ridicules, le site Ummati.me (le suffixe « me » correspond au Montenegro mais les adresses sont gérées par une société privée) propose une série de messages pour tenter de calmer les fureurs qui travaillent la nation musulmane. Le cœur plein de bonnes intentions (9loub bayda en arabe), Ummati propose à la majorité silencieuse des musulmans modérés de s’unir contre le terrorisme.

Les couleurs sont douces, la mise en page aérée avec quelques phrases tirées des meilleurs auteurs (musulmans ou non) et des vidéos aussi belles que des films publicitaires ; le jingle slogan n’est pas mal trouvé : « C’est moi le/la musulman/e » (ana huwa al-muslim/a). Une phrase déclinée en toutes sortes de versions, selon les meilleures règles du marketing : « Je crois en l’humanisme, c’est moi le musulman. J’apprends à mes enfants que la terre se nourrit de sueur, pas de sang, c’est moi…, Je m’exprime en toute liberté, je fais le jihad pour la vie, pas pour la mort, c’est moi, etc. »

Les femmes ne sont pas oubliées naturellement, bien au contraire. Le message est unique mais les pays et les accents varient (pas grand’chose pour le Maghreb tout de même). On veille à montrer la religion dans sa diversité, toutes écoles et tendances (furieusement adversaires aujourd’hui) confondues. Les spots se suivent et se ressemblent, qui assènent touts le même message (traduction après la vidéo) :

Caméra subjective qui révèle une banlieue pauvre en épousant le regard de celui qui sera le personnage central (l’homme du Golfe qui distribue les bienfaits). Des enfants se précipitent sur une voiture – camp pauvre, groupe majoritairement composé de femmes (les têtes sont couvertes) et d’enfants, en plus du personnage central en blanc (dashdasha d’un pays du Golfe). Il distribue des pains (libanais). En voix off : Je fais le jihad pour la vie, pas la mort, c’est moi le musulman.
(11′) Un imam (chiite, accent irakien), architecture de type persan : J’enseigne que la religion est ouverture et pas monopole individuel. C’est moi le musulman.
(19′) Enseignante dans une classe (accent tunisien ?) : J’encourage la liberté de pensée, pas le takfir (l’exécration des mécréants), c’est moi le musulman.
(26′) Quartier ancien pauvre, l’accent pourrait être syrien, enfants qui jouent, cheikh clairement sunnite, travelling jusqu’à jeune guitariste au milieu d’enfants (La musique devient de plus en plus présente)  : Je sais que la diversité enrichit… [Suite du message inaudible.]
Slogan : Je fais front à l’extrémisme, c’est moi le musulman.
Second slogan : Une oumma montante (le nom de la campagne) désavoue l’extrémisme.

Le califat islamique, ce n’est pas le pays des bisounours ! Pour réduire l’attraction de l’extrémisme, il faudra autre chose que des belles images. S’attaquer à ce qui l’a nourri pendant des années par exemple…


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