Magazine Cinéma

Carrie au bal du diable - 8/10

Par Aelezig

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Un film de Brian De Palma (1976 - USA) avec Sissy Spacek, Piper Laurie, Betty Buckley, Amy Irving, William Katt, Nancy Allen, John Travolta

Spectaculaire adaptation du roman de Stephen King.

L'histoire : Classe de Terminale. La jeune Carrie White est le souffre-douleur de ses camarades. Timide, élevée très strictement par sa mère, une chrétienne intégriste obsédée par le péché de chair et un peu cinglée, c'est sous la douche après le sport qu'elle fait l'expérience de ses premières règles, sous les ricanements et les quolibets des autres, alors qu'elle est terrifiée par cet écoulement de sang dont on ne lui avait jamais parlé... La prof d'éducation physique vient à son secours et les autres filles sont vertement punies pour leur attitude : une heure de sport en plus tous les jours pendant une semaine, ou bien elles seront renvoyées et seront privées du bal de fin d'année. Elles concoctent alors leur petite vengeance. Un des petits copains se dévoue pour accompagner Carrie à ce fameux bal. Pour la jeune fille, c'est juste incroyable d'être invitée et elle se prépare, avec les bons conseils de la prof de gym, tenant farouchement tête à sa mère qui lui défend de sortir...

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Mon avis : Ah ah ah, en voilà un De Palma qu'il est bon ! Une très belle adaptation d'un des plus célèbres (et meilleurs) romans du maître de l'horreur, Stephen King. Même s'il prend quelques libertés avec le livre, la mise en scène de De Palma, innovante, est remarquable et nous tient dans son charme tour à tour ensorcelant ou diabolique du début à la fin.

Quelques "extraits" de choix (attention ça spoile un peu... mais qui ne connaît pas l'histoire de Carrie ?) :

La scène du slow : Carrie danse pour la première fois de sa vie. Un slow avec Tommy. Tonalités de rose et de bleu, des étoiles qui brillent, des paillettes. C'est le rêve d'une petite fille qui se réalise : une belle robe, des fleurs et un prince charmant. Le moment est magique, Sissy Spacek est totalement adorable, et ce moment de grâce est accentué par des ralentis et par un étourdissant plan séquence du couple qui tourne sur lui-même en dansant...

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La scène du podium : Elle est d'une cruauté inouïe. Tommy et Carrie viennent d'être désignés Roi et Reine du bal. Ils doivent monter sur la scène pour recevoir leurs couronnes et les applaudissements de tous. Le visage de Carrie est inondé de bonheur. Tandis qu'on voit les larmes de joie qui brillent au bord de ses yeux, on suit également en coulisses le piège qui se prépare. La séquence est très longue, et alterne tour à tour les deux composantes qui la construisent. La tension est terrible.

La vengeance : Cette fois, Brian De Palma utilise des split screens qui nous montre les deux aspects de l'horreur qui déferle ; d'un côté le visage de Carrie, ensanglanté, et ses yeux clairs écarquillés par la haine et dix-huit ans de frustration ; de l'autre les portes qui se referment sur les jeunes pour qu'ils ne s'échappent pas, l'eau qui fuse des lances à incendie de secours, les plaquant au sol, l'électricité qui mêlée à l'eau électrocute les participants et met le feu partout dans la salle... C'est magnétique.

Il y a cependant aussi quelques maladresses ; mais c'est peut-être subjectif, juste mon goût à moi. La première scène, par exemple, est assez bizarre : sensuelle, voire érotique (les filles sous la douche et Carrie qui se savonne voluptueusement). Forcément, c'est De Palma, mais cela ne s'intègre pas vraiment avec l'histoire de Carrie. Vu comment elle a été élevée, et même si elle aspire à être normale et à faire vivre ce corps que sa mère lui interdit d'aimer, de là à se masser langoureusement le visage, les seins et les cuisses... y a qu'un homme pour avoir imaginé une scène pareille ! Idem pour la dernière, pas du tout dans le même registre, mais incongrue par rapport au roman, un peu facile et assez kitsch.

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Par ailleurs, dans le roman King insiste bien davantage sur l'étrangeté de Carrie, de sa mère, et surtout de la télékinésie, ce don "paranormal" que Carrie porte en elle et qu'elle apprivoise petit à petit. Dans le film, il est à peine évoqué, et ne sera que l'instrument de la vengeance finale. Toute cette partie "fantastique" (ou pseudo-scientifique) est quasiment passée sous silence. D'ailleurs, on passe trop rapidement de la scène de la douche... à celle du bal, qui prend quasiment toute la place. Brian De Palma semble davantage intéressé par la vengeance de Carrie, horrifique, que par la personnalité de la jeune fille.

Il n'empêche que c'est vachement bien quand même ! Pour moi, c'est un des meilleurs De Palma, un cinéaste assez inégal. Pour une fois, il utilise ici ses ficelles très personnelles avec une grande maîtrise et un regard ému sur la douleur de Carrie.

C'est un film que je n'avais pas revu depuis longtemps, mais malgré ses quelques défauts, il m'a scotchée à mon canapé comme autrefois. Sissy Spacek est absolument fabuleuse dans ce rôle en trois parties : la jeune fille hyper timide, souffre-douleur de sa classe, qui se cache sous ses longs cheveux et ses vêtements stricts ; la merveilleuse princesse du bal, radieuse, ravissante, remplie de bonheur ; la démone pleine de sang, le regard exorbité. Un film à voir et à revoir. Un livre à lire et à relire. Carrie est l'une des héroïnes les plus incroyables et fascinantes jamais créées. Une Cendrillon gothique. Un personnage extrêmement riche, qui nous parle de l'adolescence, de la religion, de paranormal, de rites initiatiques, de lynchage, de sexe, de maternité, de respect de l'autre, de trahison, de manipulation, de pouvoir...

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Un remake a été fait avec Chloë Moretz. Il a été démoli par la critique, mais je serais curieuse de le voir.

Anecdotes : 1. Il me semble bien que ce sont les même tsing tsing tsing suraigus des Scream que l'on entend plusieurs fois... 2. Très marrant de voir John Travolta, tout jeune !


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