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Comment est apprécié l’intérêt à agir des concurrents contre un permis de construire délivré pour la création d'une surface commerciale?

Publié le 10 septembre 2014 par Pierresurjous @p_surjous

Fotolia_65550484_S.jpgLes juridictions administratives ne reconnaissent l’intérêt à agir de sociétés commerciales, contre un projet d’aménagement commercial de l’un de leurs concurrents, situé à proximité de leurs implantations, uniquement, si elles démontrent que les caractéristiques particulières de ce projet urbanistique sont de nature à affecter par elles-mêmes leurs conditions d’exploitation CE 11 juin 2014, Société Devarocle, n°360135).


I. Une atteinte nécessaire aux conditions d’exploitation d’un établissement commercial

Les juridictions administratives ne reconnaissent l’intérêt à agir de sociétés commerciales, contre un projet d’aménagement commercial de l’un de leurs concurrents, situé à proximité de leurs implantations, uniquement, si elles démontrent que les caractéristiques particulières de ce projet urbanistique sont de nature à affecter par elles-mêmes leurs conditions d’exploitation (CE, 22 février 2002, Société France Quick SA, n°216088 ; CE 11 juin 2014, Société Devarocle, n°360135).

« Considérant qu'en dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d'exploitation d'un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d'un intérêt à contester devant le juge de l'excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité »

Afin de préserver la recevabilité des recours dirigés contre un permis de construire, il importe donc pour une société voisine du terrain d’assiette d’un projet d’aménagement commercial, de démontrer, dans son recours tendant à l’annulation de la décision accordant permis de construire, que la construction autorisée serait de nature à affecter ses conditions d’exploitation.  

Il peut notamment être allégué une dégradation des conditions de circulation aux abords de l’exploitation, ou bien encore, être soutenu que la future construction aurait des effets néfastes sur l’évacuation des clients en cas de danger (CE, 13 novembre 2013, Eurl les Magnolias, n°361350).

 Une seconde stratégie consiste à invoquer non seulement la qualité d’exploitant de la société commerciale mais également la qualité de propriétaire ou de locataire du terrain voisin dont l’intérêt à agir est apprécié plus favorablement (CE, 6 juillet 2011,SA AUCH HYPER DISTRIBUTION,  n°344791 ; CAA Nantes, 14 juin 2013, EARL Ferme du domaine, 12NT01321).

II. Indifférence d’une saisine préalable de la commission nationale d’aménagement commercial

Dans un arrêt en date du 11 juin 2014, le Conseil d’Etat vient de préciser, que la faculté pour un conseil municipal de saisir la commission départementale d’aménagement commercial, pour avis, sur une demande de permis de construire, était sans incidence sur les conditions dans lesquelles devait être apprécié l'intérêt à agir d'une entreprise contre le permis de construire délivré à une entreprise concurrente.

«Qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la faculté prévue par la loi de consulter la commission compétente en matière d'urbanisme commercial est sans incidence sur les conditions dans lesquelles doit être apprécié l'intérêt à agir d'une entreprise contre le permis de construire délivré à une entreprise concurrente ;» 

Dans cette affaire, la requérante, qui entendait contester un permis de construire accordé à l’un de ses concurrents à proximité de son exploitation, se prévalait des dispositions de l'article L. 752-4 du Code de commerce alors applicable.

Ces dispositions prévoient dans les communes de moins de 20 000 habitants, et dans l'hypothèse d'une demande de permis de construire d’un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1000 m², la faculté pour le conseil municipal, de saisir, la commission départementale d'aménagement commercial pour avis sur les projets.

L'avis négatif de cette commission émis au regard des critères de délivrance des autorisations d'exploitation commerciale, interdit la délivrance du permis de construire sollicité.

La société requérante en déduisait, que dans l’hypothèse inverse dans laquelle la commission rendait un avis favorable sur le projet, le permis était nécessairement délivré sur la base des règles d'urbanisme commercial, supposées respectées.

En conséquence, la requérante soutenait que la consultation de la commission amenée à statuer sur la conformité du permis de construire aux regard de règles d’urbanisme commercial, l’autorisait à se prévaloir de ces règles d’urbanisme commercial à l’encontre d’un permis de construire, et en particulier d’un intérêt commercial à agir contre ce permis de construire.

Le Conseil d’Etat rejette l’argumentation présentée par la société, en relevant que pour les projets inférieurs à une surface de vente de 1000 m2, la consultation facultative de la commission départementale d’aménagement commercial ne conférait pas à la décision relative au permis de construire le caractère d'un acte relevant de la législation de l'urbanisme commercial.

Les juges du Palais Royal en déduisent que la faculté prévue par la loi de consulter la commission compétente en matière d’urbanisme commercial est sans incidence sur les conditions dans lesquelles doit être apprécié l’intérêt à agir d’une entreprise contre le permis de construire délivré à une entreprise concurrente, quel que soit le sens de l’avis de la commission consultée à titre facultatif.

La Haute juridiction relève en effet d’une part que si un avis défavorable de la commission empêche la délivrance du permis de construire demandé, cette décision ne porte atteinte qu’aux droits du pétitionnaire et ne fait pas grief aux tiers qui n’ont pas intérêt à contester cet avis défavorable.

Et d’autre part, qu’un avis favorable de la commission ne lie pas l’autorité compétente en matière d’urbanisme, qui statue sur la demande de permis de construire dont elle est saisie au regard des seules règles d’urbanisme général.


(Conseil d'État, 11 juin 2014, Société DEVAROCLE, n°360135)


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