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Un amoureux rusé !

Publié le 14 septembre 2014 par Dubruel

d'après MADAME PARISSE de Maupassant

Une femme d’environ cinquante ans

Marchait devant nous d’un pas grave et lent,

Elle restait fort belle,

Un peu maigre mais belle.

Mon voisin, M. Parodi

Me dit :

-« C’est Mme Parisse, d’Antibes, vous savez ? »

-« Non. » -« La fille aînée des Doucet !

Elle épousa, un an avant la guerre,

M. Parisse, un petit fonctionnaire.

Elle était alors aussi sportive et gaie

Qu’elle est devenue triste et fatiguée.

Après la guerre, la ville n’a plus compté

Qu’un seul bataillon, commandé

Par un jeune officier,

M. Jean de Carlier.

Il rencontra Mme Parisse un soir d’été

Alors qu’il venait ici respirer l’air frais.

L’image de Mme Parisse,

Une Méridionale

Aux cheveux noirs et lisses,

Aux prunelles brunes, au teint pâle

Resta flottante dans les yeux de l’officier.

Les jours suivants, quand il la croisait,

Il lui souriait

Et la saluait,

Imaginant qu’il la connaissait.

Elle, surprise, s’inclinait,

Tout juste ce qu’il fallait

Pour ne pas être impolie.

Puis vint le prétexte d’une causerie.

Mais il voulait aller plus loin, le commandant.

Il la pressa de se rendre à son désir violent.

Elle résistait

Et semblait résolue à ne point céder.

Un soir pourtant, elle lui dit :

-« Mon mari est à Paris

Pour quelques jours.

Venez chez moi à vingt-deux heures. »

Mais, à dix-neuf heures,

Mme Parisse recevait ce télégramme :

’’ Ma chère femme,

Affaires terminées.

Je rentre par le train de neuf heures.

Je t’embrasse. À tout à l’heure.’’

Elle prévint aussitôt le commandant

De ce fâcheux contretemps.

Mais lui, il la voulait.

Il l’aurait.

Il lui fit porter ce pli :

’’ Ma chère amie,

Ton mari ne rentrera pas ce soir, et moi

Je serai à dix heures chez toi,

Comme convenu. Ne crains rien.

J’en réponds sur mon honneur d’officier.

À ce soir donc, si tu veux bien.

Jean de Carlier.’’

Il convoqua le capitaine Grémile :

-« Cette nuit, fais garder les portes de la ville

De façon à ce que personne,

Tu entends, personne

N’y entre avant demain six heures du matin. »

Quand M. Parisse descendit du train,

Sa valise à la main,

Trois soldats le firent entrer

Dans le salon des voyageurs :

-« Exercice militaire. Il est interdit

À quiconque de se déplacer.

Vous pourrez vous reposer ici. »

Le lendemain, peu avant six heures,

Carlier arrivait à la gare, saluait

M. Parisse, s’excusait de lui avoir fait passer

Une mauvaise nuit

Et l’autorisait à rentrer chez lui :

-« Vous comprenez, j’ai dû exécuter

Les ordres de ma hiérarchie, et strictement. »

En ville, les esprits s’affolaient.

On parla d’un débarquement allemand.

On évoqua une infiltration

D’espions Italiens.

On imagina un complot iranien,

Une conspiration, une révolution…

On devina la vérité bien après

Lorsqu’on apprit que Carlier

Avait été dégradé, muté en Algérie

Et sévèrement puni.


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