Chroniques de l’ordinaire bordelais – Episode 116

Arrêt 48

Nous avons définitivement renoncé à l’audioguide.

Il pleut tant pendant notre visite de Bruxelles que je suggère d’aller boire une bière. Nous nous précipitons vers le bar le plus proche dans la rue haute, quartier de Marolles. Une nuée de femmes aux cheveux blond platine s’abat sur notre greeter[1] comme des mouches sur un pot de miel. Harcelés par la pluie et incapables de lire la situation dans l’instant, nous nous engouffrons dans le troquet.  Des pulls informes moulent leurs corps fatigués. Des formules comme « mon mignon ! » accompagnent leurs regards gourmands. Il a un rire embarrassé, par la situation, notre présence et sa « mission », le lieu. A l’intérieur, sont attablés des clones de Popeye vieillissants. Lui, avec son imperméable impeccable, son pull Lacoste orange et son foulard assorti semble totalement décalé. Nous nous installons à une table, les « groupies » à celle d’à côté. Au dessus du bar, des photos de Marylin Monroe l’érigent en modèle ambitieux et très distant au final. Serait-elle encore une icône aujourd’hui si elle n’était pas partie si jeune ?

Le patron se distingue par sa houppe de Tintin, lui aussi proche de la retraite. La bière est fameuse et face à notre décontraction, notre greeter se détend pour rire de bon cœur. Nous le félicitons puisque nous avions demandé une visite insolite. Suggérons même d’inscrire L’arrêt 48 dans les étapes incontournables de son circuit. Il hésite franchement !

Nous terminons la visite de 4 heures devant ce qui fut son lieu de travail, pour la première fois de notre vie nous avons fréquenté un banquier gestionnaire de grandes fortunes et savourons presque de l’avoir fait travailler gratuitement !

Colette Milhé

[1] Un greeter est l’habitant d’une ville qui en propose gratuitement la visite.