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Charlotte, David Fœnkinos

Par Mango

charlotte david foenkinos

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Avant même de commencer à évoquer la vie de son héroïne, l’auteur sent le besoin de donner quelques précisions :

Ce roman s’inspire de la vie de Charlotte Salomon.Une peintre allemande assassinée à vingt-six ans, alors qu’elle était enceinte.Ma principale source est son œuvre autobiographique: Vie? ou Théâtre?  Charlotte a appris à lire son prénom sur une tombe. Sa vie a été une succession de drames.

Tout d’abord, ce sont les suicides des femmes de sa famille, et tout d’abord celui de  l’autre Charlotte, sa  jeune tante, qui se jette d’un pont,  à dix-huit ans, un soir froid de novembre.

Charlotte comprend tôt que les morts font partie de sa vie.

Sa mère, Franziska, épouse d’ un chirurgien allemand pendant la première guerre, appelle sa fille du nom de sa sœur qu’elle n’oubliera jamais . Elles vont souvent se recueillir sur sa tombe mais la mère cache la vérité à sa fille  en ne parlant que d’un accident.

Tel est le premier arrangement avec la réalité.Le début du théâtre.

Franziska chante magnifiquement . Elle affectionne tout particulièrement les chants chrétiens mais s’enfonce à son tour dans la dépression et après une première tentative des  suicide dont la sauve son mari,  elle rejoint ses parents laissant seule sa fille à laquelle elle ne parlera plus jamais. Charlotte n’existe plus.  Peu après sa mère se défenestre  par la fenêtre de sa chambre.  On dit à sa fille qu’elle est morte de maladie. Charlotte l’imagine comme un ange qui la protège et elle se met à dessiner. Elle reste chez ses grands parents, élevée par des nounous et devient sauvage. Son père se remarie avec Paula, une cantatrice célèbre. La famille s’installe à Berlin. Paula reçoit beaucoup. Dans son salon passent Einstein,  Mendelsohn,  Schweitzer.

On joue du piano, on boit, on chante, on danse, on invente.
La vie n’a jamais paru aussi intense.

Charlotte a seize ans  et mène une scolarité brillante mais , en janvier 1933, la haine accède au pouvoir. La nuit de Cristal de 1938 approche. Les grands parents s’exilent dans une maison du sud de la France . Charlotte reste à Berlin avec son père qui lui fait donner des cours de dessin

Elle aime Van Gogh, Chagall, Nolde, Munch, Kokoschka, Beckmann. Plus rien ne compte que la peinture. Elle entre à l’Académie des Beaux-Arts . Elle gagne le premier Prix mais ne pourra pas le recevoir à cause de ses origines juives. C’est alors qu’un événement majeur se produit dans sa vie. Elle devient amoureuse d’un homme, Albert, un miraculé de la première guerre. Ils communient dans l’amour de la musique . Il l’encourage à chanter. Il écrit et elle illustre son livre de ses dessins.

Cependant l’Histoire les rattrape et ils doivent se séparer, Charlotte doit fuir  pour rejoindre ses parents  en France. La tragédie s’accentue et là-bas Charlotte se marie à un émigré autrichien  et c’est enceinte qu’elle meurt à Auschwitz en 1943.  Entre temps, elle a peint sans arrêt. Les dernières paroles d’Albert ont été bénéfiques:

Puisses-tu ne jamais oublier que je crois en toi.

A cette phrase  répond celle de Charlotte lorsqu’elle confiera  ses dessins à un docteur ami et à l’Américaine qui l’a accueillie chez elle:

C’est toute ma vie. Ça vaut de l’or. 

Je l’avoue, j’ai été extrêmement séduite par ce roman  malgré ou peut-être à cause de sa présentation en vers libres  C’était la meilleure façon d’évoquer une histoire aussi tragique.  Comme l’auteur, étant donné le tragique de cette vie, j’ai ressenti le besoin d’une respiration plus ample grâce à ces retours à la ligne  qui donnent encore plus de souffle et de force à la composition. 

Je n’ai pas beaucoup aimé "La délicatesse" mais ce roman-ci m’a éblouie. L’auteur intervient souvent pour indiquer les démarches qu’il a dû faire pour se documenter. Il n’hésite pas à évoquer par quels sentiments il est passé tour à tour dans cette quête de la vérité.  

Pendant des années,  j’ai pris des notes.

J’ai parcouru son œuvre sans cesse.

J’ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans.

J’ai tenté d’écrire ce livre tant de fois. 

Mais comment?

Devais-je être présent? 

Devais-je romancer son histoire?

 Quelle forme mon obsession devait-elle prendre?

Je commençais, j’essayais,puis j’abandonnais.

Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite.

Je me sentais à l’arrête à chaque point.

Impossible d’avancer.

C’était une obsession physique, une oppression.

J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer.

Alors j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi.

Avec ce livre, qui j’espère recevra un Prix, c’est aussi une grande artiste que j’ai découverte . J’en ai aimé les tableaux qu’ on peut voir  au Musée juif d’Amsterdam. 

Charlott , David Foenkinos, roman (Gallimard, 224 pages, août 2014)


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