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Mardi 15 septembre 1914, la situation n'est pas plus tenable aujourd'hui qu'hier

Par Cantabile @reimsavant

Gaston Dorigny

Le réveil s’effectue une fois encore au son du canon, la situation n’est pas plus tenable aujourd’hui qu’hier. Nous sommes encore une fois obligés d’évacuer, le feu des forts de Brimont et de Witry, toujours aux mains des Allemands qui convergent sur Bétheny l’aviation et le dépôt des chemins de fer. Le canon tonne encore toute la journée Nous avons de nombreux blessés et ne parvenons pas à progresser. Les artilleurs se plaignent du manque de grosses pièces. Vers le soir la situation est toujours inchangée. On amène alors de la grosse artillerie et on établit des barricades dans le faubourg Cérès.

On verra demain ce qu’on pourra faire enfin. A noter encore beaucoup d’habitants victimes des obus.

Gaston Dorigny
Mardi 15 septembre 1914, la situation n'est pas plus tenable aujourd'hui qu'hier

Paul Hess

A 5 h nous sommes réveillés par le canon.

Vers 8 h 1/2, je pars pour effectuer mon tour de promenade journalier et, ainsi que j'en ai l'habitude, je me dirige du côté du Champ de grève. Près de la maison Esteva, à gauche, en contrebas de l'avenue de la Suippe, sont installées deux batteries de 75, qui ont tiré hier, une partie de la journée. Ce matin, les canonniers se détendent en faisant une partie de football devant leurs pièces, et j'ai plaisir à voir l'ardeur et l'insouciance avec laquelle les deux camps mènent le jeu. De l'autre côté, à proximité de la rue de Sillery, un régiment d'infanterie est en réserve. Que se passe-t-il derrière les quartiers Louvois et Jeanne d'Arc ?

A mon retour, je m'arrête un instant pour regarder cuisiner, sur les roulantes groupées place Belle-Tour, d'autres soldats de l'artillerie. Un groupe stationne là, tout le long des boulevards de la Paix, Gerbert et Victor-Hugo, avec son matériel.

- La matinée s'étant passée sans bombardement, il me semble au début de l'après-midi, que je puis recommencer, accompagné de mes fils Jean et Lucien, la tournée faite en un endroit qui me paraît intéressant à connaître actuellement. Après avoir suivi le boulevard Gerbert, nous nous engageons dans la rue Lagrive, accédant aux Coutures, tandis que se font entendre quelques détonations auxquelles je ne prête pas autrement attention, lorsqu'à son extrémité, nous croisons M. Gravier, professeur à l’École des Arts qui, sans s'arrêter, nous lance cet avertissement :

"N'allez pas par là ; ils répondent à nos batteries".

En effet, nous ne tardons pas à voir la terre soulevée dans le champ de Grève, à 400 m. environ devant nous, par les explosions simultanées de trois obus. Changeant alors d'itinéraire, nous gagnons la rue Ponsardin, d'où nous entendons siffler les projectiles qui continuent à arriver sur notre droite, alors que nous nous dirigeons sur le quartier de la gare, pour terminer notre promenade.

Rentrés à la maison, nous devons encore deux fois nous réfugier dans notre cave, où nous sommes rejoints par le concierge et les siens ainsi que par deux ouvriers vitriers travaillant dans les magasins, que les arrivées d'obus plus fréquentes et rapprochées, ne sont pas sans inquiéter pour leur départ et leur rentrée à domicile.

- Nous avons appris par Le Courrier de la Champagne de ce jour que le gouvernement a été transféré à Bordeaux. Le journal donne le texte de la proclamation qui fut adressée à la Nation et insérée au Journal officiel du 3 septembre. Le voici :

" Proclamation du Gouvernement.

Français,

Depuis plusieurs semaines, des combats acharnés mettent aux prises nos troupes héroïques et l'armée ennemie. La vaillance de nos soldats leur a valu, sur plusieurs points, des avantages marqués. Mais, au nord, la poussée des forces allemandes nous a contraints à nous replier.

Cette situation impose au Président de la République et au Gouvernement une décision douloureuse. Pour veiller au salut national, les pouvoirs publics ont le devoir de s'éloigner, pour l'instant, de la ville de Paris.

Sous le commandement d'un chef éminent, une armée française pleine de courage et d'entrain, défendra contre l'envahisseur la capitale et sa patriotique population. Mais la guerre doit se poursuivre, en même temps, sur le reste du territoire.

Aucune de nos armées n'est entamée. Si quelques-unes ont subi des pertes trop sensibles, les vides ont été immédiatement comblés par les dépôts et l'appel des recrues nous assure, pour demain, de nouvelles ressources en hommes et en énergies.

Durer et combattre, tel doit être le mot d'ordre des armées alliées, anglaise, russe, belge et française !

Durer et combattre pendant que sur mer les Anglais nous aident à couper les communications de nos ennemis avec le monde !

Durer et combattre pendant que les Russes continuent à s'avancer pour porter au cœur de l'Empire d'Allemagne le coup décisif !

C'est au Gouvernement de la République qu'il appartient de diriger cette résistance opiniâtre.

Partout, pour l'indépendance, les Français se lèveront. Mais pour donner à cette lutte formidable tout son élan et toute son efficacité, il est indispensable que le Gouvernement demeure libre d'agir.

A la demande de l'autorité militaire, le Gouvernement transporte donc momentanément sa résidence sur un point du territoire d'où il puisse rester en relations constantes avec l'ensemble du pays.

Il invite les membres du Parlement à ne pas se tenir éloignés de lui pour pouvoir former, devant l'ennemi, avec le Gouvernement et avec leurs collègues, le faisceau de l'unité nationale.

Le Gouvernement ne quitte Paris qu'après avoir assuré la défense de la ville et du camp retranché par tous les moyens en son pouvoir.

Il sait qu'il n'a pas besoin de recommander à l'admirable population parisienne le calme, la résolution et le sang-froid. Elle montre tous les jours qu'elle est à la hauteur des plus grands devoirs.

Soyons tous dignes de ces tragiques circonstances. Nous obtiendrons la victoire finale. Nous l'obtiendrons par la volonté inlassable, par l'endurance et par la ténacité.

Une nation qui ne veut pas périr et qui, pour vivre, ne recule ni devant la souffrance ni devant le sacrifice est sûre de vaincre."

Dans le même journal, d'aujourd'hui, nous lisons l'avis suivant :

" Croix Rouge.

En raison de nombreux départs, la permanence, rue de Vesle 18, doit prier les Dames qui avaient offert leur concours, pour le service des ambulances, de bien vouloir se faire inscrire à nouveau."

Paul Hess dans La Vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918

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