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[feuilleton] Cahier AA (extraits), de Claude Minière, 2

Par Florence Trocmé

Deuxième épisode d’un nouveau feuilleton qui en comportera une douzaine publiés les lundi, mercredi et vendredi. Il s’agit d’extraits d’un ensemble intitulé Cahier AA de Claude Minière. 
  
 
Répétitions, contradictions, et, à la fin un seul trait. C’est ce que Blaise Pascal appelait « l’ordre de la charité » : « Cet ordre consiste principalement à la digression sur chaque point qui a rapport à la fin, pour la montrer toujours. » (fragment 280) 
 
 
Tchouang-Tseu : « La Ciel est dedans, l’humain est dehors ». 
 
 
 
 
Si à la suite de la clé gong (« arc ») on écrit le caractère « enfant » on désigne l’archet des instruments à cordes.  Associé au caractère d’ « oreille », on obtient l’idéogramme « enlever ». 
Avec gong à côté de shén (« corps ») on signifie « personnellement ». 
 
 
Je pense aux « Indiens » que dessinent de manière appliquée, concentrée et malhabile les enfants : ils flottent dans l’espace comme en lévitation et transcendant la gaucherie du dessin, ou peut-être grâce à cette maladresse même, menacent tout un côté de la page…Indiens contre les « cow-boys » dont le jeune être ne manque pas d’être entouré, comme plus tard l’adulte. Ce ne sont pas des images logées dans l’imagination mais des signes. 
 
 
« Tout est vulgaire pour commencer.  Avec le passage du temps, ça change ».  Cette notation de Yuko Mishima me « plonge » dans des abîmes de perplexité.  Pourtant, voilà bien le sentiment que j’avais éprouvé avec « Canterbury ». 
 
 
« Qu’est-ce que tu fais de beau ? » Il demande ça le plus simplement du monde… Lois de la gravité.  L’enfant que j’étais s’approche de moi. 
 
 
 
 
 
L’encre elle-même vient d’une pierre, la « pierre à encre » (yantai). Et l’une des plus anciennes calligraphies (4ème siècle av. J.-C.) sur des tambours de pierre (Shigunvea) décrit le jeu des poissons dans la rivière Quian…Fluidité de la pierre…Pierre, mon deuxième nom de baptême. 
 
 
Ezra Pound à Venise : « poteaux de pierre aussi doux que savon ». 
 
 
Un adjectif (« immune ») m’entraîne dans l’histoire. Dans New Age, en 1915, Pound publie des « Notes politiques » par lesquelles il critique la neutralité américaine face au conflit qui ravage alors l’Europe. A son père il fait part de sa colère devant les réticences des Etats-Unis  – dont il espère toujours une Renaissance – à s’engager. Pour « arrêter la boucherie ». En 1939 il cherchera en vain à quitter l’Italie pour regagner son pays…. Quelques années plus tard, Artaud dénoncera les trafics qui s’opèrent dans les laboratoires américains. L’ambition poétique peut-elle demeurer immune dans cette histoire ?   
 
 
Je n’en ai pas fini avec Pound, avec la question historique de la poésie. Après la parution de Pound caractère chinois je continue de m’interroger sur le « drame » du poète. Certes, il a joué la Chine contre l’Amérique, mais pourquoi – pourquoi et alors – tant de doutes sur la validité de son œuvre ? Il pense qu’au 21ème siècle elle ne subsistera que comme « curiosité » !  Il faut reconnaître qu’il ne s’est pas complètement trompé. 
 
 
Canto CXVI/ « Je ne peux faire que mes notes tiennent ». En 1960 (?), dans le désarroi que connaît l’homme, et dans la « place » (le peu de place) qu’occupe désormais la haute ambition poétique… En 1960, Pound est au bout du rouleau. 
Mais, voyons, les notes ne tiennent-elles pas ? S’agit-il, d’ailleurs, de tenir ?... « It coheres all right ». 
 
 
Et pourtant elle tourne… 
 
 
© Claude Minière, [à suivre vendredi 19 septembre 2014]  
 
épisode 1 
 
 


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