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Colère des légumiers. Jean-François Jacob explique les raisons de l'exaspération bretonne

Publié le 20 septembre 2014 par Seb322 @nordbretagne
Depuis plusieurs jours, les producteurs de légumes multiplient les actions dans le nord de la Bretagne. Ils ont déversé des artichauts à plusieurs endroits (Lanmeur, Plouescat...). Et viennent d'incendier la nuit dernière les locaux de la MSA à St-Martin-des-Champs et ceux du centre des impôts de Morlaix.  Ils sont à bout. Et attendent des réponses concrètes. Aujourd'hui, un producteur vend un kilo d'échalotes à 6 centimes. Dans la grande distribution, on le retrouve à plus de 6 euros...   
Ils ont saccager ma ville. #Morlaix #Agriculteur pic.twitter.com/Y8W1tpBlr5
— M. Ambassadeur ✈️ (@PMoal29) 20 Septembre 2014
Communiqué de presse de la SICA.
  SICA Saint-Pol-de-Léon : le ras-le-bol
  Les légumiers sont en colère et en détresse. Ils l'ont vivement exprimé ces derniers jours, notamment en déversant des artichauts à Plouescat, Morlaix et St-Pol-de-Léon. Les raisons de leur exaspération sont multiples. Jean-François Jacob (en photo), président de la SICA de Saint-Pol-de-Léon les explique .
  Tout d'abord la crise conjoncturelle en production légumière est réelle depuis mi-2013. Le chiffre d'affaires des producteurs a baissé de 25 % en un an. Les conditions climatiques ont été douces sur toute l'Europe cet hiver. Cela a permis aux concurrents des producteurs bretons d'être présents sur le marché alors que la demande en légumes d'hiver était à son plus bas niveau. Cette crise entraine une baisse des cours (chou-fleur, endive, pomme de terre primeur…). Par exemple, pour l'artichaut : le temps chaud de juin a entrainé un pic de production en septembre. Or, en ce moment, il fait très beau, ce qui ne favorise pas la consommation. L'horticulture bretonne est également touchée. Depuis deux ans, les ventes sont en recul de 20%.   La conséquence ? Un manque important de trésorerie. Les exploitants ne peuvent plus épargner pour pallier d'éventuelles crises.   Ensuite, la production de légumes s'est considérablement développée ces dernières années dans de nombreux bassins européens, en Espagne, bien sûr avec 12 millions de tonnes de légumes (hors pommes de terre), mais aussi en Allemagne et dans les ex-pays de l'Est. La production française se situe autour de 5 millions de tonnes mais à l'inverse de celle de ses concurrents, elle connait un déclin régulier depuis 20 ans tant dans les secteurs légumiers que fruitiers.   La Bretagne, qui fait face à l'accroissement régulier des coûts logistiques, subit aussi de plein fouet une distorsion de concurrence sur la main d'œuvre, la fiscalité et les aspects réglementaires, qui plombent les exploitations. La difficile valorisation des productions estivales en est un exemple. Nous ne sommes pas en mesure de batailler avec les concurrents étrangers sur les prix. La SICA, avec ses collègues de la filière légumière bretonne, a choisi depuis longtemps de se différencier en misant sur la valeur ajoutée apportée au produit et en diversifiant ses cultures (30 % du chiffre d'affaires du groupement est aujourd'hui réalisé par les produits de diversification).   Il faut aussi évoquer le problème des grandes surfaces. Le consommateur choisit le produit le moins cher et donc étranger. L'écart de compétitivité est de 30 % : on perd un point par an depuis 30 ans. Les distributeurs doivent prendre conscience de ces difficultés et agir en partenariat dans l'intérêt économique des filières de production.   Enfin, les producteurs dénoncent la pression de l'administration et des réglementations françaises. De lourdes contraintes administratives pèsent sur les exploitations et découragent les légumiers. Une situation d'autant plus difficile dans une période où les trésoreries sont fragilisées. Pour essayer de pallier cette crise, les producteurs augmentent encore leur nombre d'heures de travail. « On a atteint le seuil du tolérable ».   Et il ne faut pas perdre de vue les conséquences, à moyen terme, de l'embargo décrété par la Russie sur certains légumes. Si pour la plupart des légumes concernés, la France n'exporte qu'une petite proportion des volumes de l'Union Européenne, il est évident que le marché français sera impacté dès lors que des volumes destinés au marché russe viendront peser sur le marché européen.   « L'enveloppe dite exceptionnelle d'aide aux producteurs annoncée par l'Union Européenne (125 millions d'euros) représente en réalité 353,70 € pour notre groupement, c'est-à-dire 23 centimes par producteur ! Nous allons probablement décider de ne pas la redistribuer à nos 1 500 producteurs  mais destiner cette enveloppe budgétaire à l'achat d'un billet d'avion pour Mr Macron afin qu'il vienne nous entendre nous exprimer sur le ras-le-bol des producteurs d'être confrontés chaque jour à la bêtise des administrations françaises ».   On ne peut pas continuer ainsi. Il faut un plan de mesures à court terme, trouver des solutions concrètes pour aider les producteurs, leur donner de la lisibilité à moyen et long terme et pour continuer de développer l'économie de production. « Il faut reformer, les surcouches administratives ne sont plus tolérables ». L'économie de production ne peut plus être la variable d'ajustement budgétaire des disfonctionnements de l'Etat, notamment sur le plan administratif, mais également fiscal et social.   Et des solutions, nous en avons !   En 2007, nous avions anticipé l'avenir de la zone légumière en définissant un programme de restructuration et de modernisation de nos stations de conditionnement. L'objectif ? Gagner en compétitivité et en valorisation des produits. Pour des raisons administratives, le dossier est bloqué. Il faudra peut-être attendre 2017 (c'est-à-dire dix ans plus tard) pour qu'il aboutisse. Alors qu'en 18 mois seulement nos concurrents réalisent le même type de projet.   Il faut mettre en œuvre la simplification administrative, alléger le coût du travail, revoir la fiscalité. Quant aux contrôles de l'Etat, puisque les différents gouvernements successifs sont unanimes sur le principe de leur simplification, nous allons donc les mettre en œuvre aux vues de l'incapacité de nos structures d'Etat à les faire elles-mêmes.   Nous attirons l'attention sur la mise en danger de 100 000 emplois sur notre territoire. Si ce pays ne sait pas où il est, ni où il va, nous savons pour notre part exactement où nous sommes et où nous voulons aller.   Nous avons l'habitude de dire les vérités et d'être factuels, sur ce territoire nous avons la capacité de continuer à construire l'avenir au-delà des difficultés conjoncturelles. Dans les jours prochains jours, l'état des lieux économique de notre territoire nous condamne à prendre notre destin en mains, éventuellement indépendamment des tutelles parisiennes.  

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