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Rentrée pourrie à l’Élysée (1) : des sondages désastreux

Publié le 26 septembre 2014 par Sylvainrakotoarison

Niveau record d’impopularité pour le pouvoir, et pour la première fois, Marine Le Pen serait donnée gagnante à l’élection présidentielle. De quoi effrayer toute la classe politique et susciter un argument nouveau, celui du vote utile, voter dès le premier tour pour le meilleur rempart contre le FN.

yartiRentree201401La rentrée politique de l’automne 2014 n’a pas été de tout repos pour le Président de la République François Hollande. Il doit se préoccuper de plusieurs fronts, du plus grave (l’otage français Hervé Gourdel a été assassiné) au plus superficiel (la jalousie d’une ex-compagne), en passant par le chômage et le délitement de sa propre majorité.

Alors, face à toutes ces difficultés, la lecture des sondages n’a donc rien d’apaisant et s’ils peuvent paraître dérisoires, ils n’en constituent pas moins des photographies de l’opinion publique dont il reste nécessaire de prendre en compte les différents enseignements.

Or, une série de sondages au début du mois de septembre 2014 a fait l’effet d’un véritable électrochoc non seulement dans la majorité mais dans la classe politique en général, montrant ainsi la très grande fragilité du pays.

Deux sondages ont particulièrement retenu mon attention pour les alertes qu’ils signifient.

Comme toujours lorsqu’on parle de sondages, il faut savoir les observer avec recul, avec une perspective dynamique ; ce qui intéresse, c’est la pente et pas la cote, c’est la tendance et pas le niveau. Par ailleurs, il faut aussi rester prudent sur l’intervalle d’indétermination qui peut parfois se révéler large (voir plus loin). Une fois ces précautions exprimées, ces deux sondages sont néanmoins alarmants pour le pouvoir en place.

Hollande à 13%

On savait évidemment que François Hollande était impopulaire, et on le savait plus impopulaire que Nicolas Sarkozy, mais on ne savait pas qu’il pouvait encore descendre et descendre dans l’opinion.

Le baromètre proposé par TNS-SOFRES pour le "Figaro Magazine" publié le 4 septembre 2014 en apporte une nouvelle preuve. Réalisée du 28 août au 1er septembre dernier, donc après la formation du nouveau gouvernement, l’étude a confirmé l’état déplorable de François Hollande dans l’opinion : il ne recueille que 13% (-5) de confiance contre 85% (+6) de défiance. 13%, c’est moins de la moitié de ses électeurs du premier tour en 2012.
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Ces 85% de défiance se retrouvent aussi (sont-ils les mêmes ?) dans le moral des sondés : 85% pensent que les choses ont tendance à aller plus mal, seulement 3% que les choses vont en s’améliorant. Une situation démoralisante qui avait déjà connu un précédent, au printemps 2006, avec les manifestations contre le CIP et le jusqu’au-boutisme de Dominique de Villepin.

Cela fait de François Hollande le Président de la République le plus impopulaire depuis que le baromètre est en place, en 1981, à partir du cinquième mois de mandat. À cette allure, il y aura bientôt un nombre négatif de sondés qui lui voueraient leur confiance !

Probablement que les menaces extérieures et l’unité nationale faite ce 24 septembre 2014 sur l’intervention française en Irak vont faire remonter légèrement la popularité présidentielle dans les prochains jours.

Valls dévisse

Moins évidente est la confiance accordée au Premier Ministre Manuel Valls. Personnalité assez populaire au moment de sa nomination à Matignon le 31 mars 2013 (il recueillait en avril 46% de confiance), Manuel Valls avait réussi à rester stable jusqu’au début de l’été. Mais pour cette rentrée, il dévisse dans les sondages, entraîné par une destinée commune. Le baromètre a fait état de seulement 30% des sondés qui lui font confiance tandis que 65% la lui refusent.

Il est à noter que 36% de sondés qui se revendiquent socialistes sont en défiance contre Manuel Valls (contre François Hollande, ce niveau de mécontentement interne monte jusqu’à 54% !).
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Au cinquième mois d’exercice à la tête du gouvernement, Manuel Valls devient aussi impopulaire que la plus impopulaire à ce stade du mandat, Édith Cresson. Mais avec 30%, il a encore de la marge puisque, en absolu, le plus impopulaire fut Jean-Marc Ayrault avec seulement 16% de confiance lors de son départ de Matignon.

Là encore, l’exception Valls pendant deux ans s’efface discrètement : le pouvoir en période de crise économique rend forcément impopulaire, quelle que soit la personnalité du Premier Ministre. Michel Rocard, Édouard Balladur et Lionel Jospin avaient bénéficié, lors de leur séjour à Matignon, d’une bonne confiance de l’opinion publique parce que la conjoncture économique était plutôt favorable. Cela n’a cependant pas suffi à leur permettre d’accéder à l’Élysée.

Juppé en tête, Vallaud-Belkacem et Le Maire en forte progression

Comme dans son habitude, le baromètre a testé aussi les cotes d’avenir des autres personnalités politiques. Celle qui arrive en tête est… Alain Juppé avec 39% (ce qui reste faible pour une première place), suivi de Najat Vallaud-Belkacem (32%) dont la nomination à l’Éducation nationale lui a fait faire un bond de popularité (surtout parmi les sondés de gauche). Ensuite viennent François Bayrou (31%), Martine Aubry (30%), Ségolène Royal (30%), Nicolas Sarkozy (30%) avant son retour, Christine Lagarde (29%) et François Fillon (28%).

Marine Le Pen n’a que 26% (-3) et pour l’anecdote, Jean-François Copé, avec 12%, est en dessous de Pierre Moscovici (14%), avant la nomination de ce dernier à la Commission Européenne. Arnaud Montebourg n’est qu’à 24% (-2) et Benoît Hamon à 19% (+2). Dominique Strauss-Kahn est encore présent dans la liste avec 23% (-3).

La seconde personnalité politique à beaucoup progresser dans ce baromètre, avec Najat Vallaud-Belkacem, c’est l’ancien ministre Bruno Le Maire qui commence à sortir de l’anonymat avec 16% (+4), ce qui est la conséquence de sa campagne dynamique sur le terrain pendant tout l’été pour la présidence de l’UMP.

Les intentions de vote pour 2017 au premier tour

Parallèlement à la confiance et à la cote d’avenir des personnalités politiques de premier plan, les sondages aiment tester l’élection présidentielle. C’est évidemment un jeu purement théorique et tout porte à croire qu’elle se tiendra à la date régulière, à savoir au printemps 2017, soit dans deux ans et demi.

L’estimation des intentions de vote est une sorte d’application directe de la cote de confiance. Elle permet aussi d’imaginer les forces et faiblesses des candidats en situation de concurrence.
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L’IFOP a ainsi réalisé du 3 au 4 septembre un sondage sur les intentions de vote pour "Le Figaro" qui a été publié le 5 septembre 2014. Cette étude a été un véritable pavé dans la mare puisqu’elle a laissé entendre que Marine Le Pen, dans tous les cas, serait présente au second tour, et pas n’importe comment, en prenant la première place au premier tour.

Pire pour ses détracteurs : Marine Le Pen, pour la première fois dans un sondage, serait donnée gagnante dans un second tour face à François Hollande. On voit bien que ces éléments clefs apportent un éclairage très particulier à la préparation de l’élection présidentielle de 2017. Pour l’UMP et le PS, ce qui importe donc, ce n’est pas la première place au premier tour mais la deuxième place, pour reléguer l’autre à la troisième place et se retrouver en match contre Marine Le Pen.

L’IFOP a donc proposé trois configurations pour le candidat UMP : avec Nicolas Sarkozy, avec Alain Juppé et avec François Fillon, qui sont les trois candidats les plus crédibles à cette élection. Ces cas n’induiraient quasiment aucun changement sur le score des candidats de gauche : Jean-Luc Mélenchon resterait à 10%, Cécile Duflot à 3%, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud à 1%.
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Le cas avec François Fillon lui serait peu favorable : François Fillon ferait jeu égal avec François Hollande avec 17% tandis que Marine Le Pen aurait 32%, presque le double ! Dans cette hypothèse, François Bayrou recueillerait 14%, ce qui serait un niveau déjà élevé avant une élection, et Nicolas Dupont-Aignan serait à 5%.

Dans les deux autres cas pour le candidat UMP, François Hollande n’aurait que 16% des intentions, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et François Bayrou réduirait aussi légèrement la voilure électorale.

Dans le cas avec Alain Juppé, l’UMP ferait 24%, Marine Le Pen 30%. Avec Nicolas Sarkozy (sondage avant son retour), ce dernier aurait 25% et Marine Le Pen 28%.

Comme on le voit, pour le premier tour, les jeux sembleraient déjà faits : la candidate du FN serait sûre d’être qualifiée pour le second tour, avec une avance considérable sur son concurrent au second tour, de 3 à 15%.

Les intentions de vote pour 2017 au second tour

Pour le second tour, sept matchs ont été testés.

Le plus spectaculaire est le duel François Hollande vs Marine Le Pen où Marine Le Pen gagnerait avec 54% contre 46%. Une avance considérable. Dans tous les duels avec François Hollande, ce dernier perdrait avec 39% face à Nicolas Sarkozy, 38% face à François Fillon, et 34% seulement face à Alain Juppé. Face à un candidat de l’UMP, Marine Le Pen perdrait aussi systématiquement, avec 43% face à François Fillon, 40% face à Nicolas Sarkozy et 36% face à Alain Juppé.
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Ces résultats sur les intentions de vote au premier et au second tour d’une élection présidentielle si elle avait lieu maintenant sont assez spectaculaires. Certes, il reste encore deux ans et demi et beaucoup de choses évolueront dans un sens ou dans un autre. François Hollande en sait quelque chose puisqu’il sait qu’il suffit de susciter la confiance seulement au bon moment, au moment de l’élection.

Changement de "paradigme"

Parmi les leçons de cette enquête d’opinion, il y a le fait que, pour la première fois dans l’histoire de la République, un candidat issu de l’extrême droite française serait capable d’obtenir le pouvoir par les urnes. Du coup, les enjeux politiques changent radicalement : le duel UMP vs PS n’est plus le principal enjeu. L’enjeu réel, c’est FN vs le reste de la classe politique. Nicolas Sarkozy dans son entretien du 21 septembre 2014 tout comme Manuel Valls dans son discours de politique générale du 16 septembre 2014 ont clairement affiché leur combat contre le FN comme l’une de leurs priorités.

Ces résultats sembleraient disqualifier la candidature de François Fillon qui ne paraîtrait pas faire le poids. Cependant, sa détermination à peser sur cette élection reste intacte mais il lui faut assurément trouver un angle de rebondissement médiatique. Il serait pour l’instant capable de laisser la gauche affronter le FN avec un risque non négligeable de victoire du FN. Nul doute que des slogans de style "Tout sauf Hollande" naîtraient dans les mois qui viennent. Ou encore "Hollande = Le Pen".
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En revanche, les résultats de ce sondage ne départageraient pas le potentiel électoral de Nicolas Sarkozy et celui d’Alain Juppé. Au premier tour, Nicolas Sarkozy serait légèrement meilleur, mordant plus sur l’électorat du FN, tandis qu’Alain Juppé serait plus en capacité de rassembler au second tour près de deux Français sur trois (face à François Hollande ou face à Marine Le Pen). Ce n’est d’ailleurs pas anodin qu’Alain Juppé ait décidé d’avoir un discours très centriste et consensuel.

Car dans tous les cas, si Marine Le Pen était bien au second tour, son concurrent éventuellement UMP n’aurait pas d’autre stratégie pour gagner que de rassembler …sur sa gauche, comme Jacques Chirac le 5 mai 2002. L’anti-ligne Buisson !

Critiques du sondage

Bien sûr, on pourrait à juste titre formuler trois grosses critiques à ce genre de sondage, indépendamment de l’indétermination intrinsèque de la méthode, dont l’intervalle, pour ce sondage, est de l’ordre de 6% (ce qui est important !), en clair, cela signifie que François Hollande n’aurait pas 46% face à Marine Le Pen, mais entre 43% et 49%, ce qui changerait un peu les choses dans l’interprétation.

La première critique, c’était d’avoir considéré systématiquement la candidature de François Bayrou dont le niveau oscillerait entre 11 et 14%. Il est certainement le candidat centriste qui aurait le plus grand potentiel électoral à l’heure actuelle mais la question d’une candidature centriste reste toujours en question, notamment dans la campagne pour la présidence de l’UDI.

Concrètement, le fort potentiel électoral de Marine Le Pen donnerait peu de marge de manœuvre aux centristes pour une candidature indépendante, à moins d’être taxés de kamikazes. D’ailleurs, François Bayrou semblerait déjà prêt à soutenir la candidature de son voisin d’Aquitaine, Alain Juppé. Le seul moyen de sortir par une porte honorable, c’est l’organisation d’une primaire ouverte non seulement à l’UMP mais aussi aux centristes. C’est ce que veut Alain Juppé. Sans doute aussi François Fillon. Mais pas forcément Nicolas Sarkozy même si ce dernier aimerait rassembler dans un parti unique UMP et centristes.

On voit ainsi que l’absence d’un candidat centriste aurait de forte chance de venir grossir le candidat UMP (pas forcément mécaniquement, certes), mais cela donnerait la possibilité au candidat de droite et du centre de dépasser Marine Le Pen au premier tour. Le cumul François Bayrou+UMP défavoriserait ainsi Marine Le Pen (35% vs 30% ou 37% vs 28%), sauf dans le cas avec François Fillon (31% vs 32%).

La deuxième critique est, elle aussi, très importante : le candidat du PS ne sera pas forcément François Hollande. Historiquement, jamais un Président élu la première fois ne voudrait renoncer à tenter sa réélection. Pour qu’on lui donnât un quitus pour le premier mandat. Jamais non plus des oppositions internes n’ont pu surgir contre la candidature d’un Président sortant (même lorsqu’il s’est agi de Valéry Giscard d’Estaing en 1981).

Cependant, avec cette impopularité sans précédent, François Hollande pourrait comprendre que ne pas se représenter serait dans l’intérêt de son camp. Martine Aubry ou même Manuel Valls pourrait alors être ce candidat socialiste et ils devraient pouvoir faire mieux que François Hollande.

Enfin, et c’est tout l’intérêt d’une campagne électorale, la troisième critique est que le sondage a été réalisé à froid, pas en condition de campagne électorale. Or, l’énergie, presque physique mais pas seulement, dont sont capables les candidats est un critère déterminant. C’est sans doute ce paramètre qui a fait éliminer du second tour la candidature de François Bayrou en 2007 (il avait besoin d’un rebond en mars 2007 qui ne s’est jamais produit, faute de dynamisme).
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Or, si François Hollande et Marine Le Pen sont des candidats redoutables sur ce point, la campagne de 2012 a montré que Nicolas Sarkozy était le meilleur sur le terrain. Au contraire de François Fillon et aussi d’Alain Juppé dont l’âge commence à circuler comme argument (c’était déjà le cas avec Jacques Chirac en 2002).

Le vote utile en guise de front républicain ?

Détrôner Marine Le Pen de la première place au premier tour restera néanmoins l’un des défis majeurs pour les candidats des partis gouvernementaux. Pour cela, ils devront conclure des accords avec leurs partenaires dès le premier tour pour éviter toute déperdition des voix.

Et pourra alors fleurir l’argument du vote utile : pour éviter un second tour Hollande vs Le Pen qui se terminerait en faveur de Le Pen, il faudrait que les électeurs socialistes votent, dès le premier tour …pour le candidat de la droite et du centre. Résultat d’un cauchemar nommé… Hollande 2012 !

Mais nous n’en sommes pas encore là…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 septembre 2014)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Sondage TNS SOFRES sur la cote d’avenir des leaders du 4 septembre 2014 (à télécharger).
Sondage IFOP sur les intentions de vote à la présidentielle du 5 septembre 2014 (à télécharger).
Alain Juppé candidat à la primaire UMP pour 2017.
François Hollande.
Manuel Valls.
Nicolas Sarkozy.
Alain Juppé.
François Fillon.
Marine Le Pen.
François Bayrou.
Le couple Hollande-Valls.
Front républicain ?
The Day after.

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