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Vulgarisation : les recettes de deux journalistes scientifiques

Publié le 05 octobre 2014 par Fuzzyraptor

Quel est votre meilleur souvenir lié aux sciences ? Un prof de math passionnant (mais si, mais si !), un bouquin captivant, une nouvelle étonnante vue à la TV, un film de science-fiction qui vous a scotché, une expérience proposée par un doctorant lors de la Fête de la science ou encore un événement d’ampleur planétaire comme « l’amarsissage » (atterrissage sur Mars) du rover Curiosity ?

Qui ne s’est jamais demandé comment étaient produits ces livres ou ces images ? Où est-ce que les journalistes trouvent leurs idées ? Que font les chercheurs dans leurs labos ? Vous-même doctorant, chercheur, ingénieur, vous aimeriez vous lancer et raconter votre travail mais ne savez pas vraiment par où commencer (votre dernière tentative, à un repas de famille s’est soldée par la chute du dentier de mamie, qui s’est endormie en vous écoutant )… Pour répondre à ces interrogations, la journaliste scientifique Cécile Michaut vient de publier le livre « Vulgarisation scientifique, mode d’emploi » aux éditions EDP sciences.

Vulgarisation : les recettes de deux journalistes scientifiques

En cinq chapitres, Cécile revient sur les raisons qui poussent les chercheurs à partager leur passion pour les sciences et la découverte (rendre des comptes aux citoyens, faire progresser sa propre pratique, trouver des financements, faire naître des vocations…), sur les différentes formes de vulgarisation (livre, conférences, expositions, animations, bar des sciences, théâtre, débats…) et sur les éléments à garder en tête ou les pièges à éviter quand on se lance (connaître son public, choisir son message…) (1).

On y apprend que les Français, comme les Allemands ou les Japonais sont bien plus réticents à vulgariser leurs recherches que les Anglo-saxons. Qu’il n’existe pas de réelle formation à la vulgarisation dans les cursus de « sciences dures » (ni à la pédagogie ou à l’histoire des sciences d’ailleurs) et que beaucoup de vulgarisateurs en herbe ont peur de manquer de légitimité. Assez fou de voir à quel point la prise de parole en public, les projets pluridisciplinaires ou l’humour bloquent encore pas mal de scientifiques… Par ce livre et les formations qu’elle propose, Cécile Michaut tend à rassurer ces scientifiques et à les aider à se lancer, en leur montrant les avantages que la vulgarisation peut apporter à leur travail de chercheur et / ou d’enseignant.

Point fort du bouquin : les 15 portraits de vulgarisateurs (chercheurs, journalistes ou animateurs) dont les témoignages complètent bien le reste du livre et donnent des pistes pour aller plus loin : l’envie d’innover de Julien Bobroff (2), le travail sur l’estime de soi par Claire Le Lay, l’accent mis sur la médiation plutôt que la vulgarisation par Richard-Emmanuel Eastes, le constat du peu d’ouverture des sciences dures aux sciences humaines par Pierre-Henri Gouyon, le combat contre les stéréotypes de Catherine Vidal (voir sa participation à TEDx Paris en 2011 : « Le cerveau a-t-il un sexe ?« ), le besoin de se donner du temps revendiqué par Etienne Klein, l’expérience ShakePeers (diffusion de la connaissance sous forme vulgarisée, libre, collaborative et ouverte) lancée par Vincent Bonhomme, l’utilisation de la science-fiction par Roland Lehoucq, le militantisme de Valérie Masson-Delmotte, la séduction portée en étendard par Marie-Odile Monchicourt, etc. Si je peux faire ma pointilleuse, il manque peut-être un ingénieur blogueur au C@fé des sciences et une doctorante amatrice de Twitter

;-)

J’en profite également, une fois n’est pas coutume, de déplorer le peu de femmes présentes en exemple. Nul oubli ou négligence de la part de l’auteur. Simplement, les femmes en sciences et dans la vulgarisation sont soit moins nombreuses, soit osent moins se lancer et doivent parfois compter sur le soutien de chercheurs hommes plus âgés pour se rendre compte qu’elles sont légitimes dans cet exercice. Heureusement, on compte des blogueuses et des jeunes femmes douées comme Marie-Charlotte Morin, la gagnante française du concours « Ma thèse en 180 secondes » (et deuxième à la finale internationale), pour donner l’exemple ! (3)

Ce « guide », à ma connaissance le premier du genre en France, est publié 6 ans après le « Guide de vulgarisation », écrit par Pascal Lapointe, lui aussi journaliste scientifique, mais de l’autre côté de l’Atlantique à l’Agence Science Presse (Québec). Si les deux livres proposent globalement des conseils autour des meilleures manières de vulgariser (4), l’ouvrage québécois, deux fois plus épais (332 pages contre 160), passe plus de temps autour du journalisme scientifique, des conseils pour les non scientifiques, de la manière dont le vulgarisateur peut « se vendre » auprès des rédactions et, surtout, des possibilités d’internet.

Vulgarisation : les recettes de deux journalistes scientifiques

En avance sur cette réflexion, Pascal Lapointe et l’Agence Science Presse proposent d’ailleurs très régulièrement des billets de blog sur les questions de journalisme scientifique, de crise de la presse, de la relation entre blogueurs, chercheurs et journalistes, etc. Pascal a notamment rédigé le livre « Science, on blogue » avec Josée Nadia Drouin et dirigé l’édition des recueils annuels « Les meilleurs blogues de science en français » (2013 dans laquelle figure un de mes billets \o/, 2014).

Pour résumer, le livre de Cécile, plus court et plus facile à trouver du côté français trouverait bien sa place à côté de toutes les machines à café des labos français, pour pouvoir être lu par tous les doctorants, chercheurs ou ingénieurs de recherche qui passent par là. Il leur donnera envie de se lancer et pourra s’accompagner d’une formation de un à trois jours, par l’auteur (voir également son blog). Quant aux plus mordus, le livre de Pascal leur permettra d’aller encore plus loin, avec l’ouverture qu’on connait aux québécois sur la culture anglo-saxonne ! Dans les deux cas, n’hésitez pas à discuter avec eux sur Twitter : @CecileMichaut & @paslap !

>> Notes :

  1. L’auteur a fait le choix d’évoquer des exemples « classiques » de vulgarisation scientifique (normal, puisqu’elle s’adresse à des personnes souhaitant se lancer). On peut se demander s’ils sont adaptés au public « distant », celui qui ne va pas aux expositions et aux conférences…
  2. Julien Bobroff a lancé le groupe de recherche « la physique autrement ». Il est également très actif sur Twitter (@jubobroff)
  3. Lire notamment le billet « Où sont les vulgarisatrices ? » sur le blog de Cécile Michaut
  4. Ils ont aussi tous les deux fait le choix d’un dessin humoristique en couverture ! L’occasion de rappeler l’intérêt des illustrations et des BD sur les sciences, comme le blog de Marion Montaigne

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