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Le jury des Nobel a mis la microscopie à l’honneur. Du microscope au «nanoscope»

Publié le 09 octobre 2014 par Blanchemanche
#nanotechnologies #Nobel
Fabien Goubet
09 octobre 2014
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La microscopie STED distingue des éléments cellulaires de quelques nanomètres indiscernables en microscopie optique confocale.
Le jury des Nobel a mis la microscopie à l’honneur. Deux Américains et un Allemand ont été primés pour la mise au point de deux techniques permettant d’observer le vivant avec une précision inégalée.
A part la blouse blanche, quel accessoire attribue-t-on volontiers au scientifique? Le microscope, bien entendu. Relevant certes quelque peu du cliché, l’image est pourtant ancrée dans les esprits. C’est cet appareil, ou plutôt les progrès effectués dans leur conception, qu’a décidé de distinguer le jury des Nobel de chimie, ce mercredi à Stockholm.
Le prix a été décerné à un Allemand, Stefan Hell de l’Institut Max-Planck de chimie biophysique à Göttingen, ainsi qu’à deux Américains, Eric Betzig, de l’Institut médical Howard Hughes à Ashburn en Virginie, et William Moerner, de l’Université Stanford en Californie. Ces trois scientifiques sont récompensés pour la mise au point des techniques de microscopie à fluorescence à très haute résolution, des outils permettant d’observer des molécules dans les tissus vivants avec une précision inégalée.
Pour observer les plus petits composants cellulaires, les biologistes disposent principalement de deux types de microscopes, électroniques ou optiques. Les premiers offrent une résolution (la plus petite distance discernable) extrême, inférieure à 1 nanomètre. Cette précision a toutefois un prix: le traitement chimique préalable de l’échantillon tue toutes les cellules. Quant aux microscopes optiques, ils épargnent les cellules mais leur résolution est bien plus grossière, de l’ordre de 200 nanomètres. Un chiffre qui ne doit rien au hasard: c’est une limite théorique postulée par le physicien allemand Ernst Abbe en 1873. Ce dernier était parvenu à ce résultat en s’appuyant sur des calculs prenant en compte les propriétés ondulatoires de la lumière. En pratique, lorsqu’un microscope optique est braqué ne serait-ce que sur une seule molécule émettrice de lumière, il ne distingue qu’un spot lumineux d’environ 200 nanomètres. Les techniques développées par Hell d’une part, et Betzig et Moerner d’autre part, ont fait voler cette limite en éclats en abaissant la résolution des microscopes optiques à moins d’une trentaine de nanomètres. Plus d’un siècle plus tard, l’infirmation de la théorie d’Abbe semble avoir séduit l’Académie Nobel.
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«Ces nouvelles techniques de microscopie ont un réel intérêt pour les biologistes, confirme Pascal Didier, de la Plateforme d’imagerie quantitative de l’Université de Strasbourg. Grâce à celles-ci, ils peuvent observer des cellules vivantes avec une précision qui se rapproche un peu plus de celle des microscopes électroniques.»
Stefan Hell, 51 ans, a développé en 2000 la «microscopie à déperdition par émission stimulée» (STED). Elle repose sur l’utilisation de deux faisceaux laser. Le premier excite les molécules fluorescentes de l’échantillon, comme le fait un laser de microscope optique classique. Le second «éteint toute fluorescence excessive au voisinage de l’échantillon, précise Pascal Didier, pour ne laisser apparaître que ce que l’on veut observer. En scannant l’échantillon, nanomètre par nanomètre, on peut ainsi reconstituer l’image.» Outre sa précision supérieure, au-delà de la limite d’Abbe, la microscopie STED offre une bonne résolution temporelle, «quasiment en temps réel», d’après Pascal Didier. Idéal pour observer le vivant en direct, par exemple pour comprendre certaines maladies.
Quant à Eric Betzig, 54 ans, et William Moerner, 61 ans, ils ont mis au point en 2006 la microscopie de molécule unique, également dite monomoléculaire. Comme son nom l’indique, elle permet d’observer des molécules individuellement. Elle met pour cela en jeu des protéines fluorescentes que l’on peut allumer ou éteindre à volonté. Une lumière laser excite une fraction des protéines de l’échantillon, ce qui crée une première image. Un deuxième flash lumineux en illumine une autre fraction, créant une deuxième image. Et ainsi de suite, jusqu’à obtenir un grand nombre d’images partielles qui seront assemblées afin d’obtenir une image finale avec une résolution de l’ordre du nanomètre. «Une opération qui prend du temps et ne permet pas d’observer les échantillons en temps réel», remarque Pascal Didier.
Aujourd’hui, ces techniques sont déjà bien répandues dans les laboratoires. Avec ce Prix Nobel, le jury a donc voulu mettre en lumière des travaux aux applications déjà existantes.

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