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Le culte ‘‘en esprit’’ de l’Église intérieure

Par Jean-Marc Vivenza

La célébration de la liturgie céleste

dans le Sanctuaire du cœur selon

Louis-Claude de Saint-Martin

Jean-Marc Vivenza 

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« Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, doivent l’adorer en esprit et en vérité

(Jean IV, 24).

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« L'institution de la cène avait donc pour objet

de retracer en nous cette mort et cette résurrection

avant même la dissolution de nos essences corporelles,

c'est-à-dire, de nous apprendre à la fois à mourir avec le Réparateur

et à ressusciter avec lui.

Cette cérémonie religieuse, considérée dans sa sublimité,

peut devenir « dans nous », en réalité,

une production,

une émanation, une création, une régénération,

ou une résurrection universelle et perpétuelle ;

et elle peut, dis-je, nous transformer en royaume de Dieu,

et faire que nous ne soyons plus qu'un avec Dieu. »

(Le ministère de l’homme esprit,Seconde partie, « De l'Homme »).

Qu’il y ait un « culte » de l’Église intérieure, une célébration qui, faute d’être connue, conserve et place malheureusement dans l’ombre toute la dimension transcendante propre à la société céleste dont le seul Maître a son séjour dans l’Invisible, voilà qui est une évidence.

Mais il ne suffit pas de l’admettre, encore faut-il se soucier de savoir – si du moins nous considérons ce que représente l’Église intérieure du point de vue religieux, mystique et initiatique, comme participant d’une question fondamentale, et pour tout dire la seule et unique dotée d’une dimension dépassant en solennité toutes celles qu’il est donné à chacun d’aborder au cours de sa quête spirituelle -, en quoi consiste et à quoi réfère ce « culte », quelle est sa nature véritable, sachant qu’il est vital d’être en mesure de connaître son origine et ses fondements, crucial de se trouver capable de contempler son objet propre, et, enfin et surtout, indispensable d’entrer en communion avec son essence intime afin de le pratiquer, faute quoi tous les discours sur le sujet resteront lettre morte, se réduisant à des écrits stériles, incapables de féconder en nous le précieux tabernacle où doit se dérouler la divine liturgie selon l’interne.

I. Le culte intérieur est éloigné des « vains fantômes de la nuit », que sont les pratiques externes

La difficulté principale, par delà les éléments relevant de l’établissement de l’habitation de « l’Esprit » dans le cœur de l’homme, dont on sait qu’elle advient par l’effet d’une pure grâce échappant à toute maîtrise et volonté humaine d’appropriation captatrice, mais dont nous pouvons cependant favoriser, par la prière, le silence et l’oraison, la communication dans l’âme [1], porte sur la façon dont doivent s’opérer en nous le culte céleste et les cérémonies participant de la liturgie mystérique qui se célèbre dans le cœur de l’homme.

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« Toutes les religions ont un culte et des cérémonies,

toutes les doctrines religieuses ont des pratiques sensibles.

Toutes ont des formules actives,

auxquelles sont attachées des idées de puissance,

qui impriment le respect, et semblent menacer

tout ce qui s'en rend l'ennemi. (…) 

Qu'êtes-vous, vains fantômes de la nuit,

quand le soleil s'avance majestueusement sur l'horizon,

 et qu'il verse, à grands flots, sa lumière ? » 

(L’Homme de désir, § 85).

 

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Beaucoup, dans les divers systèmes religieux ostensibles, qui constituent la quasi-totalité des expressions cultuelles et formalisées du christianisme répandues dans les différentes régions géographiques, théologiques et confessionnelles du monde chrétien, sont absolument persuadés qu’ils se rendent agréables à Dieu en effectuant, avec plus ou moins de pompes ostentatoires et d’emphases expressives sacralisées, des rites comportant des chants, de la musique, des invocations, des encensements, des récitations de textes sacrés, des gestes pieux, des attitudes dévotionnelles, etc. Or, la grande intuition de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), ce qui, incontestablement, le distingue de par sa radicalité au sein de l’illuminisme chrétien - même si sur ce point il est en parfaite communion avec bien d’autres penseurs de ce riche courant qui se développa en Europe au XVIIIe siècle [2] -, c’est son insistance sur le fait que l’Éternel étant en dehors de toutes les formes, il est vain de se tourner vers lui avec des modalités étrangères à la nature divine : « Toutes les religions ont un culte et des cérémonies, toutes les doctrines religieuses ont des pratiques sensibles. Toutes ont des formules actives, auxquelles sont attachées des idées de puissance, qui impriment le respect, et semblent menacer tout ce qui s'en rend l'ennemi. (…)  Qu'êtes-vous, vains fantômes de la nuit, quand le soleil s'avance majestueusement sur l'horizon, et qu'il verse, à grands flots, sa lumière ? » (L’Homme de désir, § 85).

C’est pourquoi, si nous voulons nous approcher véritablement de Dieu, et non en rester à des pratiques externes qui ne sont, vis-à-vis de l’Absolu, que « vains fantômes de la nuit », alors il importe de le faire selon l’injonction même du Divin Réparateur : « en esprit et en vérité » (Jean IV, 24) [3].

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Les pratiques externes ne sont vis-à-vis de l’Absolu,

selon le Philosophe Inconnu,

que de « vains fantômes de la nuit ».

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Ainsi, le culte véritable qui, en raison de sa distance et son dégagement des « vains fantômes de la nuit », est désigné comme étant le «culte selon l’interne », quoique non étranger au culte ostensible célébré par les diverses confessions chrétiennes avec lequel il partage les mêmes sources évangéliques, se doit cependant d’être réellement spirituel en ne comportant rien – ou en tendant à en être le moins possible chargé –, d’images, reliquats, alluvions et vestiges dégradés du monde matériel et des « pratiques sensibles » des liturgies externes, ce caractère de dégagement purificateur, dans l’exercice d’adoration, se rapportant à ce en quoi consiste précisément le « mystère » par excellence du culte de l’Église intérieure : « Lorsque tu seras entré dans la terre promise, souviens-toi de n'y sacrifier à ton Dieu que dans le lieu qu'il aura choisi pour que tu lui rendes le culte qui lui est dû. Non seulement tu n'imiteras point ces nations impies qui ont dressé les autels sur tous les hauts lieux, sous des arbres touffus, et qui là offrent leurs sacrifices au Soleil, à la Lune, et à toute la milice du ciel, mais tu renverseras tous ces hauts lieux, tous ces autels et toutes ces idoles qui y sont honorées ; tu ne laisseras pas subsister la moindre trace de ce culte impie, selon que le Seigneur ton Dieu te l'a ordonné, et tu viendras dans le lieu que le Seigneur t'aura indiqué pour lui immoler tes victimes. Ce lieu, tu l'as déjà connu, tu l'as déjà vu, dès que tu as reçu la naissance ; car ce lieu est ce même fils chéri, conçu de l’esprit en similitude de celui qui est le fils unique du Seigneur son éternelle génération. Tu éviteras donc, avec grand soin, d'aller sacrifier au Seigneur dans d'autres lieux de ton être, que dans ce Saint des Saints qui est le seul asile sacré qu'il ait pu se réserver dans les du temple de l'homme. »  (Le Nouvel homme, § 27).

II. Nécessaire libération des cadres de la religion ostensible


Pourtant, comprendre ce que signifie « célébrer en esprit », demande certaines explications tant la

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conscience de l’homme est conditionnée, formée et « programmée »,  par des siècles pendants lesquels les divers systèmes religieux  se sont livrés à un cérémonialisme externe ostensible, marquant durablement notre rapport au divin en nous interdisant d’accéder à la grande nouveauté que représente le christianisme, puisque le Divin Réparateur, de façon explicite, est venu annoncer, et prêcher, un Évangile (εαγγέλιον) – c’est-à-dire, littéralement, une « Bonne nouvelle » -, par laquelle Dieu nous est révélé selon son « être » propre et se doit d’être adoré selon son essence ontologique lors d’une opération de pure abstraction intellectuelle mettant à distance les vestiges de ce monde d’apparence en n’utilisant rien des éléments issus de la réalité matérielle, cette dernière étant par définition, en raison des conséquences de la prévarication, précisément étrangère à l’essence divine.

C’est pourquoi, si Dieu est « Esprit », alors son « adoration », ce qui signifie la manière de lui rendre notre culte, doit également, et de façon impérative si nous désirons nous conformer à l’essence divine, se faire « en esprit », de sorte d’être en harmonie réelle avec la nature transcendante de l’Être éternel et infini.

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« Qu'est-ce que c'est que cette chambre haute

 où la Pâque doit se célébrer ?

C'est la pensée de l'homme

qui est revêtue du privilège de se montrer parmi les nations

comme la région la plus sublime du temple immortel

que l'Esprit Saint s'est proposé d'habiter. » 

(Le Nouvel homme, § 60).


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Saint-Martin nous demande ainsi, positivement, de célébrer la Pâque et de procéder, en notre cœur, à la commémoration de la « Sainte Cène » : « Le nouvel homme (…) a dit d'avance aux siens : ‘’Vous savez que la Pâque se fait dans deux jours, et que le fils de l'homme sera livré pour être crucifié’’. Mais comme il sait aussi que le complément de sa régénération est attaché à ce sacrifice, comme il sait en outre que ce sacrifice doit rendre la vie aux habitants de son propre royaume, il dit à quelques-uns des siens : ‘‘Allez­-nous apprêter ce qu'il faut pour la Pâque. Lorsque vous entre­rez dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau, suivez-le dans la maison où il entrera, et dites au maître de cette maison que le maître vous envoie dire : Où est le lieu où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et il vous montrera une grande chambre haute toute meublée. Préparez-­nous-y ce qu'il faut.’’ »(Le Nouvel homme, § 60).

III. Plus aucun voile n’interdit l’accès au Saint des Saints

Depuis la venue du Divin Réparateur et son sacrifice sur le bois de la Croix, plus aucune barrière limitative, plus aucun voile n’interdit l’accès au Sanctuaire. Désormais, chaque âme de désir, accueillant dans son cœur les vérités de l’Évangile, est en mesure - et même en droit – d’entrer librement dans le Saint des Saints, pour participer au culte divin.

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La conséquence de cette disparition des empêchements légalistes, de la destruction des frontières de séparation, autorise chaque âme de désir à entrer dans le Sanctuaire, à traverser le voile qui est, concrètement, la chair spirituelle du Divin Réparateur, afin de nous unir à lui en sainteté : « Car par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés. C’est ce que le Saint–Esprit nous atteste également. (…) Or, là où il y a pardon des péchés, il n’y a plus d’offrande pour le péché. Ainsi donc, frères, nous avons l’assurance d’un libre accès dans le Sanctuaire par le sang de Jésus, accès que Jésus a inauguré pour nous comme un chemin nouveau et vivant au travers du voile, c’est–à–dire de sa chair ; et nous avons un souverain sacrificateur établi sur la maison de Dieu. Approchons–nous donc d’un cœur sincère, avec une foi pleine et entière, le cœur purifié d’une mauvaise conscience et le corps lavé d’une eau pure. » (Hébreux X, 14-22).

En effet, le Divin Réparateur a entièrement bouleversé les ordonnances antiques de la religion judaïque devenues absolument caduques, à une période où une caste sacerdotale formait comme un écran, une séparation, un obstacle infranchissable entre l’homme et le divin.

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L'homme, n'a donc plus besoin d'intermédiaires,

n’est plus dépendant, exclusivement,

d’un clergé pour s'approcher du trône de la Divinité. 

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Aujourd’hui,  chacun peut accéder au Sanctuaire, franchir et passer au-delà le voile qui a été déchiré de haut en bas lors du Vendredi Saint [4] : « Christ est mort pour nous. A bien plus forte raison, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons–nous sauvés par lui de la colère. Car si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à bien plus forte raison, étant réconciliés, serons–nous sauvés par sa vie. Plus encore, nous nous glorifions en Dieu par notre Seigneur Jésus–Christ par qui maintenant nous avons obtenu la réconciliation. » (Romains V, 8-11).

L'homme, n'a donc plus besoin d'intermédiaires, n’est plus dépendant, exclusivement, d’un clergé pour s'approcher du trône de la Divinité, Jésus-Christ s'est chargé d'abattre les bornes, limitations et écrans matériels qui nous séparaient du Sanctuaire : « La grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes » (Tite II, 11).

IV. Entrée dans le « Royaume » céleste

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« Unité dans tout ce que nous sentons

être propre à nous purifier,

à nous alléger de ce bas monde,

et à nous avancer dans notre royaume

qui est le royaume de l'esprit, et le royaume de Dieu ;

voilà la loi que nous devons nous imposer. »

(Le Nouvel homme § 21).

Ce Sanctuaire du ciel - car il est céleste en sa nature et sa dimension, ne se trouvant que dans le cœur de l’homme -, c’est le « Royaume », là où se célèbrent les cérémonies éternelles consacrées à chanter la Gloire de Dieu, Temple invisible aux yeux de chair, éloigné des sphères corrompues de ce monde, « Royaume » dont les portes ont été ouvertes par le Divin Réparateur [5].

Et nous savons ce qu’il convient de faire pour pouvoir y entrer dans ce « Royaume céleste »,

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Royaume de Dieu qui n’est autre que celui de l’esprit : « Ainsi, unité dans l'amour, unité dans l’œuvre de la pénitence, unité dans l'humilité, unité dans le courage, unité dans la charité, unité dans le dépouillement de l'esprit de la terre, unité dans la résignation, unité dans la patience, unité dans la soumission à la volonté suprême, unité dans le soin de nous revêtir de l'esprit de vérité, unité dans l'espérance de recouvrer les biens que nous avons perdus, unité dans la foi que notre volonté purifiée et unie à celle de Dieu doit avoir son accomplissement dès ce monde, unité dans la détermination à dissiper les ténèbres de l'ignorance dont notre séjour nous enveloppe, unité dans la vigilance, unité dans la constance à la prière, unité dans la continuelle culture des écritures saintes, enfin unité dans tout ce que nous sentons être propre à nous purifier, à nous alléger de ce bas monde, et à nous avancer dans notre royaume qui est le royaume de l'esprit, et le royaume de Dieu ; voilà la loi que nous devons nous imposer. » (Le Nouvel homme § 21).

V. Le « Royaume » divin n’est pas de ce monde

Dans son Portait historique et philosophique, Saint-Martin nous livre une remarque saisissante à propos de la signification du passage de l’Évangile dans lequel le Divin Réparateur affirme : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » (Jean XVIII, 36).

Voici ce qu’écrit le Philosophe Inconnu : « ‘‘Mon royaume n'est pas de ce monde’’. Cette vérité évangélique n'a pas tombé à mon égard sur les seules cupidités mondaines dont je me suis en effet peu soucié, mais aussi sur les diverses cupidités spirituelles inférieures où j'ai vu les hommes se précipiter comme par torrent et qui étaient bien au-dessous du poste qui m'attrayait. J'ose croire même que ce poste était le vrai sens du passage évangélique ci-dessus, puisque je vois sans cesse St. Paul, et tous les prophètes, ne pas lui donner une autre explication. Comment donc aurais-je pu m'arrêter à toutes les révolutions spirituelles que j'ai vu se passer de mon temps, elles me parlaient bien, comme tout spiritualiste, de celui dont le royaume n'est pas de ce monde, mais elles ne me menaient pas à ce royaume, et aussi en effectivité elles se contentaient presque toujours de la figure, et tout en disant que ce royaume n'était pas de ce monde, elles s'établissaient cependant dans ce monde par toutes leurs spéculations rétrécies, par leurs phénomènes inférieurs, et en courbant sans cesse l'esprit des Écritures sur des évènements temporels, lui, qui comme les cèdres du Liban, ne tend qu'à porter sa tête majestueuse jusque dans le ciel des cieux. » (Portrait, § 29, « Mon Royaume n’est pas de ce monde »).

De quoi nous entretient Saint-Martin, lorsqu’il évoque les « diverses cupidités spirituelles inférieures où j'ai vu les hommes se précipiter comme par torrent », dont il soutient qu’elles sont, ces diverses cupidités, « bien au-dessous du poste » qui l’attraie ?

Eh bien, l’auteur  Des erreurs et de la vérité,  n’évoque rien moins dans ce passage, sous le nom de « poste qui l’attraie », que les réalités divines du Royaume céleste, c’est-à-dire celles relatives à la région située « hors de ce monde » matériel, dont nous savons qu’elles consistent principalement à célébrer - Adam étant prêtre depuis l’origine, et ce dès le moment où il fut émané -, le culte primitif et originel rendu parfait par le Divin Réparateur après sa venue parmi nous. L’exercice du service sacerdotal est, en effet, le « poste », ou, pour l’exprimer différemment, le « ministère » dévolu à tous les fils d’Adam, qu’ils ont a effectué s’ils veulent participer de la vie du Royaume.

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«Le Seigneur n’habite pas dans des temples faits par la main des hommes…»

(Actes des Apôtres XVII, 24).

Ce « ministère », que se doit d’exercer « l’homme esprit », formant la vocation par excellence des membres de l’Église intérieure, est entièrement consacré à l’adoration de l’Éternel, complétée par la fraction du « Pain » opérée de manière mystique, Église intérieure qui fut consacrée et voulue par Dieu dès le repentir d’Adam, puis parfaite et sanctifiée en vue de la restauration universelle par Jésus-Christ, de sorte quelle puisse perdurer à travers les âges afin de conserver et préserver les éléments spirituels les plus élevés, destinés aux âmes de désir animées d’un cœur pur, en étant dépositaire de par son élection, des mystères de la Révélation.

De ce fait, le seul vrai Temple est, non pas semblable aux établissements composés de matériaux tirés du règne minéral ou végétal, construits laborieusement à l’aide de pierres taillées ou de bois sculptés, mais consiste en un tabernacle unique, à savoir le « cœur de l’homme », car, comme y insiste l’Écriture explicitement : « Lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples faits par la main des hommes ;il n’est pas servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, le souffle et toutes choses. » (Actes des Apôtres XVII, 24-25).

VI. Le culte d’adoration « en esprit »

Ceci explique pourquoi, si le culte « en esprit », l’authentique « culte divin » intérieur, n’est plus lié aux formes matérielles de la vie selon l’externe, il participe dès lors d’un tout autre type de « sensibilité », celle-ci étant entièrement nouvelle puisqu’elle n’est tournée, uniquement et de façon plénière, que vers la vie intime de notre âme : « Oui, le culte intérieur est sensible, il l'est surement plus que le culte extérieur ;  mais il l'est d'une autre manière.  Le culte matériel est pour les sens de la forme, le culte spirituel pour les sens de l'âme ;  le culte divin et intérieur est pour la vie intime de notre être. »  (L’Homme de désir, § 123)

De quelle façon se déroulera le culte d’adoration « en esprit et en vérité » ?

Voici la réponse que nous donne Saint-Martin : « Ô mon ami, allons ensemble dresser les autels au Sei­gneur ; va d'avance préparer tout ce qui nous sera nécessaire pour célébrer dignement les louanges de sa gloire et de sa majesté ; sers d'organe à mon œuvre pour l'annoncer au peuple, comme j'en dois servir à la Divinité pour annoncer à toutes les familles spirituelles les mouvements de la grâce, et les vibra­tions de la lumière. Et toi, Dieu de ma vie, s'il te plaît jamais de me choisir pour ton prêtre, que ta volonté soit faite ! Toutes mes facultés sont à toi. Je me prosternerai dans mon indignité en recevant le nom de ton prêtre et de ton prophète : aide-moi seulement à ne pas rendre tes grâces impuissantes, et à briser en moi tous les écueils que mes iniquités et mes faiblesses ont semés devant mon élection. Je n'oserai jamais de moi-même te demander que ta main reposât sur moi ; mais si par ta pure mu­nificence tu veux bien faire reposer ta main sur moi, je n'aurai aucun doute que tu n'opères dans mon être tout ce qui lui manque pour être utile à tes desseins, et je n'ai dans ce moment d'autre soin à prendre que de t'offrir le dévouement de ma fidélité à ton service, et une universelle soumission à toutes les conditions que tu voudras mettre à notre alliance. » (Le Nouvel homme, § 3).

VII. La célébration liturgique du culte « en esprit »

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« Cette cérémonie religieuse, considérée dans sa sublimité,

peut devenir dans nous, en réalité,

une production, une émanation, une création,

une régénération, ou une résurrection universelle et perpétuelle ;

et elle peut, dis-je, nous transformer en royaume de Dieu,

et faire que nous ne soyons plus qu'un avec Dieu. »

(Le ministère de l’homme esprit,Seconde partie, « De l'Homme »).

Le culte divin dans le cœur de l’homme, n’est pas une « messe » au sens habituel du terme – même sous sa forme intérieure - mais bien un culte d’adoration « en esprit et en vérité », ce qui est tout différent.

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Ce culte conserve de la liturgie primitive de l’Église son caractère d’extrême simplicité, mais, surtout, est fidèle à son aspect entièrement improvisé, quasi spontané et immédiat, puisque, comme nous le savons, ce n’est que fort tardivement que l’Église institutionnelle fixa les formes de sa liturgie pour définir le canon « officiel » du culte divin [7], alors que chaque croyant dans les premiers siècles du christianisme, en son cœur, savait pouvoir accéder directement au Sanctuaire céleste : « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et vous l’aurez » (Jean XV, 7).

Il importe donc, selon Saint-Martin, de constamment fonder notre édifice spirituel sur la base de notre cœur en perpétuelle purification et immolation : « Malheur à celui qui ne fonde pas son édifice spirituel sur la base solide de son cœur en perpétuelle purification et immolation par le feu sacré. » (Portrait, 427).

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« Le culte matériel est pour les sens de la forme,

le culte spirituel pour les sens de l'âme ;

le culte divin et intérieur est pour la vie intime de notre être.»

(L’Homme de désir, § 123).

Par ailleurs, il convient d’être conscient que, pour être intérieur, il s’agit pourtant bien d’un culte authentique, non de littérature, de digressions analytiques ou théoriques, car le propre de la pensée de Saint-Martin est de nous permettre d’accéder au Sanctuaire, non de nous le faire seulement contempler de loin, en nous en laissant à distance, dans l’éloignement de sa vérité concrète.

Cependant, et il importe d’y insister absolument, le culte de l’Église intérieure diffère considérablement des cérémonies selon l’externe. En effet, par delà le fait qu’il ne se célèbre pas en assemblée et est réservé au Temple du cœur, ce culte comporte également plusieurs éléments principaux constituant une dissemblance notable d’avec la liturgie ecclésiale des églises d’Orient ou d’Occident :

-   S’Il se célèbre selon l’interne, cela signifie que le culte de l’Église intérieure s’opère dans le silence et l’invisibilité stricte ;

-   Le culte intérieur est de dimension purement immatérielle et strictement spirituelle, ainsi, l’âme de désir prendra soin d’être vigilante au moment où le célébrant, en lui-même, présentera en son cœur  les saintes espèces en les élevant en esprit vers l’invisible, sur l’aspect strictement et essentiellement céleste des substances de la consécration [8].

-   Pour être uniquement célébré « en esprit », le culte intérieur est néanmoins « sensible », c’est-à-dire qu’il intervient directement, et même de façon plus vive encore, sur l’âme, exerçant une impression d’une force supérieure au culte externe. On se gardera donc de ne pas y être attentif, comme nous le rappelle Saint-Martin : « Oui, le culte intérieur est sensible, il l'est sûrement plus que le culte extérieur ; mais il l'est d'une autre manière. Le culte matériel est pour les sens de la forme, le culte spirituel pour les sens de l'âme ; le culte divin et intérieur est pour la vie intime de notre être.» (L’Homme de désir, § 123).

-   D’autre part, souvenons-nous, que le culte intérieur permet d’accéder à la substance la plus intime du Divin Réparateur, celle que désignera sous le nom de « nourriture de la Foi » Nicolas-Antoine Kirchberger (1739-1799) : « Vous me demanderez peut-être ce que c’est que cette boisson divine ? Promettez-moi qu’aucun regard profane ne verra jamais ces lignes, et alors je vous dirai, cette eau qui seule peut désaltérer la soif de votre âme, est l’humanité sainte, le corps glorieux de Notre Seigneur, ce n’est pas seulement un esprit mais une substance essentielle sous l’enveloppe angélique de l’Elément pur, qui peut être vu, touché, et senti (Luc, XXIV, 39). Cette substance si subtile qu’elle peut traverser les corps les plus opaques, comme les rayons du soleil traversent une glace transparente […], peut tantôt se montrer, tantôt se dérober à votre vue (Luc, XXIV, 31). C’est cette substance qui fait la véritable nourriture de la Foi. Notre Seigneur lui-même nous révèle ce grand mystère (Jean, VI, 51).» [9]

-   Ainsi, nulle formule mécanique, nul texte rédigé ou écrit par avance n’est nécessaire, il suffit simplement de laisser le Divin Réparateur prier en nous : « La seule prière que nous aurions à faire ce serait de travailler continuellement à ne pas empêcher de prier en nous celui qui ne peut cesser de prier pour nous, soit en nous, soit hors de nous. Car c'est en nous qu'il aime le mieux prier, puisque nous sommes son oratoire, mais quand nous ne lui laissons pas l'accès libre, il va prier hors de nous et il emporte sa paix avec lui. » (Portrait, 635) ; « Combien la prière de l'homme intérieur est au-dessus des prières de formules.» (Pensées sur l'Ecriture sainte, [310]).

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Après-quoi, entrons religieusement dans le « mystère liturgique de l’Église intérieure », avec une attitude de piété, de ferveur spirituelle, et dans un sentiment de sainte et bienheureuse foi en l’efficacité de l’œuvre réparatrice du Divin Maître, en sortant « hors du camp », pour offrir à Dieu notre sacrifice de louange : « Sortons donc hors du camp pour aller à lui, en portant son opprobre. Car nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir. Par lui, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est–à–dire le fruit de lèvres qui confessent son nom. » (Hébreux XIII, 13-15).

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Le culte ‘‘en esprit’’

dans

le Sanctuaire du cœur

La « descente de l’Esprit » dans l’âme

Ce qui advient ensuite relève du mystère le plus pur, et conduit jusqu’à la « Communion sacramentaire ». Le dévoilement de ce mystère forme la partie proprement dite du « culte en esprit », selon l’ordre suivant provenant de la liturgie de la primitive Église :

 

Célébration du culte ‘‘en esprit’’ dans le Sanctuaire du cœur

a)Mise en présence de Dieu

b)  L’éloignement des choses sensibles et l’anéantissement de la matière

c)  Abandon de l’esprit en Dieu

d)  Ordination de l’âme en tant que « prêtre du Seigneur »

e)  Consécration, « en esprit », des saintes espèces

f)La fraction mystique du pain et l’offrande du calice afin de remonter vers « l’élément pur »

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« + Consummatum est + »

g)Communion sacramentaire

h)Méditation et action de grâce

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Il s’agit dès lors, non d’un exposé théorique, mais d’une pratique - exposée en détail dans  « Le culte ‘‘en esprit’’ de l’Église intérieure » -que chacun pourra mettre en œuvre en son cœur, c'est-à-dire un culte – « cœur du mystère » de l’Église intérieure » - qui s’inscrit dans la continuité du culte primitif qui ne cessa, parmi les élus du Seigneur, d’être célébré à toutes les périodes à travers les siècles, se poursuivant, depuis la venue du Divin Réparateur, en ayant été perfectionné par l’effet de la loi de grâce [10].

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Le culte  de  l’Église intérieure a pour fonction,

d’hâter le temps de la réconciliation universelle,

et de porter les âmes des justes à goûter les joies célestes.

Ce culte a pour fonction, d’hâter le temps de la réconciliation universelle, et de porter les âmes des justes à goûter les joies célestes, et profiter du repos qui attend l’homme après la consommation de la durée impartie à ce monde d’expiation : « Le culte pur aura conduit les hommes justes aux joies célestes et au repos de leur âme. Le culte impur aura conduit les impies à la rage, à la fureur et au désespoir. Les fruits seront cueillis ; on n'en sèmera plus, parce qu'il n'y aura plus de terre : tout est consommé. Oui, au nom du Réparateur, tout fléchira le genou dans les cieux, dans la terre et dans les enfers. On fléchira le genou à ce nom dans les cieux, pour célébrer sa gloire et les merveilles de sa puissance. On fléchira le genou à ce nom sur la terre, parce qu'il nous aura préservés et délivrés des mains de notre ennemi. On fléchira le genou à ce nom dans les abîmes, parce qu'on y frémira de terreur en éprouvant les effets de son pouvoir. » (L’Homme de désir, § 136).                          

Conclusion

C’est sans doute la première fois que des indications de cette nature sont offertes aux âmes de désir, chacun saura donc évaluer, et percevoir comme il se doit, le caractère tout à fait exceptionnel des indications délivrées et révélées, qui participent véritablement du dévoilement du « mystère » le plus central et le plus secret de l’Église intérieure, puisque touchant directement à la célébration de son culte secret, invisible aux yeux charnels, mais dont les fruits sont si importants pour la vie de l’Esprit cheminant dans la voie selon l’interne.

Ainsi, l’homme nouveau suivra les traces du Divin Réparateur : « Il n'aura, dis-je, le vif espoir que cette réunion obtiendra plus facilement la mani­festation des puissances divines, et que par là s'accroîtra le nombre des adorateurs du vrai Dieu. L'homme nouveau ne fera en cela que marcher sur les traces du Réparateur dans toute la conduite qu'il a tenue envers ceux qui l'ont fréquenté, et sollicité pendant son séjour sur la terre » (Le Nouvel homme, § 42), il invitera les « amis de l’œuvre de la Vérité » à se joindre à lui pour dresser des autels au Seigneur afin d’y célébrer le culte divin où le « pain » et le « vin », spirituellement, seront consacrés et présentés en offrandes perpétuelles afin que l’homme soit réuni, par grâce et éternellement, à son « Principe ».

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Le culte ‘‘en esprit’’

de l’Église intérieure

Éditions La Pierre Philosophale, 262 pages.

Notes.

1. Voir : L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, - 4. L’Église intérieure selon le Philosophe Inconnu, édification mystique de l’Église céleste dans le cœur de l’homme - II. Enfantement de l’Église intérieure ; a) « S’attendre à la grâce », ou la voie du pur abandonb) Le divin engendrement obtenu par l’effet de la grâce seule - également : « Appendice II. La question de la grâce divine », La Pierre Philosophale, 2013, pp. 193-212 ; 339-361.

2.

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Nous savons le lien de Saint-Martin avec Jacob Boehme (1575-1624), mais il ne faut pas oublier l’immense intérêt du Philosophe Inconnu pour les écrits de ses disciples, qui développèrent sa pensée en lui donnant une traduction concrète, si l’on peut dire pour des domaines à ce point élevés et si distants des régions matérielles, en proposant une authentique démarche religieuse à la suite des visions du penseur de Görlitz, disciples parmi lesquels il convient de citer Johan Georg Gichtel (1638-1710), Jane Lead (1623-1669), John Pordage (1608-1681), Gottfried Arnold (1664-1714) et William Law (1686-1761), ou encore Johannes Kelpius(1673-1708), esprit extraordinaire qui termina son existence en ermite dans une grotte sur les bords duWissahickon enPennsylvanie, à l’origine d’une petite communauté mystique désignée sous le nom deSociety of the Woman in the Wilderness.

3. On notera, à cet égard, chez Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), une sensibilité assez voisine : « Principe Suprême de tout ce qui existe, ton saint Temple n’est point dans cette région inférieure et matérielle et souillée ; ton trône est supérieur même aux régions célestes, et tu en as imprimé le sentiment intime dans le cœur de l’homme. » (J.-B. Willermoz, Mes pensées et celles des autres, 15 avril 1788).

4. Le fait est rapporté de la façon suivante par les trois évangiles synoptiques : «Jésus poussa de nouveau un cri d’une voix forte et rendit l’esprit. Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; et la terre trembla, et les rochers se fendirent » (Matthieu XXVII, 51) ; « Et le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas » (Marc XV, 38) ;  « Et le soleil fut obscurci, et le voile du temple se déchira par le milieu » (Luc XXIII, 45).

5. À propos de cette expression fréquemment employée de « Royaume », il convient d’être attentif

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aufait,  que Dieu, en sa vérité intrinsèque, n’est pas, formellement parlant, un « Roi céleste », cela c’est du mythe pur, de l’imagerie enfantine simpliste. Dieu est présent, par présence infinie, en tout point de l’espace et du temps, tout en étant, et en cela réside le paradoxe incompréhensible, totalement autre, il est le « Tout Autre », puisque, par son immatérialité, il ne réside en aucun point de ce temps et de cet espace matériels.

Dieu ne siège donc pas sur un « trône de gloire » dans les nuages, il est, en son intime substance, un mystère indicible comme le rappelle avec justesse saint Thomas d’Aquin (+1274) : « L’essence  divine, par son immensité, surpasse toutes les formes que notre intelligence peut atteindre ; et on ne peut donc pas l’appréhender en sachant ce qu’elle est.» (Summa contra Gentiles, I, XIV). Et c’est pourquoi, le plus haut savoir auquel on puisse accéder en mode religieux, est un savoir « négatif », car si Dieu est illimité, s’il est sans forme et sans corps, en tant qu’il est un pur « Esprit », alors la connaissance que nous pouvons avoir de Lui en notre état de créature, ne peut passer, pour nos intelligences limitées, que par une véritable « nuit de l’esprit ».

6. Antoine Esmonin, marquis de Dampierre (1744-1824), écrivait, à propos de la nécessité de la célébration du culte divin dans le cœur de l’âme de désir : « C'est une vérité certaine que Jésus-Christ est venu rapporter sur la terre le culte Saint et véritable que nous devons à Dieu. II est donc nécessaire de nous attacher à ce culte seul digne de l'être infiniment adorable.Le verbe indivisible de Dieu, est renfermé dans l'essence infinie de la divinité, et il y sacrifie sans cesse par amour, tout ce qu'il reçoit de son père, qui, par un amour réciproque, lui donne tout. C'est par ce sacrifice, que se prouve un amour éternel, qui est le lien ineffable de cette unité. Unité incompréhensible, qui se suffit à elle-même, et qui est indépendante de toute autre chose. Or il est indubitable que le sacrifice éternel qui se fait en Dieu, est le modèle et la mesure de tous les sacrifices possibles pour tous les êtres appelés par amour à recevoir l'existence. C'est pour ce sacrifice, que cette existence devait être entretenue, cultivée, jusqu'à-ce qu'elle fut éternisée . (…) C'est dans ce but qu'il lui fut donné un roi et un prêtre à l'image divine, qui étant lui-même toujours en adoration, put recevoir pour cet être l'hommage qu'il rendrait à son Créateur. Le prier, l'adorer, contempler ses merveilles fut dès-lors pour cet être le moyen de communiquer avec la source ineffable de toutes choses. Ainsi la prière, l'état d'adoration, de contemplation. et de sacrifice est la base fondamentale sans laquelle il ne peut y avoir d'union entre l'infini et le fini. Comment, par exemple, sans la prière du cœur, pourrons-nous être éclairés, connaître la volonté de Dieu, et recevoir les forces pour l'exécuter.» (Antoine Esmonin, marquis de Dampierre, Vérités divines pour le coeur et l'esprit, «Discours XVII», Daniel Pétillet, Lausanne, 1823).

7. Dans les premiers temps de l’Église, la liturgie était largement improvisée, la plupart des prières n’ayant pas encore été fixées par une quelconque autorité magistérielle. Lorsque saint Justin Martyr (+ v.168), dans sa première Apologie, décrit par exemple l'eucharistie telle qu’on la célébrait à Rome vers l'an 150, on est frappé de constater l’extrême simplicité du culte, dont la liturgie du Vendredi Saint, selon l’ancien Ordo Missae de l’Église romaine d’avant 1962, conserve d’ailleurs la mémoire. Il faudra attendre seulement le IIIe siècle, pour que saint Hippolyte (+235), dans sa Tradition apostolique, recommande des formules de prières pour la liturgie sacramentelle (messe, ordination, etc.), quoique sans qu’aucune obligation ne s’impose pour autant au fidèles. Et ce n’est que lors des deux synodes de Carthage - (397) et (407) -, que fut interdit l’usage de formules n’ayant pas fait l’objet d’approbations officielles. Saint Justin Martyr, d’après le dit « schéma Justinien », expose la façon dont se déroulait primitivement le culte : « Le jour qu'on appelle jour du soleil, tous, qu'ils habitent les villes ou les campagnes, se rassemblent en un même lieu. On lit alors les Mémoires des Apôtres ou les Écrits des Prophètes aussi longtemps que le temps le permet. Quand le lecteur a terminé, celui qui préside prend la parole et exhorte à imiter ces beaux enseignements. Nous nous levons ensuite tous ensemble et nous prions. Puis, comme nous l'avons dit plus haut, lorsque la prière est terminée, on apporte du pain, du vin et de l'eau. Le président fait alors des prières et des actions de grâces autant qu'il peut. Et tout le peuple répond par l'acclamation : Amen ! » (Cf. Justin Martyr, Apologie, 67, Édition Charles Munier, in Saint Justin, Apologie pour les chrétiens, Fribourg, Éditions universitaires, coll. Paradosis 39).

8.

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Il est à noter, par delà la question doctrinale touchant à la thèse dualiste - d’ailleurs beaucoup plus subtile et complexe qu’il n’y parait -, qu’une pratique très spiritualisée de la Cène, désignée sous le nom de « pain super-substantiel » ou Pain de l’Oraison - rappelant d’ailleurs fortement les pratiques de l’Église primitive en se situant à une très grande distance de la théologie de la transsubstantiation eucharistique et en rejetant tout attachement aux espèces naturelles, niant, par refus de sacraliser une matière visible, que du pain et du vin composés d’éléments terrestres puissent se transformer en corps et sang du Christ lors de la consécration par un prêtre pendant la messe, théologie sacramentaire de la transsubstantiation que le concile du Latran (1215) allait définir et imposer en Occident -, se développa au moyen âge au sein d’un courant religieux connu sous le nom générique inventé par l'abbé Eckbert von Schönau († 1184) de «catharisme », nom tiré de son Liber contra hereses katarorum (1164) rédigé à l’aide de citations empruntées auDe haeresibusde saint Augustin († 453). Le Rituel de Florence déclare, ne s’intéressant qu’au pain immatériel, la « vraie nourriture de l’âme » contrairement au pain constitué de froment provenant de la terre : « Le pain super-substantiel que le chrétien demande aujourd’hui, c’est la loi du Christ, qui a été donnée à tous les peuples… Nous participons tous à ce même pain et à ce même calice (1 Cor. X, 16-17), et cela signifie que nous participons au même sens spirituel de la loi, des prophètes et du Nouveau Testament. Il dit : ‘‘Prenez et mangez, ceci est mon corps qui va être donné pour vous’’. Cela veut dire : ces préceptes spirituels des anciennes Écritures sont mon corps, c’est pour vous qu’ils seront transmis au peuple… » (Cf. Rituel cathare, Sources chrétiennes, Cerf, 1977 & R. Nelli, Écritures cathares, Le Rocher, 1995). 

9. Lettre d’Antoine-Nicolas Kirchberger à Gertrude Sarasin, le 17 janvier 1795. 

10. Jean-Baptiste Willermoz, dans l’Instruction secrète des Profès, précise également que le « vrai culte », jamais ne cessa d’être célébré et que toujours, les élus offrirent un pur encens au Seigneur : «Depuis le commencement, le vrai culte n’a pas cessé un instant d’être offert parmi les hommes, sur des autels agréables à à la Divinité. Il y a toujours eu dans les diverses régions de la terre des élus, qui ont présenté à l’Eternel en toute sainteté un encens pur et digne de lui, comme vrais représentants de la famille humaine, au nom et en faveur de laquelle ils imploraient la Bonté et la Clémence divine. (…) D’ailleurs, vous n’ignorez point que pour conserver le vrai culte dans l’Univers et sur la terre, une puissance ineffable y a été envoyée par décret de la miséricorde infinie, et qu’après avoir régénéré l’alliance entre Dieu et l’homme, elle ne cesse de vivifier dans la postérité humaine un culte qui n’a de valeur que parce que cette puissance toute divine est elle-même le grand prêtre qui présente à l’Eternel les offrandes pures des hommes de désir.» (Instruction secrète,  MS 5475 pièce 2, Bibliothèque Municipale de Lyon).


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