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La Dame de pique de Tchaïkovsky au Gasteig de Munich- Mariss Jansons - Orchestre symphonique de la radiodiffusion bavaroise

Publié le 14 octobre 2014 par Luc-Henri Roger @munichandco

La Dame de pique de Tchaïkovsky au Gasteig de Munich- Mariss Jansons - Orchestre symphonique de la radiodiffusion bavaroise

Hermann (Misha Didyk)  et Lisa (Tatiana Serjan)

Trois ans après un mémorable Eugène Onéguine,  Mariss Jansons a magistralement dirigé  une Dame de Pique qui devrait elle aussi  venir s'inscrire dans la mémoire mélomane munichoise. On rentrait avec un chausse-pied au Gasteig qui a fait salle comble pour les deux concerts. C'est que le Maestro jouit d'une excellente réputation dans la capitale bavaroise, tout comme l'excellentissime Orchestre symphonique de la radiodiffusion bavaroise (Symphonieorchester des bayerischen Rundfunks) . C'est aussi que des moyens hollywoodiens ont été utilisés: grand orchestre par 80, les Choeurs de la radiodiffusion bavaroise eux aussi par 80, entraînés par Martin Wright, à qui il faut ajouter une quarantaine de choristes enfants issus du Choeur d'enfants de l'Opéra d'Etat de Bavière, entraînés par Stellario Fagone, et une distribution de chanteurs russes ou ukrainiens de tout premier plan, que l'on a rarement l'occasion d'entendre à Munich où, à l'exception remarquable de Boris Godounov ou d'Eugène Oneguine au Bayerische Staatsoper, le répertoire russe n'est pas très représenté. Le meilleur s'ajoutant au meilleur, un public aux anges s'est vu convier à une soirée musicale somptueuse. Le concert avait également été retransmis samedi sur BR-Klassik, il est encore disponible à l'écoute pour le moment sur le site BR-Klassik.
Comme l'opéra était radiodiffusé en direct  et enregistré en vue de la production éventuelle d'un CD, le dispositif scénique était nécessairement réduit. Cependant, grâce à la mise en scène réduite a minima et aux lumières de Christoph Schletz, on a aisément pu suivre les différentes scènes de l'action. La disposition y aidait: les chanteurs étaient placés sur un podium pacé derrière et en surplomb de l'orchestre, avec, derrière eux, les gradins recevant les choeurs. Dans la grande salle du Gasteig, cet ensemble d'environ deux cents artistes, et parmi les meilleurs qui soient, était impressionnante à contempler.
La distribution russophone est impeccable. Le ténor ukrainien Misha Didyk  s'est fait une spécialité du rôle de Hermann (qu'il a chanté entre autres à Lyon et Barcelone en 2010, à Zurich et Munich en 2014, et reprendra à Strasbourg en 2015). C'est sans doute un des meilleurs interprètes actuels de ce rôle long, exigent et difficile, dont il rend admirablement la tension extrême, sans tomber jamais dans le travers de l'exagération pour exprimer la psychologie complexe du personnage. Il incarne à la perfection les incertitudes et les doutes d'Hermann, et en souligne les aspects romantiques torturés tout comme la progression vers la folie obsessionnelle. Il joue à la fois des cordes lyriques et dramatiques de son ténor puissant, auquel il peut donner les couleurs de plus en plus sombres dans le déroulement de l'action. Un travail immense couronné de succès pour un des rôles les plus difficiles du répertoire russe! 
La soprano Tatiana Serjan, soliste au Mariinsky de Saint-Pétersbourg depuis cette année,  une chanteuse dotée d'une belle voix au timbre clair,  traduit avec finesse la palette des sentiments d'une femme amoureuse avec une montée progressive en intensité dramatique  qui culmine au troisième acte où la chanteuse est bouleversante et sublime dans l'expression de son désespoir, avec un jeu d'actrice stupéfiant. Une autre étoile du Mariinsky, la mezzo Larissa Diadkova, donne toute sa dimension au personnage de la comtesse, avec une interprétation extrêmement poignante de la nostalgie parisienne de celle qui fut dans sa jeunesse célébrée comme la Vénus de Moscou. Son air de Laurette « Je crains de lui parler la nuit » extrait de l'opéra, Richard Cœur de Lion d'André Grétry, avec ce français prononcé avec les roucoulements de l'accent russe est aussi émouvant que délicieux!  La mezzo biélo-russe Oksona Volkova est elle aussi remarquable dans son interprétation vibrante et talenteuse de Pauline, la confidente de Lisa. Elle interprète également Milovzor. Le baryton Alexej Markov séduit avec sa voix puissante, fort bien projetée, dans le rôle du Prince Yeletski, un rôle qu'il a déjà interprété à Lyon dans cet opéra qu'il maîtrise bien, pour avoir également déjà chanté Tomski. Ce dernier personnagé est ici incarné par l'excellent baryton Alexej Shishlayev, lui aussi très applaudi.
On doit la présence de ce plateau de chanteurs exceptionnels au Maestro Mariss Jansons, qui réside à Saint-Pétersbourg. Le chef russe d'origine lettone est depuis 2003 le chef d'orchestre principal de l'Orchestre symphonique de la radiodiffusion bavaroise. Il s'est vu décerner l'an dernier le prestigieux pris Ernst von Siemens pour ses importantes contributions dans le domaine de la musique. Il a su communiquer son amour de la musique de Tchaïkovsky au travers de sa direction attentive et passionnée du grand compositeur russe dont l'esprit s'est incarné à Munich, l'espace de deux soirées.
Distribution

Misha Didyk, ténor (Hermann)
Alexej Markov, baryton (Prince Yeletzki)
Larissa Diadkova, mezzosoprano (Comtesse)
Tatiana Serjan, soprano (Lisa)
Alexej Shishlayev, baryton (Tomski, Slatogor)
Oksana Volkova, mezzosoprano (Pauline, Milovzor)
Tomasz Slawinski, baryton-basse (Surin)
Anatoli Sivko, basse (Narumov)
Vadim Zapletchny, ténor (Tschekalinski)
Mikhail Makarov, ténor (Tschaplitzki)
Olga Savova, mezzosoprano (Gouvernante)
Pelageya Kurennaya, soprano (Prilepa)


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