Magazine Cinéma

Underworld

Par Kinopitheque12

Len Wiseman, 2003 (États-Unis)

Underworld


Le premier plan est d’une esthétique gothique parfaite. Sur une hauteur de clocher, l’air sévère, la vampire surplombe la ville, les cheveux sur le visage et le manteau flottant comme une cape. Les éléments architecturaux baroques et neo-gothiques (ceux de Budapest qui jamais n’est citée) valorisent ce théâtre d’aventures. Il fait nuit et il pleut à verse. Le chiroptère de Gotham, vu par Christopher Nolan, adopte la même position dans Batman begins (2005), l’ambiance est celle de The crow d’Alex Proyas (1994), l’action à suivre rappelle Matrix des frères Wachowski (1999).

UNE PLUIE DE DOUILLES
Il ne faut pas beaucoup creuser Underworld pour constater que le scénario ne laisse aucune place aux questions religieuses ou philosophiques (les croyances du vampire ou son rapport au temps et à la sollitude). Il ne s’éternise pas non plus sur l’organisation politique des sociétés monstrueuses et s’en tient au triumvirat gérontocratique des vampires et à l’autocratie des lycanthropes. Il n’apporte rien de nouveau quant à la sexualité des bestioles (pas d’homosexualité latente par exemple, encore que l’on puisse noter l’absence de femelles parmi les garous…). L’apport du film au mythe du vampire est par conséquent limité. Cependant, son scénario n’est pas déplaisant. Il prend pour toile de fond une guerre pluriséculaire entre vampires et lycans (les loups-garous) et évoque à deux reprises l’histoire d’un amour entre une séduisante jeune femme du premier clan et un mâle du second, union considérée ignoble aux yeux d’un père vampire prêt à tuer son enfant pour laver l’affront. Ainsi, le schéma est d’abord esquissé par Viktor, Lucian et Sonja, puis répété par Viktor, Selene et Michael.

D’un regard, Selene (Kate Beckinsale), vampire et tueuse de garous, tombe amoureuse de Michael Corvin (Scott Speedman), descendant du premier immortel, Alexandre Corvinus. Parce que son sang est précieux, Michael est traqué de toute part, par le meneur de la meute loup, Lucian (Michael Sheen), par le maître vampire, Viktor (Bill Nighy), et par leurs sbires. Les courses-poursuites à travers les sombres galeries souterraines de la ville offrent un chaos sonore impressionnant provoqué par le fracas de détonations accompagné par le tintement des douilles qui tombent à terre. Mordu par le chef du clan garou, puis par Selene, Michael acquiert en fin d’histoire les spécificités intrinsèques des deux races et s’impose comme une entité nouvelle et supérieure, un peu à la manière du monstre apparu dans Blade II (Guillermo del Toro, 2002), à la différence que celui-ci est le fruit d’une mutation virale. Outre les quelques scènes d’action qui articulent le synopsis, manigances et conciliabules étoffent un peu plus le récit.

DE LATEX NOIR
Kate Beckinsale n’a pas été la première à être obligée d’enfiler une tenue de latex noir épousant si bien les formes du corps. Dans Batman, le défi de Tim Burton (1991), Catwoman/Michelle Pfeiffer passe un costume marqué de multiples coutures et valorisant agréablement sa féline allure. Dans la trilogie Matrix (1999-2003), c’est au tour de Trinity/Carrie-Anne Moss de faire des pirouettes sous une pluie de balles avec pour seule protection cette seconde peau. Si l’on remonte plus loin dans le temps, et même s’il ne pouvait encore s’agir de latex, la comédienne Musidora qui joue la criminelle Irma Vep dans Les vampires de Louis Feuillade (1915) revêt aussi une combinaison moulante noire. Irma Vep d’Oliver Assayas (1996), qui s’inspire du serial de Feuillade, montre Maggie Cheung dans une tenue semblable. La tenue change ensuite de couleur et de texture : Angelina Jolie jouant Lara Croft dans Tomb Raider, le berceau de la vie (Jan de Bont, 2003), Jessica Alba dans Les 4 fantastiques (Tim Story, 2005) et certainement d’autres. Outre le costume, Selene/Kate Beckinsale ressemble encore à Gally, héroïne du manga Gunnm de Yukito Kishiro (adapté en film d’animation OAV en 1993).

L’EXPLOITATION D’UN MYTHE
Len Wiseman ne séduit pas simplement en lançant une silhouette sombre et sexy dans l’action, une caméra à ses trousses. Le monde dépeint se tient. Puisant probablement dans les Chroniques des vampires d’Anne Rice (déjà source d’inspiration en 1994 pour le très réussi Entretien avec un vampire de Neil Jordan), il présente une société de vampires organisée et hiérarchisée. Fondus dans la nuit, les vampires œuvrent parmi les humains ignorants tout de leur existence. Comme dans le jeu de rôle La Mascarade (1991), des archétypes transparaissent chez les personnages. Selene elle-même distingue les guerriers des bureaucrates. Les plongées faites dans le repère de ces créatures, un magnifique manoir au mobilier riche et ancien, nous laisse entrevoir des salons tenus par des vampires distingués et d’un rang supposé élevé. La modernisation du mythe exclue ici toute allusion aux crucifix et aux gousses d’ail. En revanche, la lumière du soleil comme la décapitation leur restent fatales. Côté lycans, seul l’argent compte… Et une bonne dose est nécessaire à leur élimination. Notons l’inventivité dont les monstres font preuve pour leur armement : les uns recourent à des balles aux ultraviolets (mais pas d’explosion de lumière comme dans Blade II), les autres au nitrate d’argent.

Au final, Underworld ressemble beaucoup à Blade (Stephen Norrington est responsable du premier épisode en 1998). Il s’agit d’un dépoussiérage du mythe des vampires et de sa déclinaison, non pas en succédané horrifique, mais en film d’action en large partie inspiré de (ou copié sur) Matrix. Une réalisation pauvre mais directe, un simple divertissement qui n’a d’âme qu’aux yeux de l’amateur… Pourtant, alors que Blade m’ennuie, Underworld m’amuse vraiment.


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