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Ouverture en fanfare pour la saison symphonique russe à Monaco

Publié le 20 octobre 2014 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Que n’a-t-on pas dit ou écrit sur Serge Rachmaninov et sa musique: "hyper-romantique, guimauve pleurnicharde, faux martyr, exilé larmoyant…" Et pourtant… Le concert programmé en ce dimanche après-midi a attiré la foule des grands soirs… Vox Populi, Vox Dei!

Voici d’abord la "Vocalise pour violon", qui fait partie d’une série de quatorze mélodies écrites en 1912.
Cheval de bataille des plus célèbres sopranos (elle fut dédiée à sa création à Antonina Vassilievna), cette courte pièce fut révisée et orchestrée trois ans plus tard pour connaître de nombreuses transcriptions: violoncelle, clarinette et… violon.
Lisa Kerob, super soliste de la phalange monégasque en donne une version épurée à l’extrême, d’un lyrisme brûlant, d’une belle sensibilité, mais sans effets larmoyants pour nous emmener, avec son violon adamantin, au cœur d’une courte balade à l’émotion certaine.
Lawrence Forster et ses musiciens en grande forme, offrent ensuite de superbes Danses Symphoniques, cette quatrième symphonie qui ne dit pas son nom, partition testamentaire qu’ils parent de couleurs contrastées mais désespérément charbonneuses.
Par ses changements d’éclairage, ses errements, ses détours, la Valse de l’Andante, crépusculaire à en mourir, donne le tournis, le chef lorgnant ouvertement vers Mahler.
La troisième partie confirme que la partition, pleine d’énigmes et ambiguïtés, aurait sans honte pu conserver son titre originel de "Danses fantastiques" par sa course à l’abîme où résonne le glas du "Dies Irae" si souvent présent, presque obsessionnel chez Rachmaninov.
Comme dans l’autre "Fanstastique", celle bien sûr du cher Hector, du début à la fin tout a irrésistiblement avancé, comme un drame, un cauchemar éveillé. Une lutte entre la vie et la mort (mais cette fois c’est la foi qui assure la victoire de la vie) arbitrée par un chef gardant même sur l’estrade le théâtre dans le sang, ressuscitant ainsi une certaine tradition russe.

Après l’entracte, on entre en terrain connu avec le "Deuxième Concerto pour piano", sans doute le plus fameux du compositeur, où passe le fantôme de Tchaïkovski, irrésistible, fiévreux, d’une écriture pianistique à l’extrême difficulté, mais toujours fluide, leste, ample et vibrante.
On prétend que ce concerto met en scène la reconstruction psychologique du compositeur après une sévère dépression. La partition est d’ailleurs dédiée au Dr Dahl. "L’adagio" qui vous emporte telle une houle sur la crête d’émotions contradictoires, pouvant sans honte se considérer comme l’un des plus beaux de l’histoire des concertos pour piano.
D’une ferveur communicative, concentré à l’extrême, Evgeny Kissin connaît la partition par cœur. Cela se sent, cela s’entend, se voit. Il y a du Chopin dans son Rachmaninov. Le jeu d’une infinie tendresse, droit et subtil, jamais brutal, force encore une fois l’admiration.
Point trop de fougue, mais plutôt une exactitude du phrasé, une justesse de ton. Pour une fois le mouvement central, intériorisé, intellectualisé dans le bon sens du terme, cesse d’être cet interminable pont tendu vers le bravache Allegro final ici d’une douce persuasion.
Kissin, d’une constante inventivité plastique, ne joue pas du piano, il le caresse, et l’orchestre, comme sur un nuage, d’une douceur sans égale, semble boire de l’œil et de l’oreille le formidable soliste.
Tant il est vrai que la direction de Lawrence Forster, suave et limpide autorise cette lecture toute en finesse et en réjouissants contrastes.
Généreux, Evgeny Kissin offre trois bis et reçoit en remerciement la plus formidable des standing ovation, car spontanée et sincère, d’un Grimaldi Forum enthousiaste et lui aussi talentueux.

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