Magazine Culture

La "grève générale" implique-t-elle la révolution ?

Par Alaindependant

Le jour où la classe ouvrière sera suffisamment organisée pour agir comme un seul homme, ce jour là il n’y aura pas besoin de grève, "générale" ou autre. C’est la classe capitaliste qui se retrouvera alors en grève, avec les travailleurs en possession des moyens de production [*].

C'est là un raccourci, mais il dit bien ce qu'il veut dire ! Lisons plus avant...

Michel Peyret

La grève générale (De Leon, 1907)

Par La Bataille socialiste

Éditorial par Daniel De Leon du Daily People du 17 février 1907 [cfpdf en anglais]

Le document publié par le secrétaire général des I.W.W. Trautmann, avec le consentement du conseil [Advisory Board],  en réponse à la proposition du Parti socialiste de Globe, Arizona, qu’un appel à la grève générale des travailleurs soit lancé et publié pour Haywood, Moyer et Pettibone [trois dirigeants syndicaux des mineurs en procès], a fait mouche.

La grève est un mouvement des travailleurs pour l’amélioration de leurs conditions. C’est là son but. Les travailleurs demandent un allègement du joug de leur esclavage. C’est la position reconnue des hommes en grève, avec implicitement la reconnaissance de la possession capitaliste à laquelle on s’affronte. Ils peuvent considérer ou pas que cette possession capitaliste est juste, qu’elle est une usurpation, quoiqu’ils en pensent cela n’affecte pas leur position. Impossible pour l’instant de faire valoir leurs droits, ils reconnaissent cette possession là où ils la trouvent et ne cherchent qu’à alléger leur pauvreté. La grève, en conséquence, n’est pas un acte révolutionnaire. Le simple fait que les travailleurs en grève quittent l’établissement où ils travaillaient est une reconnaissance de la possession du capitaliste et leur propre impuissance à renverser cette propriété.

C’est ainsi que le terme "grève générale" est inapproprié, est une contradiction dans les termes. La "grève générale" dans l’esprit de ceux qui utilisent cette formule implique la révolution. Elle implique non pas l’atténuation des conditions, mais le renversement du despotisme capitaliste. La tentative de renverser le capitalisme par un mouvement non-révolutionnaire, implicite dans la grève, de déserter les usines, délaissant leur prise et leur exploitation pourtant essentielles à la révolution, les laissant à la possession des capitalistes, un tel effort est une absurdité manifeste. Il ne faudrait pas parler de "grève générale" mais de "lock-out général" pour qualifier ce qu’ont généralement en vue ceux qui utilisent la formule "grève générale".

Il existe beaucoup d’expressions. Les expressions fausses proviennent de la confusion et engendrent la confusion. C’est ce qui se passe avec tous ceux qui, honnêtement, préconisent désormais la "grève générale". La confusion de la pensée qui les a amené à utiliser une mauvaise formule est aggravée par cette mauvaise formule même. Il en résulte qu’ils préconisent un mouvement qui ne pourrait profiter qu’à deux sortes d’hommes, tous deux à éviter par la classe ouvrière. Ces deux sortes d’hommes sont, en apparence, aux antipodes – ils sont, d’un côté, les agents capitalistes dans les syndicats qui sont là pour conduire les ouvriers dans des actions imprudentes, et de l’autre les "intellectuels" ou révolutionnaires dilettantes assoiffés de "sport". Aucuns n’en souffriraient. Toutes les souffrances seraient supportées par les travailleurs dupés.

Le jour où la classe ouvrière sera suffisamment organisée pour agir comme un seul homme, ce jour là il n’y aura pas besoin de grève, "générale" ou autre. C’est la classe capitaliste qui se retrouvera alors en grève, avec les travailleurs en possession des moyens de production [*].

Note:

[*]  Le mot anglais possession, récurrent dans ce texte, semble pouvoir être lu tant comme possession en français que comme pouvoir (mais dans un sens économique) ou propriété. La phrase finale dit juste "in possession", la précision "des moyens de production", implicite dans le texte, nous a semblé utile après discussion entre traducteurs.

(traduit de l’anglais par Adam Buick et Stéphane Julien)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Alaindependant 70792 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog