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"Mékong mon amour" de Jo(sette) Pellet

Publié le 23 octobre 2014 par Francisrichard @francisrichard
"Mékong mon amour" de Jo(sette) Pellet

"L'auteure, au cours d'un entretien à propos de son périple, confie avoir été attirée vers le Mékong par le biais de India Song (film de Marguerite Duras, basé sur son livre du même nom), dans lequel une mendiante se lamente en évoquant Savannakhet."

Ainsi s'exprime Danièle Duteil, à propos de Jo(sette) Pellet, dans sa préface à Mékong mon amour, titre éminemment durassien.

Faut-il avoir vu le Mékong pour apprécier les haïkus, senryûs et autres petites notes que Jo a rapportés de son voyage au Laos?

Non, bien sûr. Mais pour ceux qui, un jour, ont vu ce fleuve, les êtres et les choses observées par Jo, dans ses reflets et dans son voisinage, transformées sous sa plume en syllabes comptées et précises, feront naître en eux quelques réminiscences de sa "lourde lente masse brune".

Jo prend le train, puis l'avion. A "Bangkok sous l'eau - prisonnière d'un îlot de béton", elle prend un autre aéronef et se demande:

"sait-il bien voler

ce jeune coucou à hélices?

fleur lao sur la queue"

Interrogation infondée, car ce coucou la mène à bon port, à Luang Prabang, où elle peut:

"traîner mes tongs

du Mékong à la Nam Khan -

tropiques hypnotiques"

Elle y rencontre:

"moines safran

sous un parapluie-parasol

prêts à tout"

semblables à ceux du pays thaï...

Elle évoque les étals d'un marché, un déjeuner en paix sur les rives du Mékong, un bonze endormi et cette image habituelle là-bas, qui ne peut manquer de surprendre ici:

"sourire radieux

d'un vieil homme assis par terre

sans dents ni chaussures"

La modernité trépidante:

"amazone lao

enfourchant sa moto

bébé en bandoulière"

côtoie le temps immobile:

"chaque jour

plus avare de mes gestes

langueur tropicale"

et s'empare même du fleuve:

"ronrons du moteur

dans le silence des flots

Mékong l'enchanteur"

et des temples:

"la nuit des 4x4

se garent dans les vats -

Hyundaï chez Bouddha"

Le recueil fourmille de ces contrastes improbables et de ces petits détails vrais, qui, à la manière des pixels d'une photo numérique, composent la fresque singulière de ce pays sans accès à la mer, comme la Suisse...

Ce qui ne gâte rien au plaisir du lecteur, c'est l'humour de la voyageuse:

"mes mèches rouges

mettent en joie

un gentil fou

déjà joyeux"

En tous les cas, ce voyage lui aura laissé des traces indélébiles:

"hier encore à Vientiane

aujourd'hui dans le vignoble

suis-je la même?"

Les encres de Robert Gillouin, qui illustrent ce précieux recueil, font corps avec les mots vivants de Jo et le lecteur peut se demander s'il n'a pas été du voyage... C'est dire toute la puissance d'évocation qui peut émaner de ce recueil et qui parle donc à l'imagination non seulement par les mots, mais aussi par les dessins qui leur sont associés.

Francis Richard

Mékong mon amour, Jo(sette) Pellet, Samizdat


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