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Gracepoint (2014): à quoi bon?

Publié le 26 octobre 2014 par Jfcd @enseriestv

Gracepoint est une nouvelle série de dix épisodes diffusés depuis le début octobre sur les ondes de Fox aux États-Unis et Global au Canada. Ce thriller policier se déroule dans la ville de Gracepoint à la frontière entre la Californie et l’Oregon alors qu’un jeune garçon, Danny Solano (Nikolas Filipovic) est retrouvé sans vie au pied d’une falaise bordant l’océan. Dès lors, l’enquête menée par les détectives Emmett Carver (David Tennant) et Ellie Miller (Anna Gunn) se met en branle. Si au départ tous les habitants compatissent avec la famille, il s’avère que plusieurs d’entre eux ont quelque chose à cacher, qu’il y ait un lien ou non avec le meurtre. Remake de la série britannique d’ITV Broadchurch, Gracepoint n’est qu’une pâle copie de l’originale, et ce, bien qu’elle reproduise presque au détail près les dialogues et les plans. Alors que nous nous trouvons dans une ère où le contenu télévisuel d’un pays est de plus en plus accessible au monde entier, qu’il s’agisse de piratage ou d’entreprises comme Netflix ou Amazon, cette fiction est à coup sûr une perte de temps pour les sériephiles. Quant à l’Américain moyenqui privilégie le remake, il ne sait pas à côté de quoi il passe… tant pis pour lui.

Remake inutile

C’est très rare et on est surpris que cela arrive en 2014, mais un synopsis n’est pas nécessaire pour décrire Gracepoint puisqu’elle est quasiment identique à Broadchurch diffusée il y a plus d’un an (critique ici). Mêmes textes, mêmes plans, même acteur (David Tennant joue le rôle du détective principal). De plus, James Strong qui a réalisé quelques épisodes de la version britannique a fait le trajet outre-Atlantique et a entre autres été responsable du pilote. La supposée divergence ici, est que la série américaine s’étalera sur dix épisodes au lieu de huit et le créateur Chris Chibnall a assuré lors d’un point de presse qu’arrivé à l’épisode 7, le scénario divergera et que le tueur ne sera pas le même. En attendant, on regarde la même série deux fois, mais sans l’intensité ressentie précédemment. Prenons par exemple la scène où la mère de Danny, Beth (Virginia Kull) qui n’en peu plus d’être cloitrée chez elle décide d’aller au supermarché. On nous la montre parcourant les allées alors que tous la regardent du coin de l’œil avec pitié. Cette simple scène nous tirait les larmes des yeux dans la version britannique, ce qui n’est pas le cas ici puisque premièrement on la voit venir et que deuxièmement, il n’émane pas de l’actrice la même vulnérabilité dont faisait preuve Jodi Whittaker. Et justement, dans ce copié-collé il ne nous reste plus qu’à comparer le jeu des acteurs. Si Anna Gunn s’en tire plutôt bien, l’interprète de Mark (Michael Pena), le père de Danny, est franchement moins convaincant.

En règle générale, on ne peut s’en prendre au concept même du remake. Qu’il s’agisse de séries israéliennes (Hostages, Homeland) ou espagnoles (Red Band Society, Ugly Betty), il y a cette barrière de la langue qui peut justifier une adaptation d’autant plus que la grande majorité des gens détestent les sous-titres. Quant au doublage, les États-Unis, avec les moyens colossaux qu’ils ont, préfèrent tout refaire et par le fait même replacer les personnages et l’histoire dans un contexte social qui est le leur.

Autres cas

Cette technique associée au remake se veut particulièrement effective quand on pense au cas de Bron/Broen. Synopsis : deux policiers, un Suédois et un Danois travaillent ensemble afin d’élucider un meurtre survenu à la frontière entre les deux pays. Mœurs et langue différentes, c’est surtout la vision de représentants de deux peuples et de leurs modes de vie qui s’affrontent. Les adaptations The Tunnel (France et Angleterre) et The Bridge (États-Unis et Mexique) nous donnent quelque chose de complètement différent et d’intéressant, et ce, malgré une ligne directrice similaire.

Gracepoint (2014): à quoi bon?

On peut aussi prendre en exemple Les Revenants. Série française qui a fait le tour du monde, elle a d’abord été diffusée sur Sundance TV en Amérique avec des sous-titres, puis a servi d’inspiration (quoi qu’on en dise) à Resurrection, présentement diffusée sur ABC. Enfin, une adaptation fidèle à l’originale cette fois, intitulée The returned devrait voir le jour chez l’oncle Sam dans un avenir rapproché sur A&E. Mais encore une fois, la barrière de la langue peut justifier cette entreprise.

Gracepoint? Aucune raison valable. Un petit village isolé, qu’il soit anglais ou américain, ça ne change pas grand-chose. L’accent? Contrairement au tandem France/Québec qui ne fonctionne pas (raisons déjà évoquées ici), les Américains n’ont pas de problème particulier en ce sens, si l’on en juge le succès que connaît année après année Downton Abbey sur PBS et à plus petite échelle The Paradise ou Mr Selfridge. Non. La réalité est beaucoup plus décourageante. Après sa diffusion sur ITV, Broadchurch a été diffusé simultanément l’été suivant sur BBC America et Showcase au Canada. Quelques mois plus tard, c’est la France et le Québec qui découvraient en version doublée cette petite merveille. Depuis, les DVD des épisodes sont disponibles et c’est à se demander si ceux-ci sont actuellement disponibles sur Netflix. C’est justement ça 2014 : une multitude de contenus pour une multitude de plateformes qui facilitent le voyage des séries à l’étranger de façon toujours plus rapide. Alors que les Américains exportent leurs fictions partout sur le globe, ils sont apparemment un des peuples les plus étroits d’esprits. Qu’on en juge par les propos rapportés du critique Hank Stuever dans son article : « For all the great reviews, for all our urging others to watch it, BBC America’s “Broadchurch” viewing audience “represented, truly, less than 1 percent of the American television viewing population,” said Carolyn Bernstein, another of “Gracepoint’s” producers. »

Gracepoint (2014): à quoi bon?

Durant les trois premiers épisodes, Gracepoint a attiré en moyenne de 5,42 millions de téléspectateurs, alors qu’à la quatrième semaine, ce nombre a chuté à 3,52. Les sériephiles n’y trouveront pas leur compte non plus. Bien que très intense, Broadchurch était aussi très lente. Certes, le visionnement complet de la série en valait la chandelle, mais il fallait tout de même beaucoup de patience (même chose pour True detective). Ici, on abandonne puisqu’on a l’impression de regarder la même chose deux fois. Nous demander de se rendre jusqu’au septième épisode pour enfin voir quelques variantes est une perte de temps.


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