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Corps intermédiaire

Publié le 27 octobre 2014 par Emmanuel S. @auxangesetc

Samedi on était après le marathon de Berlin 2014, bien après le chemin de croix, la dernière station sur la gauche en sortant de l’ascenseur. Bien après ma vie de marathonien. 4 semaines, 28 jours, 28 nuits, la porte de Brandenburg au placard, bien fermée à clé dans ma tête. La faute à ce virus, à 15 jours d’antibio à gogo, aux corticoïdes. A la toux. Aux glaires. J’en passe et des plus salés.

Samedi 25 octobre 2014 aux alentours de 9h. Fétichiste et revanchard, j’enfile mon tee-shirt de finisher du marathon de Berlin. Il fait doux, 14°, le soleil brillerait presque tellement j’ai envie de courir, mais non, faut pas déconner quand même. Je suis bien, on se sent bien mes MIZUNO et moi, en forme, le repos complet et les substances chimiques ont dénoué jusqu’au blocage du cou et des lombaires, le progrès a du bon.

Les 1ères foulées sont idylliques, fluides, magiques, un peu comme un dépucelage, l’érection en moins, je baigne dans les hormones, la testostérone, I’M THE KING OF THE WORLD.
Je ne voulais pas prendre le chrono ni le cardio, histoire de ne pas m’intimider, de vivre ce rebirth rien qu’avec moi, sans technologie parasite. Mais l’Homme est faible, veule et pervers et je suis son prophète. J’ai donc la GARMIN 620 au poignet quand je me rends compte de mes pulsations everestiques, je n’ai aucune puissance dans les jambes dès qu’il s’agit d’accélérer un peu, les paysages défilent aussi lentement qu’au 35ème km d’un de mes marathons. Putain ça fait drôle.

Avant j’étais coureur, j’aimais la vitesse cheveux au vent, j’étais beau, j’étais jeune, j’étais libre. Là, j’ai 95 ans, 3 ou 4 vies derrière moi, 3 mômes et un corps affranchi de toutes mes commandes, flasque, mou, moche. Inutile.

C’est la fin.

20 à 25 pulsations de plus à la même vitesse qu’avant, le coeur est plastique même sans transplantation, j’atteins péniblement les 5’30 au km, je souffre, je souffle, pour un  peu je m’arrêterai presque pour marcher. Etre et avoir été. Etre ou ne pas être. Y aura-t-il un nouveau Sarko à Noël ?

10 km en 57 mn pour 159 de puls de moyenne, record pulvérisé, ce parcours habituellement survolé magnifiquement entre 43 et 45 mn à 160 de pulsations…

La course à pied est aussi ingrate qu’une femme des années 80, elle t’interdit tout assoupissement, elle est froide, exigeante, implacable, elle te domine quand tu la crois la dominer, elle t’oblige à relativiser ce que tu croyais être un absolu permanent. La hyène. Je la hais.

Je me donne 15 jours pour la soumettre, lui montrer qui est le chef, l’obliger à mettre un bon coup de balai à l’intérieur de mon bordel intérieur, quelques coups de pompe dans le coeur, et hop! retour du fractionné au stade Maurice Baquet.  Ce corps intermédiaire n’est pas le mien, ou pas encore, on vieillira ensemble si tout va bien mais pas tout de suite.


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