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Robespierre raconté par Henri Guillemin

Par Sergeuleski

   En 1789, banques et industries prospèrent mais le pouvoir reste entre les mains de l’Aristocratie : c’est alors qu’une nouvelle répartition de la richesse appellera une nouvelle répartition des pouvoirs.


1789, ce sont les émeutes de la faim. La France de 1789, c’est une France avec des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres : le travailleur des champs et des villes gagnent 20 sous par jour ; pour se nourrir, il leur faut en dépenser 14 ; le prix d’une miche de pain.

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   Rappelons que dans les deux premières années, la Révolution Française c’est aussi le suffrage censitaire et la loi Le Chapelier qui proscrit les organisations ouvrières.

La constituante de juillet 1791 aura pour morale, une morale voltairienne : « Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le plus grand nombre qui le nourrit ».

Rappelons que la Constituante maintiendra l’esclavage ; Robespierre dénoncera alors l’hypocrisie de l’égalité et de la liberté.

Très vite, la Révolution avorte ; elle n’est plus qu’une bataille entre nantis sur le dos des travailleurs. La bourgeoisie est prête à tout pour s’enrichir : on la soupçonne de vouloir faire la guerre à l’Autriche dans le seul but de recueillir des fonds pour acheter les biens du clergé.

Robespierre protestera à la tribune des Jacobins en janvier 1792 : « Si vous voulez faire cette guerre d’agression, vous vous reniez ! La Constituante a voté à mai 1790 à l’unanimité que la Nation française déclare solennellement qu’elle ne fera plus jamais de guerre d’agression ».

Une disette organisée par des spéculateurs provoquera une demande d’intervention de l’Etat pour fixer le prix de vente du pain ; les Girondins s’y opposent ; ils rappellent que « l’Assemblée s’est engagée à ne jamais intervenir dans le domaine économique ». Ce qui confirme une Révolution entre les mains des nouveaux riches, banquiers et industriels.


Henri Guillemin, conteur enthousiaste, nous raconte Robespierre

   10 août 1792, c’est la chute définitive de Louis XVI et de la monarchie constitutionnelle. La Convention remplace l’Assemblée.Cette journée voit la prise de contrôle du processus révolutionnaire par Danton et ses amis et alliés : Maximilien de Robespierre, Camille Desmoulins, Fabre d'Églantine, Jean-Paul Marat.

Robespierre fait voter le suffrage universel. Mais dans une France où 85% des Français ne savent ni lire ni écrire, sur 6 millions d’électeurs, seuls 15% des électeurs voteront. Sur les 750 membres élus à la Convention, seuls deux membres issus de la classe ouvrière siègeront ; c’est la bourgeoisie marchande qui raflera les sièges.

Rousseauiste, Robespierre propose de limiter le droit de propriété. Il s’attirera les foudres de la Bourgeoisie ; des Girondins réclameront la peine de mort contre quiconque propose de remettre en cause le droit de propriété : «  Liberté, égalité et fraternité » deviendra « Liberté, égalité et propriété ».

Robespierre demandera l’abolition des droits féodaux car la nuit du 4 Août 1789 qui avait vu l’abolition d’un certain nombre de privilèges, ne les avait pas abolis, tout en exigeant la peine de mort pour ceux qui spéculent sur les produits de premières nécessités : le pain et le blé et l’agiotage des assignats.

Danton à la tête du tribunal révolutionnaire qu’il a créé évoquera une 3è Révolution : « Il faut mettre la terreur à l’ordre du jour. Je veux une tête par jour !» Avant de faire volte face : il demandera que l’on fasse l’économie du sang très certainement dans l’espoir qu'on épargne le sien.

Le tribunal révolutionnaire avait fait tomber 1200 têtes en six mois ; en 40 jours, il en fera tomber 1876. Lamartine écrira : « ils couvrirent Robespierre du sang qu’ils versaient pour le perdre ».

Robespierre demandera la tête de Danton qu’il obtiendra pour « activités anti-révolutionnaires et anti-gouvernementales ».

   Avec sa guerre contre l’athéisme, un athéisme qu’il juge responsable del’affairisme d’une classe qui sape son projet révolutionnaire et vole le Peuple, une guerre incarnée par l’Etre suprême censé consolider l’idée de justice et de fraternité, Dieu et la religion devenant alors non plus l’opium d’un peuple asservi et abruti de fatigue mais d’une République solidaire et fraternelle, Robespierre se met en danger irréversiblement.

26 juillet à la Convention, il déclare : « Mes mains sont liés mais je n’ai pas encore un bâillon sur la bouche. Quand la République tombe entre certaines mains… que voulez-vous que nous fassions quand le responsable des finances fomente l’agiotage, favorise le riche, désespère le pauvre ? J’en ai assez de ce monde dans lequel l’honnêteté est toujours victime de l’intrigue et la justice un mensonge. » (1)

Robespierre est arrêté. 106 exécutions seront votées. Robespierre sera le dernier à monter sur l’échafaud.

   La Révolution est morte. On rétablit le « cens » selon le principe qui veut qu’une République gouvernée par les propriétaires est dans l’ordre social. Madame de Staël rouvre son salon. Benjamin Constant rentre de Suisse les poches chargées d'or.

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       Aujourd’hui encore, l’image d’un Robespierre « petit homme malingre à la santé fragile, incorruptible, fanatique, guillotineur glacé, les mains sanglantes », colle à la peau de ce personnage.

Issu d’un milieu modeste, Robespierre fera des études d’avocat grâce à une bourse du Clergé. Déjà pour Robespierre « Les exploités doivent apprendre à comprendre les raisons de leur misère ». Très tôt, il a pour maître à penser : Jean-Jacques Rousseau et son « Contrat social ».

On oppose souvent Robespierre à Danton, "l’homme du 10 Août", chaleureux et audacieux ; dans les faits, un affairiste et un spéculateur opportuniste et arriviste sans principe, ni doctrine ni vision car, de Danton, impossible de cerner la moindre idée politique ; la Révolution semble pour lui l’occasion d’un enrichissement inespéré.

Alors que Robespierre est un franc-maçon avec une doctrine sociale, Danton, ami des plus riches, - on dit de lui qu’il a été, très tôt, acheté par la Banque, l’Industrie et la Monarchie avant la chute définitive de Louis XVI -. n’a jamais caché son aversion pour « la démocratie et leur République de Wisigoths » ; celle que Robespierre tente de bâtir.

   …  « Nous voulons une demeure pour les hommes où toutes les âmes s’accompliront ! » avait souhaité Robespierre.

Orgueilleux mais désintéressé, on a dit Robespierre violent ; mais... la violence peut-elle être une forme de l’amour ? Un visage indigné de l’amour ? Et l’indifférence la perfection de l’égoïsme ? Après tout, ne peut-on pas préférer le sang à l’eau avec laquelle Ponce Pilate s’en est lavé les mains ?

Robespierre était de ceux-là : une âme perdue pour la raison du plus riche et du plus cynique ; et si on pouvait lui reprocher son isolement et son absence de contact avec le Peuple, de l'avoir plus souvent rêvé que fréquenté, il aura toujours placé les intérêts des petites gens au centre de ses préoccupations et de sa Révolution.

  


1 - Le dernier discours de Robespierre devant la Convention le 8 Thermidor an II : ICI

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Pour prolonger, cliquez : Les conférences de Henri Guillemin


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